Mourir à deux

Marie Jacques Laval Panglose,

- Publicité -

Ami et Élève du Grand E. 

‘Nous n’aurons donc pas de vieux jours heureux’, dit-elle en lui tendant sa carte d’identité. ‘Je le voulais tant. Mourir à cinquante-sept ans et te laisser à toi ; qui prendra soin de toi, bel amour ! Qui meublera tes instants !’ Elle comprima ses larmes. Lui, ferma les yeux et la main sur la carte. Il la lui fallait pour l’inscrire chez l’entrepreneur, celui des morts, ce qu’autrefois on nommait les pompes funèbres.

« Qu’importe la tristesse, qu’importe l’au-delà, qu’importe moi-même, qu’importe mon cœur, tu es ma vie, celle qui n’a besoin de souffle, mais que de toi. Je sais, tu sais, que mon corps doit continuer sans toi. Comment, donc habiter la Terre, quand tu demeures ailleurs ?

»

‘Le pacte tient. Tu es ma vie et moi la tienne. Disparaîtront les paroles, demeureront les pensées. Je te ferai signe.’

‘Vivre sans ton physique m’accable, m’effraie, me chavire, m’écrase ce cœur d’homme telle une pierre frappant la meule. Tu es l’air, moi l’oiseau et soudain que le gouffre, un vide, que nul ne brasse. Pourtant je sais que tu ne meures pas.’

‘Oh que si. Mon corps n’en peut plus. La dialyse me détruit, m’essore l’énergie. Je ne crois pas pouvoir en tenir plus qu’une encore.’

‘Essaie, juste le temps de te serrer encore, s’il te plaît.’

Elle sourit.

Il pleure.

‘J’ai fait un rêve, tout à l’heure, en m’assoupissant. Un grand chien noir se jetait sur moi.’

‘Et puis.’

‘Et puis un vide.’

‘Je comprends.’

‘Moi aussi.’

Un regard puissant les étreint. Ils s’embrassent.

‘Nous devons partir. Dans trente minutes c’est ta session de dialyse.’

Elle essuie les larmes de l’autre. Il l’aide à mettre sa prothèse jambière. Elle se met debout en s’appuyant sur ses épaules. Elle est grande, toujours belle, désirable. Bras dessus bras dessous, ils quittent la chambre, traversent le salon. Elle s’arrête un instant et se tourne, toujours l’étreignant. Elle regarde leur lit au loin.

Maintenant, elle s’appuie sur la porte de la Mercedes et y pénètre. Il s’assied à côté.

À l’hôpital de Rose Belle, elle est installée sur le lit numéro 16.

Là-bas au coin de la salle, plusieurs parents entourent une vieille dame. Quelqu’une le reconnaît et dit bonjour. Il répond. La personne s’approche et dit : ‘C’est ma grande tante qui se meurt. Elle a quatre-vingt-dix ans.’

Il sent une main attraper la sienne. C’est elle. Ils se regardent encore une fois, intensément.

‘Tu m’as donné ta vie.’

‘C’est ça l’amour.’

Le timbre résonne. Il faut partir.

Il quitte la salle. Au dernier moment il se retourne et la regarde. Il hoche la tête en signe de salut. Elle fait de même.

Le lendemain le portable sonna à six heures pile. C’était l’hôpital.

En posant l’appareil sur le chevet, il vit par terre, une photographie, la sienne.

Hier même, il l’avait inséré, signet du livre.

La voix douce mais insistante parla à son âme :

‘Je suis arrivée. Je t’attends et t’aime.’

La douleur ainsi que le chagrin arrivent tels des voleurs, des contrebandiers en attente. Eux, ils sont arrêtés, parfois, et purgent leur peine. Toute une éternité de joie arrive-t-elle à effacer les heures de peine ?

‘Nous nous aimerons toujours. Je le vois dans ton âme et dans la mienne.’

C’était elle. L’image apparut dans son esprit. Elle souriait comme quand ils se miraient, les yeux entrelacés.

 Le bonheur n’est pas de ce monde.

« Où l’avez-vous enterré, demanda-t-il.

Seigneur, lui dirent-ils, viens voir.

Alors Jésus pleura. » Jean 11.35

L’Éternel Présent

j :- Dis-moi l’Infini.

: -Tu es, l’Infini, sans le voir, ni le ceindre,

Car, Homme, tu ne sais, ni l’atteindre, ni le peindre.

Au Gisant la tombe, au Vivant l’espoir.

Car, qui gît, semble.

Mais qui vit, est.

Et si vient le temps, comme aussi vient le vent,

Ne vient point, ce qui n’est,

N’arrive point ce qui naît.

j :-  Je nais et suis.

E :- Tu suis tes naissances. Tu perdures, ineffaçable.

j. :  Dessine m’en le souvenir. Montre m’en la trace.

E :- L’incendie embrase l’étincelle, comme l’étoile la

  flamme.

j :- Mes sens d’Homme n’atteignent pas ta mélodie d’Ange.

E :- Chaque instant qui meurt se transcende en futur

          lequel n’est qu’un présent.

j :- Chaque joie que j’ai, s’arrête, et attend son hiver.

E :-  Tu regardes les saisons, qui défilent au présent.
Il n’y a pas de moments, car hier n’est qu’en toi.

j :- Mais le temps vient, de vivre, et puis n’est plus.

E :- Le temps vient, quand tu veux qu’il soit. Il est le présent qui jamais ne devient.

j :- J’ai été enfant, me voilà autre.

E :-  Tu as vu l’enfant, et les autres. Tu n’as cessé,

ni ne cesseras, de voir.

j :- Alors, le futur sera.

E :- Tout a été. Le temps, de l’Homme, se conjugue ainsi : du passé simple, imparfait, rebelle, il est composé pour être plus que parfait ; du futur simple, il est antérieur ; mais du présent il est inamovible, car ayant été, il est. Et au moment où il sera, il est.

Sing me a song of a lass that is gone
Say, could that lass be I?
Merry of soul, she sailed on a day
Over the sea to Skye

Billow and breeze, islands and seas
Mountains of rain and sun (mountains of rain and sun)
All that was good, all that was fair
All that was me is gone.

Chanson du film projeté par Netflix : Outlander : (Les Voyages Temporels) : intitulé The Skye Boat Song par
Bear McCreary

  

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour