MUSIQUE — JEAN-CLÉMENT CANGY: De Ti Frer à Etae, une histoire du séga

Outre ses deux derniers livres, Le makanbo du Morne et Ruelle de bonne espérance, Jean-Clément Cangy a publié sur le séga dans le passé. Aussi, la sortie, hier, de son histoire du séga sous le titre Le séga des origines… à nos jours, semble couler de source. Quelques grandes figures de l’art musical mauricien étaient au showroom d’Audi hier pour saluer la sortie de cet ouvrage comme il se doit : au son de la ravanne, avec des chants bien sentis et quelques bons mots…
Jean-Clément Cangy a lancé officiellement hier soir son livre Le Séga : des origines… à nos jours au showroom Audi Zentrum à Réduit. L’occasion de réunir quelques anciens comme Serge Lebrasse, Ram Joganah, Marclaine Antoine, Clarel Betsy, Mario Armel, dont il fait l’éloge dans cet ouvrage. L’auteur y met en avant les grandes figures du séga mauricien, évoquant les « Marrons » comme Ti Frer, Jacques Cantin, Maria Séga, Roger Augustin, Loïs Cassabo, Fanfan, les anciens comme Cyril Labonne, Alain Permal, Roger et Marie-Josée Clency, Jean-Claude Gaspard, Michel Legris, Mario Armel, Claudio Veeraragoo, ou encore les nouvelles générations, Cassiya, Nancy Dérougère, Sandra Mayotte, le groupe ABAIM, Etae et tant d’autres…
L’auteur explique clairement sa démarche en avant-propos de l’ouvrage : « Après avoir rappelé ses origines séculaires qui s’enracinent au coeur de la période de l’esclavage, nous retraçons son cheminement au cours des décennies passées, pour se placer finalement aujourd’hui, entre tradition et modernité, au sein d’un melting pot enchanteur et foisonnant, où le séga originel s’interféconde avec des influences musicales aux multiples horizons. » Jean-Clément Cangy raconte cette histoire dans le sens chronologique, en se concentrant sur les étapes qui ont marqué la formation, le développement et la popularisation du séga à partir de Ti Frer. S’il ne peut entrer précisément dans une histoire des origines en raison du caractère clandestin et oral de cette pratique, le chapitre sur les sources du séga est nourri notamment par les éléments fournis par le collectionneur d’instruments et mordu de séga qu’est Marclaine Antoine. Jean-Clément Cangy, qui a voulu honorer les figures du séga que nous avons la chance de compter à Maurice en leur offrant un de ses livres, a présenté ce dernier comme un des griots mauriciens, avec Fanfan qui n’a pu faire le déplacement hier.
Fraternité musicale
Serge Lebrasse a évoqué — outre son adorable et légendaire timidité — ses débuts dans le séga alors qu’il n’était pas encore accepté par la « bonne société ». Mario Armel a également pris la parole, en tant que premier ségatier à avoir chanté le séga en anglais avec Anita my love en 1976, et à l’avoir fait connaître en Afrique du Sud. Le chanteur de pop Clarel Betsy était également là, témoignant de son goût pour Ti Frer, dont il avait remis une chanson au goût du jour. Ram Joganah pour Latanier, Marousia Bouvery et Alain Muneean du groupe Abaim et quelques autres étaient là aussi, tandis que Gaëtan Abel a chanté Galé galé, ou encore l’excellent Sarbon de Marcel Poinen. La nouvelle génération a été brillamment représentée par le chanteur et ravannier Stephan Gua et le guitariste Ashish Appadoo du groupe Etae, qui ont interprété aussi quelques morceaux.
Ce livre permet à première vue de réaliser que depuis Ti Frer, cet art musical né de la terre et de l’histoire mauricienne a pris toutes sortes de visages et développé une diversité de styles plus grande qu’on ne l’imagine généralement, nous limitant trop souvent à deux ou trois pauvres terminologies, telles que séga typique, séga engagé et séga touriste… Jean-Clément Cangy rappelait fort justement que le séga est devenu un objet d’étude dans les universités d’ici et d’ailleurs, évoquant encore le cas de deux chercheuses qui s’y intéressent actuellement. Puisse cet ouvrage apporter de bons repères pour les chercheurs, les musiciens et interprètes ainsi que le public en général. Assorti de plusieurs chansons de référence en kreol, ce livre vient aussi montrer à quel point le séga est une expression propre, tout à fait apte à briguer la reconnaissance de l’Unesco en tant que digne représentant du patrimoine mondial immatériel.

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