Nomination de Dulthumun au Mauritius Museums Council – Notre patrimoine à la potence ?

PADMA UTCHANAH

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 Présidente du Ralliement Citoyen pour la Patrie

Qu’est-ce qu’un musée ? Pour certains ce sont uniquement quatre murs où trônent quelques vieux os et des bimbeloteries ; pour d’autres, cela s’apparente à un lieu lugubre, où il ne fait pas bon se hasarder. Un musée est bien plus que quelques bibelots mis sous verre; c’est une pluie de lumière qui inonde l’être et où le savoir guide l’âme vers la connaissance de soi. Un musée, c’est la convergence de l’Humanité où chaque être se reconnait en cette universalité.

Notre pays recèle des perles dans le monde muséal comme le musée du professeur Sookdeo Bissoondoyal où le combat pour l’éducation de ce grand homme est relaté par l’entremise de manuscrits, livres, et photos d’archives. Celui de M. Goorooduth Chuttoo revêt un charme rustique. Ce musée d’art populaire invite au voyage dans le temps où chaque objet témoigne de l’ADN mauricien.

Dans un tout autre registre, le Musée de la Photographie, unique dans tout l’océan Indien, offre des pièces rares comme les daguerréotypes dans le contexte du tout premier procédé photographique. Quant à notre musée d’Histoire naturelle à Port-Louis, il demeure une institution indétrônable. Ces lieux de mémoire que compte notre île, tissent un lien indissociable entre passé, présent et futur. Tant de lieux de souvenirs, tant de musées nécessitant donc une attention particulière. Seul un gardien bienveillant, amoureux du Patrimoine saura veiller sur ces temples de la mémoire.

L’annonce de la nomination de Somduth Dulthumun comme Président au Mauritius Museums Council sonne comme un coup de massue dans plusieurs milieux, comme si nous n’étions pas suffisamment accablés par le gouvernement. Ce choix controversé soulève de nombreuses interrogations.

Selon quels critères le Premier ministre a-t-il jugé que Dulthumun serait l’homme providentiel                                                                                                                                                           pour s’occuper de la sphère muséale ? L’actuel président du mouvement « Hindutva » détient-il les qualifications requises ou une expertise en ce sens ?

Faut-il croire que le Premier ministre ne sait toujours pas faire la distinction entre religion et culture ou est-ce une naïveté déguisée pour mieux effacer et réécrire le récit national ? Le chef du gouvernement peut-il nous communiquer le montant de la rémunération du nouveau président du Mauritius Museums Council ? Ce rapport entre le gouvernement et Somduth Dulthumun est-il purement électoraliste ? J’invite le leader ainsi que les autres membres de l’Opposition à soumettre ces questions lors du débat parlementaire.

Pendant de nombreuses années, des ministres qui se sont succédé au pôle Culture ne sont pas parvenus à véritablement promouvoir la Culture, à sauvegarder le Patrimoine et à faire que l’on aime les musées et qu’on les fréquente davantage. Ce ministère a surfé principalement sur la vague religieuse et socioculturelle. C’est la décrépitude, un désespoir sans fond. Le nouveau ministre Avinash Teeluck a également emboîté le pas à ses prédécesseurs. Est-ce des ministres de la Culture dont nous disposons ou plutôt des ministres des cultes?

De grands chantiers attendent Avinash Teeluck et Somduth Dulthumun. L’un des plus urgents demeure incontestablement le musée de l’esclavage. Bien que certains travaux aient été enclenchés, l’attente éhontée et outrageuse de la mise sur pied du musée de l’esclavage par le passé est tout simplement un acte irrévérencieux à l’égard du devoir de mémoire de nos aïeux enchainés.

Notre pays regorge de personnes avec des compétences spécifiques, d’experts dans le domaine du musée, d’amoureux du Patrimoine qui maîtrisent ce sujet et qui auraient pu mettre en valeur la Culture sous sa forme la plus noble. Quel message renvoie-t-on à nos jeunes ? Que hélas, le travail ne paie pas et que seul le copinage, semble-t-il, ouvre des portes. Quel avenir promet-on à nos étudiants ? Peuvent-ils encore avoir une lueur d’espoir d’un lendemain radieux où seules la méritocratie et la compétence comptent ?

 

 

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