Où sont les djeuns ?

Le regretté docteur Alpha Oumar Barry, homme politique guinéen, avait eu l’outrecuidance d’écrire ceci en 2010 : « Il est urgentissime que les Hommes qui ne sont pas sages pour leurs âges soient mis en quarantaine afin que les Guinéens prennent leurs responsabilités devant Dieu et l’histoire, pour juguler cette gérontocratie rampante, aveuglée par une retraite politique dorée et son entrisme manifeste qui risque de faire imploser le pays ! » Il a sans doute chèrement payé le prix de son insolence. Rassurez-vous, je ne vous ferai pas l’injure de comparer nos dirigeants, actuels ou aspirants, à ces quelques ogres africains de triste mémoire. Prenant en considération le fait que l’honnêteté est aujourd’hui une denrée rare chez les politiciens, je souhaiterais seulement les voir libérer le plancher avec ne serait-ce qu’un semblant d’honneur. Je dis bien « semblant », car l’honneur qu’ils ont perdu depuis belle lurette n’est pas achetable. 
Notre chère république offre en ce moment un spectacle de désolation.  Sur près d’un million d’adultes qu’elle en compte, seuls trois super-héros aux affinités changeantes osent prétendre pouvoir prendre en main notre destinée : un lion de 67 ans, un moustachu grincheux de 70 ans et un Rambo de 84 ans.  Trois hommes sans panache qui s’incrustent, qui chialent et qui en veulent. Une pitié ! Mon admiration pour nos aînés et ma gratitude envers eux ne suffisent pas à me persuader du caractère messianique de ce trio infernal. Cependant, il ne suffit pas de critiquer à tout bout de champ : nous avons le devoir de reconnaître notre part de tort dans la fabrication de ces mascottes apparemment  indéboulonnables. Nous sommes, par notre résignation et notre silence coupable, peut-être les plus grands responsables de cette situation machiavélique. Comme le dit si bien le poète polonais  Stanis?aw Jerzy Lec, « quand aucun vent ne souffle, même les girouettes ont du caractère ».
Nous avons des jeunes intellectuels assoiffés de justice qui ne demandent qu’à servir leur pays. Ils ont beaucoup de bonnes  intentions  mais, peut-être pas assez de répondant.  Ils veulent brûler les étapes et semblent avoir peur de se mouiller. Malheureusement, notre espace politique n’est pas encore prêt à s’ouvrir aux tribuns-Facebook. Notre agora reste toujours, et pour encore pas mal de temps, le koltar avec sa folklorique kes  savon.  Nos dinosaures ont en leur âme et conscience cadenassé l’accès au sommet, et les plus jeunes ne semblent pas assez ingénieux pour trouver les moyens de faire exploser les verrous. Contrairement à l’idée répandue, l’argent n’est pas nécessairement le nerf de la guerre. L’Histoire est peuplée de récits où des héros sans grands moyens ont libéré leurs peuples du joug des tyrans.  Le seul point commun entre eux étant le courage. Il est grand temps que nos trois personnalités  cessent de nous jouer ce musical chair monotone et indécent.  Nous n’en sommes plus admiratifs.
Petite consolation : il y a eu un rajeunissement « par le bas » de notre classe politique, surtout chez les rouges. Pour des considérations purement (ou bassement) politiques, certaines grosses pointures ont été soigneusement remisées avec, en prime, le mirage  d’une petite douceur pour soulager l’amertume du moment. Cela, moyennant bien évidemment une « conduite exemplaire » de leur part pendant la durée de la  campagne électorale. Il est plus que sûr que les noms d’oiseaux voleront très bas dans quelques jours. Les rouges-gorges privés de millet crieront plus fort que les martins-pêcheurs et autres passereaux fraîchement installés dans le nichoir.  Ces jeunots viennent tout juste de découvrir la noblesse et la rougeur de leur sang. Ce ne sont pas quelques cris de putois qui ralentiront le bus, s’il est d’autant plus rempli de Smartphones, de macaronis et de tempos sans couvercles. Eh oui ! Il paraît que les couvercles sont livrés après confirmation de vote.
Faute d’alternance, nous aurons à subir pendant encore un mandat cette mainmise infernale des anciens. Nous aurons encore à supporter leurs coucheries, leurs diktats, leurs trahisons. Nous admirerons, résignés, l’enrichissement de leurs amis au nom d’une quelconque démocratisation. Nous pleurerons nos enfants chômeurs et nos vieux maltraités. Il est urgent que la jeune génération se mette dès maintenant à battre le pavé si elle veut encore prendre en main sa destinée. Elle le peut !

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