« Pa nou zafer seki pe arive Lafrans ! »

Les émeutes en France pour protester contre le meurtre du jeune Nahel, âgé de 17 ans, abattu à bout portant par un motard de la police pour le motif de refus d’obtempérer, peuvent nous laisser indifférents. Pour de multiples raisons, les unes plus réconfortantes que les autres, nous pouvons dégainer, comme ceux à la gâchette facile, avec un « pa nou zaker seki pe arive Lafrans ». La première demeure la distance géographique entre Paris et Port-Louis. La violence ne s’exporte pas comme biens et services et ne se propage pas aussi facilement que le virus du Covid-19 ou encore la dengue, dont on dit qu’il n’y a pas de traitement médical efficace.

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Comme contre ces virus qui réclament des mesures de prévention, l’escalade de la violence impose une politique visant un minimum de prise de risques à tous les niveaux. Le coût est vraiment énorme, que ce soit sur le plan financier, social ou psychologique. Les compagnies d’assurances existent pour une mission spécifique, à savoir l’indemnisation de tout préjudice considérable. Même si demain elles ajustent sans pitié les primes, à nos dépens, pour assurer leur profitabilité. Mais, en passant, l’angoisse et la psychose ont-elles un prix ? Oui, c’est vrai.

Les plus cyniques diront que c’est du déjà-vu ! Du déjà-vécu ! Ce n’est pas la première fois que des émeutes éclatent dans une ville ou dans un pays. Pourquoi s’en préoccuper ? Tout simplement, « pa nou zafer seki pe arive Lafrans ».

Néanmoins, il peut y avoir d’autres raisons pour pousser à changer d’avis. Même si Paris, Marseille ou Lille sont éloignés de Port-Louis, la situation évoluant à La Réunion confirme la thèse que le monde n’est qu’un village. Puis, serait-il exagéré d’avancer qu’au sein de la majorité des familles à Maurice, il doit y avoir un parent, un proche ou une connaissance vivant en France ? Toutefois, au-delà de cette proximité géographique et conviviale, un autre facteur porte un germe potentiel de préoccupation pour chaque famille. Commentant ces émeutes en France, Martine Aubry, « vieux de la vieille » en politique, note que parmi les émeutiers, « aujourd’hui, on a des enfants, pour beaucoup avec qui on ne peut pas discuter ». La moyenne d’âge est en effet de 17 ans.

Une des conclusions des interventions des membres du gouvernement français, dont le président Macron, porte sur les conséquences graves de la dérive au sein de la cellule la plus importante de la société : la famille. Un émeutier sur trois interpellés étant très jeune, le président français appelle à la responsabilité des parents. « C’est la responsabilité des parents de les garder chez eux. Il est important pour la quiétude de tous que la responsabilité parentale puisse pleinement s’exercer […]. La République n’a pas vocation de se substituer (aux pères et mères de famille) », dit-il.

Peut-on encore dire « pa nou zafer seki pe arive Lafrans » ? Difficile de répondre par la négative. Sans jeter l’anathème à ces parents, qui sont engagés dans une course contre la montre pour tenter de joindre les deux bouts ou faire bouillir la marmite, la question du contrôle parental se pose de manière cruelle. À Maurice aussi. La réaction des parents face aux dérives caractérisées notées est tout simplement : « Mo zanfan pa koumsa sa ! Lakaz li enn bon zanfan ! » Certaines fois, ce n’est que trop tard qu’ils le réalisent. Les scènes aux abords des gares routières à la sortie des classes et d’autres d’agressions physiques extrêmes entre collégiens, et postées sur des pages Facebook en guise de trophées, sont autant d’éléments de diagnostic qu’il y a room for improvement du côté de l’exercice de responsabilité parentale.

La dernière édition du Lundi de l’ICJM, portant sur la problématique de la drogue, plonge tout un chacun dans l’équation de cette défaillance de la responsabilité parentale. Contrairement au vieillissement de la population, le rajeunissement de la communauté de drogués, lui, doit faire peur. Les travailleurs sociaux font état de cas de consommateurs dans la tranche d’âge de 10 à 14 ans. And others graduating in the drugs network. Du sensationnalisme, répondra du tac au tac l’establishment en paradant la série de saisies de drogue, les unes plus spectaculaires que les autres. Le fait brutal est que les familles peuvent être très bien connectées sur le plan informatique et en même temps être complètement déconnectées au sein du noyau familial.

L’heure impose que « bizin pran kont bann zanfan », et surtout « aret get lemond dan fon enn kwiyer ». Les images déformées renvoyées peuvent nous conforter dans l’aujourd’hui, alors que le demain s’avère porteur d’une réalité difficile à accepter et à vivre…

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