PANDÉMIE | Lieu touristique : Le Covid-19 fait de Grand-Baie un village désert

On n’a jamais vécu une telle situation à Grand-Baie. Cette station balnéaire très prisée par les touristes est sur le point de devenir « une ville fantôme ». Les restaurants et les boutiques touristiques sont les premiers qui subissent de plein fouet l’effet du Covid-19. Un petit détour mercredi après-midi à Grand-Baie a montré à quel point ce village est déserté. On pouvait compter le nombre de touristes sur les doigts.

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Du jamais vu ! Cette exclamation est devenue familière depuis quelques jours dans les restaurants que nous avons visités à Grand-Baie. Le sentiment est lourd, les clients sont très rares et les employés sont très inquiets de la situation. « Nous n’avons jamais vécu une telle situation dans le passé. Ce que nous vivons est incroyable », explique un manager du restaurant La Pagode hier après-midi. Assis seul derrière son comptoir, il n’y avait qu’un couple qui mangeait tranquillement dans ce restaurant très réputé et dont les clients sont principalement des touristes. « Nos clients sont plutôt des Réunionnais et des Européens. Ils sont très nombreux et les tables à cette heure sont remplies », fait ressortir ce restaurateur qui s’inquiète de la situation.

Ayant fait des investissements dans l’achat de provisions pour son restaurant, il craint une perte de ses revenus et ne croit pas pouvoir compenser ses investissements. En ce moment, il dit n’avoir pas de plan pour continuer ses activités mais pense quand même ouvrir son restaurant malgré l’absence de touristes. « Nous allons devoir travailler, mais nous attendons la décision du gouvernement dans l’éventualité qu’on décide de tout fermer pendant quelque temps », dit-il. Si la situation empire, il dira que la direction de son restaurant sera obligée de remercier ses employés. Ce manager s’attendait déjà à l’annonce du Premier ministre, Pravind Jugnauth, de fermer les frontières et la baisse des touristes dans son restaurant était inévitable. Selon lui, si les grands pays ont eu des cas de coronavirus, il ne serait pas surpris que  Maurice soit touchée.

Quelques mètres plus loin, nous nous approchons de La Vieille Rouge, un restaurant qui existe depuis 20 ans. Ce restaurant également situé sur la route royale accueille, à l’heure où nous y étions, des touristes qui viennent pour un café ou pour leur déjeuner. Mais la différence de mercredi après-midi était une triste réalité. Le restaurant était vide et le propriétaire muni de son tablier effectuait un peu de nettoyage. « Le restaurant est vide depuis trois jours, soit depuis qu’on a décidé de faire partir les gens. D’habitude, nous avons toujours du monde dans ce restaurant », explique S.B, propriétaire du lieu. Selon lui, les touristes viennent toujours pour leur repas de midi et souvent, pour une bière. Ses clients, dit-il, sont pour la plupart des Réunionnais, des Français, des Allemands et autres.

Visiblement inquiet de la situation, ce restaurateur ne sait pas quoi faire. Il dit n’avoir même pas un plan B pour sauver sa situation. « Qu’est-ce qu’on peut faire ? Dans combien de temps la situation retournera-t-elle à la normale ? », se demande-t-il. En ce moment, son équipe s’est mise à nettoyer le restaurant. « On profite de ce moment pour nettoyer partout. Mais je sais que cela ne va pas être facile dans les jours à venir », dit-il. Se forçant à être optimiste, il craint que d’ici deux à trois mois, la situation ne soit difficile dans le pays. Déjà, à mercredi après-midi, aucun cas de Covid-19 n’était confirmé et le restaurant était vide. Pour lui, les Mauriciens n’arrangeront pas les choses en l’absence des touristes. « Les gens ne se permettent plus d’aller aux restaurants. La vie est chère. Ils préfèrent rester chez eux. Il va falloir attendre », dit-il. En ce moment, il compte huit employés. Et dans l’éventualité que les affaires vont mal, il dira ne pas savoir quoi faire. D’autant qu’il loue le bâtiment dans lequel se trouve son restaurant. Et même si les affaires ne marchent pas, il devra payer la location et les autres factures.

À la différence de ces deux restaurants, une petite pizzeria qui se trouve aussi sur la route royale connaissait mercredi une situation différente. Ils étaient au moins une dizaine de touristes qui étaient présents dans ce petit restaurant. Malgré leur présence, l’inquiétude se lisait sur le visage de deux employés assis tranquillement. « Depuis 15 jours, nous observons une baisse du nombre de clients. D’habitude, ce lieu est rempli de monde », dit une employée qui a préféré garder l’anonymat en l’absence de sa patronne. Les clients sont issus de plusieurs pays et le manque de clients, selon elle, est un sérieux manque à gagner pour ce restaurant. Si elle ne sait pas quelle décision sera prise par sa patronne au sujet de l’ouverture ou la fermeture de la pizzeria, elle fait part que cette dernière attend celle du gouvernement. Cette employée qui est aussi mère célibataire avec deux enfants à sa charge craint pour son emploi. « J’ai aussi un loyer à payer », confie-t-elle. La pizzeria, dit-elle, emploie cinq personnes et existe depuis quatre ans. Tout comme elle, un autre employé est aussi très inquiet. Craignant de perdre son emploi, il pense déjà à chercher un autre.

Cette baisse de clients était aussi attendue au restaurant La Jonque. « Cela fait maintenant deux semaines que le nombre de clients a baissé », lâche Reshad Hoolash, employé de ce restaurant. Actuellement, quelques Réunionnais en vacances au pays partent manger régulièrement dans le restaurant. À l’heure où on lui parlait, les tables étaient remplies de touristes. Mais il n’exprimait aucune inquiétude mercredi après-midi car il se basait sur ce qu’avait dit le gouvernement qu’il n’y avait aucun cas de Covid-19 dans le pays. Le restaurant opérera ainsi normalement jusqu’à ce que le gouvernement en décide autrement. Des promotions pourraient aussi se faire. Cet employé reste très optimiste malgré le virus. Pour lui, une fois que le Covid-19 disparaîtra, les gens sortiront de chez eux et le travail recommencera. Et de faire ressortir que les 20 employés resteront toujours sur place.

Non seulement les restaurants subissent-ils l’effet du coronavirus, mais les magasins touristiques sont aussi vides. À côté d’un restaurant très connu, un magasin avait beaucoup de peine à attirer les quelques rares touristes. Visages inquiets, deux employées du magasin étaient debout et gardaient espoir qu’au moins un touriste vienne acheter un objet souvenir. « C’est une situation que nous voyons pour la première fois depuis que nous travaillons ici. D’habitude, nous avons des touristes issus de l’Europe ou de La Réunion qui viennent quotidiennement au magasin. Si cette situation continue, nous ne saurons pas quoi faire », soutient l’une des employées. Elle dit craindre pour son avenir et celui de son collègue car leurs seuls revenus proviennent du magasin. Tout comme elles, un autre propriétaire d’un petit magasin touristique vit la même situation. Assis devant son magasin, le visage abattu, il avait beaucoup de peine à décrire ce que Grand-Baie est devenu. « Du  jamais vu », lâchera-t-il.

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