PARLEMENT: Clash Bunwaree/Sorefan sur le cellulaire de Finette

La séance du Question Time d’hier après-midi à l’Assemblée nationale, qui a démarré sur les chapeaux de roue avec des échanges entre l’opposition parlementaire et le vice-Premier ministre et ministre des Finances Xavier-Luc Duval sur le dossier de contrebande de bois de rose, a été assez chaude. Le point culminant reste cette passe d’armes d’une rare virulence entre le ministre de l’Éducation Vasant Bunwaree et le Dr Sorefan, député du MMM, au sujet de la facture du téléphone cellulaire du directeur général du Mauritius Examinations Syndicate (MES), Lucien Finette, d’un montant global de Rs 31 580 pour les mois de mars et d’avril dernier. Le ministre, qui s’est rétracté officiellement par la suite à la demande du Deputy Speaker Pradeep Peetumber, avait accusé le député du MMM de vouloir « rod enn bout » avec le directeur général du MES. Le député Sorefan a protesté énergiquement contre les allégations à son égard.
Deux autres dossiers, les importations d’oignons de l’Inde par l’Agricultural Marketing Board et la contrebande de bois de rose de Madagascar, ont également contribué à faire monter la tension au sein de l’hémicycle avec le vice-Premier ministre et ministre des Finances trouvant que « l’opposition inn découillonné » avec cette affaire, notamment l’éventuel exercice de Forensic Audit sur cette contrebande confié à la Banque mondiale. Les recrutements et les transactions immobilières de la Business Parks of Mauritius Limited (BPML), interpellations inscrites au nom du député Rajesh Bhagwan, ont débouché sur l’éventuel limogeage du directeur général, M. Naugah. Le député du MMM a voulu savoir si la décision de faire partir ce responsable n’attend que le feu vert du Premier ministre dans le sillage de l’enquête de l’Independent Commission Against Corruptions (ICAC) et des conclusions du rapport du comité interministériel présidé par le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures publiques Anil Bachoo.
Rien n’indiquait qu’un violent dérapage entre le ministre de l’Éducation et le député Sorefan allait marquer l’interpellation sur la facture de téléphone du directeur du MES, de respectivement Rs 18 362 et de Rs 13 218 pour les mois de mars et d’avril. Le député du MMM voulait savoir si Lucien Finette a remboursé de sa poche ces paiements effectués par le MES.
Bunwaree : Le directeur du MES était en mission officielle à l’étranger du 28 mars au 5 avril dernier. Il s’est rendu à Cambridge pour prendre part à des séances de travail. Il avait également des rendez-vous avec des responsables de facultés spécialisées en études orientales de l’Université de Londres en vue de discuter des modalités de traduction et de « moderation » pour les examens en langues asiatiques.
Compte tenu de ses responsabilités au sein du MES, le directeur a besoin de maintenir le contact de manière régulière avec l’administration de l’organisme. Les factures représentent les incoming and outgoing calls aussi bien que des e-mails. De ce fait, il a bénéficié de facilités de roaming sur le cellulaire officiel mis à sa disposition par le MES. Ces paiements ont été autorisés par le Board du MES.
Sorefan : Le ministre parle de téléphone officiel du bureau. Mais le 2585261 est le numéro privé et personnel du directeur du MES. Le ministre peut-il déposer sur la table de l’Assemblée nationale une copie de la correspondance adressée par le directeur au département des Finances du MES ?
Bunwaree : J’ai déclaré que le conseil d’administration du MES a approuvé le paiement. L’honorable membre ne doit pas oublier qu’il avait rencontré le directeur du MES pour discuter d’affaires personnelles…
Cette dernière remarque du ministre de l’Éducation jette de l’huile sur le feu avec les membres de la majorité gouvernementale sautant sur l’occasion pour goguenarder le député de l’opposition, qui proteste énergiquement.
Oignons “dumped”
Sorefan : There are fifteen Drs Sorefan… There are fifteen Drs Sorefan… I never did that… I never did that…
Bérenger (protestant contre le Dr Bunwaree) : Manière li pa éna sa boug-là !
Bunwaree : To bann kamarad inn kone aster-la…
Sorefan : Le ministre est-il disposé à déposer sur la table de l’Assemblée nationale une copie des extraits du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du MES sur cette affaire ?
Bunwaree : I won’t do that (avec des approbations sonores des membres de la majorité).
Sorefan (brandissant des documents) : Je suis disposé à le faire. Je dépose sur la table de l’Assemblée une copie de ces documents…
Les invectives reprennent de plus belle entre ces deux parlementaires.
Bunwaree : So tifi rode so bout. Li ti rode ène zafer pou so tifi…
Bérenger : Shame ! Shame ! Shame !
Devant les protestations de l’opposition au sujet de ces allégations, le Deputy Speaker intervient pour demander au ministre de l’Éducation de se rétracter.
Bunwaree : I withdraw…
Bérenger : Shame ! Shame ! Shame !
Quelques minutes plus tard, le même député de l’opposition devait croiser le fer avec le ministre de l’Agro-Industrie Satish Faugoo au sujet des importations d’oignons de l’Inde par l’Agricultural Marketing Board. « At no point in time were 2 000 tonnes of onions imported from India », a fait comprendre le ministre en donnant des indications sur la capacité de stockage d’oignons disponibles à l’Agricultural Marketing Board, les 89 tonnes d’oignons de grades I et II importées de Rodrigues en septembre 2011 payées respectivement Rs 27 000 et de Rs 23 000 la tonne alors que le prix de vente est de Rs 28 000.
Sorefan : Le fait demeure que pour les mois d’octobre à décembre de l’année dernière, 2 000 tonnes d’oignons ont été importées de l’Inde. Peut-il confirmer le tonnage d’oignons qui ont été dumped ?
Faugoo : No onion has been dumped…
Sorefan : Mes informations sont que quelque 300 tonnes ont été dumped…
Deputy Speaker : Le ministre a déjà répondu à cette interpellation supplémentaire.
Bancs du gouvernement : Sorefan dentiste, al check to zwanion…
Sorefan : Le ministre peut-il expliquer comment l’Agricultural Board a payé la tonne d’oignons de l’Inde à 600 dollars américains alors que des importateurs s’approvisionnant du même vendeur en Inde à 400 dollars américains ?
La réponse fournie par le ministre Faugoo est noyée par les commentaires et les brouhahas émanant de l’hémicycle.
Li Kwong Wing : Le ministre peut-il confirmer si l’Agricultural Marketing Board a réalisé des profits ou essuyé des pertes avec les importations d’oignons ?
Faugoo : L’Agricultural Marketing Board a fait des petits profits. Sometimes break-even. They don’t make losses.
Sorefan : Le ministre est-il au courant que l’Agricultural Board a dû emprunter un conteneur d’oignons d’un importateur avec la promesse d’un remboursement à l’arrivée d’une prochaine cargaison ? En contrepartie, ce commerçant a obtenu 200 tonnes de pommes du Marketing Board au prix de Rs 18 000 la tonne au lieu des Rs 24 000 ?
Faugoo : I’m not responsible for the day-to-day business of the Agricultural Marketing Board. Si c’était une question de politique, je suis redevable…
Jhugroo : Ti bizin sa pou faire fête Dowarkasing…
À ce stade, le ministre Faugoo intervient pour évoquer la politique du gouvernement visant à accroître la production de pommes de terre, d’oignon et d’ail et de réduire au maximum leurs importations. Il se dit satisfait des résultats obtenus jusque-là comparativement à la tendance enregistrée avant 2005.
Sorefan : Entre-temps, le public consommateur souffre…
Le député du MMM se fait rappeler à l’ordre par la présidence de l’Assemblée nationale et le député Bhagwan en profite pour intervenir avec une interpellation supplémentaire.
Bhagwan : Le ministre est-il au courant du fait que l’Agricultural Marketing Board a été transformé en un véritable bazar caractérisé par un gross mismanagement et le règne de maja-karo ?
Faugoo (sortant de ses gonds) : The Honourable member is a specialist demagogue. Quand j’ai à mettre de l’ordre, je le fais. J’ai fait renvoyer le General Manager quand il le fallait. L’honorable pose des questions pour la galerie. To poz kestyon pou la presse…
Bérenger : Koz Rose-Belle to fer bien…
Sorefan : The Agricultural Marketing Board should be added to the list of « magouilles » of the Prime minister. The minister does not know a lot of answers…
Le député du MMM est interrompu par le Speaker adjoint, poussant le leader de l’opposition à protester contre la manière de faire de la présidence.
Bérenger : Se enn diktatir sa. Laisse li poz so kestion. Ti ena enn goalkeeper. Aster-la inn gagne enn deuxième. Arrête bouscule dimoune.
Sorefan : The Prime Minister speaks himself of « magouilles ». Dans la conjoncture, le ministre est-il prêt à recommander une commission d’enquête pour faire la lumière sur la gestion de l’Agricultural Marketing Board ?
Faugoo : This is not true at all. There is no need for an enquiry…
Contrebande
En début de séance dans l’après-midi, le match parlementaire s’est déroulé sur fond du scandale de contrebande de bois de rose de Madagascar avec d’une part, le vice-Premier ministre et le ministre des Finances, et de l’autre, le leader de l’opposition et Pravind Jugnauth. Initialement, Xavier-Luc Duval a déposé sur la table de l’Assemblée une copie d’un communiqué de presse de la Banque mondiale en date d’hier matin faisant état de l’intérêt de cette institution à entreprendre un Forensic Auditing sur le bois de rose avec le feu vert du board de la BM.
Jugnauth : Comment le vice-Premier ministre et ministre des Finances réconcilie la teneur de ce récent communiqué de presse et sa déclaration en date du 28 mai où il affirmait à la presse que la Banque mondiale a donné son accord à la demande du gouvernement pour un audit et qu’une équipe était en voie d’être constituée à cet effet ?
Duval : En fait, il y a eu une série d’e-mails échangés avec la Banque mondiale à ce sujet. Cette institution s’est déclarée disposée à nous aider à entreprendre cet audit.
Jugnauth : Peut-il faire état des attributions pour cette étude ?
Duval : Il y a une série d’e-mails échangés…
Bérenger : Peut-il déposer des copies de ces e-mails sur la table de l’Assemblée nationale ?
Duval : La Banque mondiale est disposée à collaborer mais il faudra attendre le top management approval. Une fois cette étape franchie…
Bérenger : Eleksion inn fini vini lerla…
Jugnauth : Au moins, le gouvernement a soumis un projet des attributions et du mandat proposé à la BM. Est-il prêt à soumettre une copie de ces propositions à la Chambre ?
Duval : Les termes exacts des attributions seront définis une fois la décision formelle arrêtée. Nous avons soumis une demande pour un forensic dans cette affaire de contrebande de bois de rose. Nous voulons retracer ceux qui sont impliqués dans cette contrebande car tout cela relève d’une question de gros sous…
Bérenger : Le vice-Premier ministre et ministre des Finances parle de retracer ceux qui sont impliqués dans cette contrebande ; il ne veut pas déposer sur la table de l’Assemblée nationale des copies des e-mails échangés avec la Banque mondiale. Il n’a déposé que le dernier message en date du jour. Quand on prend connaissance de la teneur de ce message émanant du Country Director à la BM, l’on note qu’il est question de lutter contre la contrebande de bois de rose hors de Madagascar et nullement de retracer ceux qui sont impliqués…
Des commentaires d’autres parlementaires montent au sein de l’hémicycle avec le leader de l’opposition demandant au vice-Premier ministre et ministre des Finances de rendre publics les documents.
Duval : Ce qui a été rendu public ce matin est un communiqué de presse. L’opposition inn découillonné…
Bérenger : Alé vini mem Madagascar. Zot pou kone…
Duval : Quand il y a des questions, je donne des réponses. Il y a deux enquêtes en cours, dont une par l’ICAC. We answer the question. Je suis fier d’avoir collaboré dans la saisie de ces six conteneurs de bois de rose. Je n’ai aucun problème à ce sujet. Dieu sait que j’ai pris contact avec la MRA à cet effet. Depuis le début, l’opposition a tenté de jeter le discrédit sur nous. Mais zot inn découillonné…
Jugnauth : Y a-t-il eu des consultations avec les autorités malgaches à cet effet ?
Duval : I’m not aware of that…
Bérenger : So kamarad Vatel…
Uteem : Le communiqué de presse de la Banque mondiale évoque la nécessité de lutter contre la contrebande de bois de rose entre Madagascar et Maurice. À cet effet, il faut que Madagascar soit au moins consultée ?
Duval : We are not playing around… Cette affaire comporte des gains financiers énormes…
Jugnauth : À des questions précédentes, il avait soutenu être en contact avec les autorités malgaches sur cette question. Aujourd’hui, il veut que la BM enquête à ce sujet à Madagascar. Bois de rose is not a prohibited goods in Mauritius. Peut-il confirmer si les autorités malgaches ont été consultées sur cette étude de la Banque mondiale ?
Duval : L’honorable membre trouve que le bois de rose n’est pas un prohibited good à Maurice. N’empêche que les conteneurs de bois de rose ont été saisis par la MRA. Il y a deux enquêtes en cours, l’une par la police et l’autre par l’ICAC. Now you are saying it’s not an offence in Mauritius. Nous avons soumis une demande à la Banque mondiale. Je suis fier d’avoir aidé à la saisie de ces cargaisons de bois de rose quand j’ai parlé à la MRA…
Limogeage
Par ailleurs, le ministre des Technologies de l’Information et de la Communication Tassarajen Pillay Chedumbrum a répondu au député Bhagwan que toutes les procédures ont été suivies pour les derniers recrutements par la Business Parks of Mauritius Limited « contrairement à ce qui se passait auparavant ».
Bhagwan : Le directeur général de BPML fait l’objet d’une enquête de l’ICAC pour des questions de fraude et de corruption. Il y a encore le rapport défavorable à son égard suite à une enquête menée par un comité ministériel présidé par le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures publiques, Anil Bachoo ?
Pillay : En fait, le rapport du comité interministériel fait état des structures en vue d’embellir la région d’Ebène et de proposer de nouvelles facilités de parking.
Bhagwan : N’est-il pas question de trancher professionnellement la tête du directeur de BPML ? C’est une des recommandations du rapport
Pillay : Je n’ai pas connaissance de cela en tant que ministre de tutelle… In due course the necessary will be done…
Bhagwan : N’est-il pas question de limoger le directeur général de BPML pour mauvaise gestion et corruption ?
Bérenger : Direksyon prison !
Pillay : I’m not aware of that. Cette affaire ne relève pas de mon ministère…
Jugnauth : Peut-il déposer une copie de ces recommandations…
Pillay : Je ne sais pas si c’est la démarche appropriée. Je vais étudier la question… I cannot say anything…
Bérenger : Ena poursuite ladan !
Bhagwan : La décision pour se défaire des services du directeur général de BPML est imminente. Le dossier a été soumis au Premier ministre en vue d’entériner la décision. Tel n’est-il pas le cas ?
Pillay : Unfortunately, I don’t have these priviledged information.
Le départ du principal responsable de BPML devait revenir lors des échanges sur la vente des propriétés immobilières de BPML à Pamplemousses, Rose-Belle et à Rivière-du-Rempart. Ces transactions immobilières devraient générer des recettes globales de Rs 94,75 millions selon les informations révélées par le ministre Pillay. Il devait également révéler que BPML a réalisé des profits de Rs 162,8 millions en 2011.

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