Paroles et paroles et paroles…

… et encore des paroles que tu sèmes au vent. Ainsi répondait Dalida à Alain Delon. Mais cela pourrait tout aussi bien être ce que nous pourrions dire aux dirigeants du monde qui, lorsqu’ils se retrouvent, ont beau afficher leurs bonnes intentions sur le climat, restent toujours aussi stoïques que d’ordinaire lorsqu’il s’agit de transformer leurs paroles en actions. En atteste encore le récent G7, énième grand-messe du groupe de partenariat économique regroupant sept pays autrefois réputés pour être les plus grandes puissances du monde, et première du nouveau président américain en exercice, Joe Biden. Au programme de cette rencontre de trois jours dans les Cornouailles britanniques : Covid-19 et réchauffement climatique. Deux items importants, certes, même si l’on peut se douter que, pour des raisons évidentes, le premier aura largement éclipsé le second.
Sur la question du réchauffement, le G7 s’est officiellement doté d’un plan d’action. Même si l’on peut s’en féliciter, il faut reconnaître aussi que le contraire aurait été étonnant. D’abord parce que la question climatique ne pouvait être écartée, le monde ayant en effet les yeux braqués sur chacune de ces rencontres de haut niveau, mais aussi parce que le Royaume-Uni s’apprête à accueillir la COP26 en fin d’année, et plus exactement à Glasgow, en Écosse. L’objectif affiché est donc raisonnablement le même : limiter l’augmentation des températures sous la barre des 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle (au-delà de ce seuil, le changement climatique deviendrait en effet incontrôlable). Aussi, pour y parvenir, les dirigeants du G7 se sont engagés pour une réduction de 50% de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Les observateurs noteront bien quelques avancées. À l’instar de l’aide aux pays en voie de développement afin que ceux-ci puissent eux aussi s’engager dans la transition climatique. Mais pour ce faire, il faut des sous, beaucoup de sous. Aussi les contributions du G7 seront augmentées à hauteur de USD 100 milliards par an d’ici 2025. Cela paraît beaucoup, mais en réalité, ce chiffre est bien en deçà des espérances. En effet, pour éviter que les émissions polluantes des pays du Sud n’augmentent de cinq milliards de tonnes en 20 ans, cet investissement devrait être… sept fois plus élevé (USD 1 000 milliards), selon l’Agence internationale de l’énergie. Autant dire qu’on est loin du compte.
Autre point noir : la question des centrales à charbon, auxquels les pays du G7 veulent tourner le dos. Encore une fois, l’ambition est louable, et même plus que nécessaire pour négocier correctement cette transition. Sauf que dans les faits, on y mettra déjà au moins deux bémols. Primo : les vieilles économies ne sont pas parvenues à fixer une date de sortie pour l’utilisation du charbon pour la production énergétique. Et deuzio : l’arrêt de l’exploitation de ce combustible est nuancé par l’éventualité de la mise en place de mesures de compensation environnementales, comme le captage de CO2. En d’autres mots, si l’on arrive à capter le dioxyde de carbone, plus besoin de faire de concessions climatiques sur ce point. Ce qui est une aberration en l’état.
Si la communauté scientifique ne s’est pas encore prononcée sur la question, attendant peut-être l’issue de la prochaine COP, les militants écologistes, à l’instar de Greenpeace, eux, n’ont pas tardé à réagir. « Sans accord pour arrêter tous les nouveaux projets aux énergies fossiles – ce qu’il faut mettre en œuvre cette année pour limiter la hausse dangereuse de la température mondiale –, ce plan n’est pas à la hauteur », estime ainsi la célèbre Ong internationale.
Pour autant, les « chefs du monde » ne sont pas les seuls à blâmer. Car si l’on assiste à une recrudescence de mouvements verts à travers la planète, il faut admettre qu’ils sont encore trop peu à vouloir s’engager dans de réelles initiatives. Preuve en est la Suisse, où un projet de taxes incitatives en vue de lutter contre le réchauffement vient d’être rejeté par référendum, et donc par le peuple lui-même. Autant dire qu’à ce rythme, qu’importe l’endroit d’où elles émanent, ces belles paroles finissent toujours par s’envoler. Histoire de rejoindre le CO2 dans la haute atmosphère, sans doute.

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Michel Jourdan

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