Patricia Auffray ( Hotel manager, Dinarobin Beachcomber Golf Resort and Spa) : « Le dynamisme et la détermination des femmes font toute la différence au quotidien »

Parlez-nous de vos débuts. Vos études et votre métier…
J’ai débuté dans le monde de l’hôtellerie tout à fait par hasard. Fille d’un policier et d’une Nursing Officer, je n’étais pas prédestinée à ce métier. En 1990, à la fin de mes études secondaires au collège de Lorette de Curepipe, motivée par ma meilleure amie, Jane, je prends de l’emploi comme réceptionniste à l’hôtel Paradis Beachcomber, alors connu comme Le Méridien. Ce qui n’était au début qu’un premier emploi allait devenir au fil des années une véritable révélation pour moi. Car par l’encadrement reçu, les différentes formations et soutiens de mes mentors successifs, j’ai pris confiance en mes aptitudes et compétences et j’ai eu de belles opportunités pour m’épanouir. J’ai été ensuite promue Senior Receptionnist.
À l’ouverture de Dinarobin Beachcomber en 2001, je me vois confier la responsabilité du Front Office en tant que Front Office Manager pour ensuite gravir les échelons tour à tour en tant que Rooms Division Manager et Executive Assistant Manager. En 2022, je suis nommée Hotel Manager du Dinarobin Beachcomber.

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Est-ce un métier qui exige une discipline rigoureuse ?
Oui, effectivement. Faire carrière dans l’hôtellerie requiert une constance et une détermination à toute épreuve. Je pense aussi qu’il faut être une personne passionnée, car les horaires ne sont pas toujours commodes. Toutefois, c’est un métier très valorisant, qui exige une discipline rigoureuse pour répondre aux attentes de nos clients et de nos artisans.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Les difficultés sont certes les horaires, surtout en tant que femme pour arriver à trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. Ces difficultés m’ont permis de grandir professionnellement. Mais le bonheur, c’est ce plaisir immense d’accueillir les clients dans un cadre magique tout en les faisant vivre une expérience exceptionnelle et unique à chaque fois comme nous le disons chez Beachcomber : “Feel The Happiness You Give”.

Que diriez-vous à une jeune femme qui voudrait faire carrière dans ce métier ?
À une jeune femme aspirant à une carrière dans l’hôtellerie, je conseillerai de suivre sa passion avec détermination, car c’est un secteur riche en opportunités .Je suis certaine que la touche féminine fait la différence dans ce métier. Un “attention to details” qui demande beaucoup de minutie et de finesse; Il s’agit de croire en ses qualités et de rester forte même dans les moments difficiles, de ne pas se décourager face aux difficultés car le jeu en vaut la chandelle. Ce métier permet un réel épanouissement et de se réalisser sur le plan personnel.

Est-ce que vous avez le sentiment que vous êtes suffisamment valorisée dans le secteur touristique ?
En toute simplicité, je réalise que j’ai eu énormément de chances d’intégrer le groupe Beachcomber qui, au fil des années, a su me reconnaître à ma juste valeur et n’a pas hésité à me faire confiance en me donnant de grandes responsabilités. La femme trouve naturellement sa place au sein de notre entreprise qui valorise ses artisans avec un encadrement soutenu et des possibilités de développement continu.

Est-ce facile de concilier et de gérer votre rôle de femme, d’épouse et mère ?
J’avoue que c’est un véritable challenge de tout concilier. Toutefois, j’ai la chance d’être grandement épaulée par mon époux Doger qui est lui-même employé du Paradis Beachcomber. Ayant tous deux évolué dans le même environnement, nous nous comprenons et nous nous soutenons mutuellement. Mes enfants aussi qui sont grands maintenant ont toujours eu des mots réconfortants. Ils me coachent en permanence pour que je donne le meilleur de moi-même (rires).

Pour la Journée internationale de la Femme en 2024, les Nations unies ont choisi le thème “Accélérer le rythme”. Maurice est-elle à la traîne ou avons-nous fait des progrès notables en matière d’égalité des genres ?
Dans les années 90, quand j’ai débuté dans l’hôtellerie, c’était surtout un monde d’hommes où les postes à responsabilité étaient principalement occupés par la gent masculine. J’ai été témoin de l’évolution de la société et du monde professionnel, où des femmes (des exemples pour moi) ont réussi à se faire une place et un nom au sein de ce secteur.
En ce qui concerne l’égalité des genres à Maurice, des progrès ont été réalisés, mais il reste encore du chemin à faire pour éliminer les inégalités et accélérer le rythme vers une société plus inclusive et égalitaire.

Viol et violence domestique fondée sur le genre semblent être toujours légion. Quel jugement portez-vous sur ce fléau et quel soutien pourrait-on ou devrait-on apporter pour y mettre fin ?
Le viol et la violence domestique sont des fléaux qui doivent être condamnés sans équivoque. Il est impératif de fournir un service holistique aux victimes, y compris un accès à un psychologue et des ressources juridiques afin de mettre fin à ces violences insidieuses. Je demeure très sensible à la condition féminine. Je suis une militante pour le respect des droits des femmes. Il est effectivement malheureux de noter que la femme n’est pas toujours considérée avec le respect et la dignité qu’elle mérite. Le chemin pour combattre les violences sur le genre est encore long.
Au sein du groupe Beachcomber, nous avons un service d’écoute et de soutien individuel offert à tous nos artisans. Pour ma part, je suis toujours à l’écoute et ma porte reste grande ouverte pour celles qui ont besoin d’un conseil ou d’un soutien. Une femme vulnérable reste une proie potentielle pour subir toutes sortes d’abus. De ce fait, je les encourage au sein de notre établissement à s’affirmer et à revendiquer leur droit au respect. Être consciente de leur grande valeur demeure la clé pour sortir des préjugés et briser les barrières.

Selon vous, la société civile mauricienne est-elle suffisamment sensibilisée à ces problématiques ?
Bien que des efforts de sensibilisation aient été déployés, il est crucial d’intensifier les campagnes éducatives et de mobiliser la société civile mauricienne pour qu’elle soit davantage sensibilisée à ces problématiques. On n’est jamais assez sensibilisé car nous entendons toujours des cas atroces où des femmes sont prises au piège, victimes de maltraitance et de violences physiques et psychologiques. Sensibiliser la jeune génération demeure une priorité afin que la condition féminine ne soit pas banalisée, et surtout pour que les femmes elles-mêmes prennent conscience de leur grande valeur et de leur droit au respect.
Mesdames, nous avons tous le devoir d’éduquer la société mauricienne sur de nombreux préjugés persistants, afin de contribuer à un changement pour les générations futures.

Comme vous exercez dans le tourisme, parlez-nous du rôle et de l’apport de la femme dans ce secteur…
Les femmes jouent un rôle fondamental dans le secteur touristique en y apportant leur sensibilité, leur intuition et leur capacité à créer des expériences pour nos voyageurs et pour nos artisans. Leur contribution est essentielle à la richesse et à la diversité de l’industrie touristique.
Nous parlons toujours de la beauté de notre île et du sourire mauricien légendaire qui nous a mis en avant sur le plan international. La femme mauricienne a grandement contribué à ce succès. Dans tous les départements, elles trouvent désormais leur place (à la sécurité, en cuisine, à la maintenance, dans le comité de direction). Le courage, l’envie de bien faire, couplés à une bonne dose de détermination, font toute la différence.

L’évolution du monde a permis aussi l’émergence d’un autre genre que nous résumons par LGBTQ. Un commentaire ?
L’évolution vers une reconnaissance plus large des genres, y compris celui de LGBTQ, est une étape positive vers une société plus inclusive et respectueuse de la diversité. Il est primordial de promouvoir la tolérance et le respect des droits de chaque individu, quelle que soit son orientation sexuelle ou son identité de genre.
Je pense que dans un monde en évolution, ce qui compte avant tout, ce sont les qualités individuelles et le respect de chaque personne, indépendamment de son genre. Nous sommes tous uniques, et c’est dans cette diversité que réside notre richesse.

L’industrie touristique doit son succès au travail méticuleux et passionné de milliers de femmes. Ne faut-il pas rendre hommage à ces dernières qui, dans l’ombre, façonnent cette industrie ?
Il est indéniable que l’industrie touristique doit une grande part de son succès au travail acharné et passionné de milliers de femmes qui opèrent souvent dans l’ombre. Il est important de reconnaître et de valoriser leur contribution essentielle à ce secteur.
Je dis toujours à mes collaboratrices à quel point elles sont essentielles dans le rouage de notre hôtel. D’ailleurs j’aimerais dire que tous mes collaborateurs sont importants car chacun forme un maillon essentiel pour la bonne marche de notre hôtel. Ma mission, en tant qu’Hotel Manager, consiste aussi à mettre en lumière toutes ces Wonderwomen de l’ombre qui conjuguent vie familiale et vie professionnelle tels des chefs d’orchestre. Leur dynamisme et leur détermination font toute la différence au quotidien.

Votre opinion sur le 56e anniversaire de l’indépendance de Maurice…
Notre pays depuis son indépendance a connu de multiples évolutions, notamment dans le secteur du tourisme qui demeure un pilier de l’économie. Cette célébration du 56e anniversaire de l’indépendance est l’occasion de réfléchir à notre histoire, nos réalisations, nos défis et de nous remettre en question en tant que nation.
Le tourisme mauricien reste florissant, notamment grâce au développement des infrastructures, aux investissements en continu, et au sens de l’hospitalité exceptionnel des Mauriciens. Nous, les hôteliers, sommes conscients de l’importance de préserver notre environnement car il est de plus en plus fragilisé. D’ailleurs nous entreprenons des actions concrètes pour protéger l’environnement. Je pense que notre belle île mérite des actions d’envergure nationale pour sensibiliser tous les citoyens à leurs responsabilités et leur devoir, les encourager à être des écocitoyens.
Je vous partage aussi que je suis extrêmement fière d’être une Mauricienne à la tête du Dinarobin Beachcomber, un fleuron de l’hôtellerie mauricienne.

Propos recueillis par Jocelyn Rose

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