POÉSIE ET LIBERTÉ: Les deux ailes de la même colombe

Je peux rester un jour sans manger. Mais je ne peux pas rester un jour sans poésie. Car que reste-t-il à l’homme quand on lui a tout pris, son pain, sa patrie, son honneur, sa liberté ? Il lui reste la Poésie.
Car la Poésie, ce n’est pas juste des mots pour faire joli. Ce n’est pas faire de belles phrases pour charmer, pour discourir, pour concourir. La Poésie vous vient de l’intérieur, et ce souffle-là vous tient debout. Ce souffle-là vous libère, vous fait respirer, dans votre dignité d’homme (et de femme) pensant et agissant.
Tout est bon pour faire de la Poésie. Les plus grands bonheurs comme les plus grandes tragédies. Les plus grandes injustices aussi. Je dirais même que la Poésie, c’est un peu l’écologie de la pensée humaine : on recycle ce qui est moche pour en faire du beau.
La Poésie est le miroir de l’humanité. Les plus grandes civilisations, celles qui ont atteint les plus hauts degrés de raffinement, ont toujours produit de grands poètes.
Une seule condition pour écrire de la Poésie – et je ne parle pas de ces pâles copies de poésie engoncées dans des vers à dix ou douze pieds très pompeux – non, je vous parle de la vraie Poésie, de celle qui vous projette comme le souffle du volcan ! Une seule condition pour écrire cette Poésie-là, c’est la propreté de l’âme.
La Poésie est votre vêtement intérieur de pureté. On pourra toujours jeter de la boue sur vos vêtements extérieurs, jamais sur votre Poésie.
La Poésie est votre ciment intérieur. Ce pouvoir constructeur de la Poésie, Paul Eluard l’a nommé « Liberté » : « Et par le pouvoir d’un mot / Je recommence ma vie ».
Toutes les chaînes du monde ne pourront vous empêcher de faire de la Poésie. Sauf celles que vous vous êtes imposées à vous-mêmes, les chaînes de la Pensée Unique, les chaînes de la cupidité, de la duplicité, les chaînes de la lâcheté et des egos mal mesurés. Ces chaînes-là vous étoufferont plus sûrement que tous les esclavages, car elles vous gardent prisonnier du matériel, de la facilité, des apparences à préserver à tout prix aux dépens de son prochain.
Le poète, écrivit le résistant français René Char, n’est ni tout à fait dans la société, ni tout à fait dans une rêverie. Le poète ne s’envole pas en solitude. Son destin, son devoir est de maintenir l’espérance et la porte ouverte de toute sa civilisation vers les hauteurs.
Un pays qui ne produit plus de grands poètes est un pays mort à l’intérieur de lui. Un pays qui étouffe ses poètes, qui les encercle, les broie, les emprisonne, est un pays mort à l’intérieur de lui.

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