POLICE ET ICAC – COLD CASES : En quête d’échecs !

– La lumière toujours attendue dans des dossiers délicats

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– Du meurtre de Cael Permes, à La Bastille, au Saint-Louis Gate, en passant par l’énigme de La Louise

Le Police Beat, comme on le disait dans le jargon professionnel du temps où les réseaux sociaux – avec leurs dérives – ne régnaient pas en maître, a été des plus mouvementés. Certes, des crimes, avec des enfants innocents pour victimes, ont été des plus choquants. Et même en période de confinement, des parents, voire des meurtriers en puissance, se sont manifestés sans commune mesure.

Un sang-froid, probablement étranger à l’île Maurice jusque-là, gagne du terrain. L’exemple de la scène de la voiture des trafiquants de drogue, avec au volant le “chauffeur-meurtrier” Wazeel Meekhan, renversant mortellement la Women Police Constable Dimple (Vanessa) Raghoo sur le parking de Bo’Vallon Shopping Mall, est flagrant. En dépit des thèses de la défense.

Pire : les circonstances encore troubles du meurtre de l’agent du MSM de Quartier-Militaire/Moka (No 8), Soopramanien Kistnen, dont le cadavre en partie calciné a été découvert par hasard 48 heures après dans un champ de cannes de Telfair. Mais, dans ce dernier cas, ce qui préoccupe davantage demeure le laxisme dont a fait preuve la police, préférant privilégier la thèse du suicide pour des raisons qui deviennent de plus en plus évidentes.

Dans cette même logique de sang-froid s’inscrit le meurtre du détenu Cael Permes, survenu le 5 mai dernier alors qu’il avait été transféré de la prison centrale de Beau-Bassin à La Bastille. Au moment de ce meurtre, la victime était sous le contrôle des Prison Officers. Que ce soit dans ce cas ou celui du meurtre de Soopramanien Kistnen, le point commun demeure que les réseaux de caméras de surveillance, que ce soit à la prison de haute sécurité de La Bastille ou du Safe City Network de La Louise ou Telfair, ont joué aux abonnés absents. Détail qui amène les plus cyniques à s’engager dans un exercice d’enquête d’échecs, que ce soit du côté de la police ou de l’Independent Commission against Corruption (ICAC).

Le mystère du Wakashio
L’enquête du CCID sur l’échouement du MV Wakashio sur les récifs de Pointe-d’Esny, le 25 juillet, n’a pas encore eu de conclusions. Le mystère perdure sur les circonstances ayant mené ce vraquier près de nos côtes, avec pour résultat le déversement de tonnes d’huile lourde en mer. Le capitaine Sunil Kumar Nandeshwar, 58 ans, a rejeté le blâme sur son second, Suboda Tilakaratna, en soutenant qu’il n’était pas dans sa cabine. Tous deux font l’objet d’une accusation provisoire de “Unlawful interference with the operation of a ship likely to endanger its safe navigation”.

La thèse avancée jusqu’ici est que le vraquier, en route vers le Brésil, s’est approché de nos côtes pour capter le Wi-Fi, alors qu’une fête alcoolisée battait son plein à bord. Cependant, plusieurs zones d’ombre subsistent concernant cet échouement, comme des manquements allégués par le National Coast Guard pour entrer en contact avec le bateau, et qu’aucune logistique de la police n’a été déployée pour éviter le naufrage. D’ailleurs, l’inspecteur Ramdhony a confirmé en cour que le Voyage Data Recorder (boîte noire) du vraquier n’a enregistré aucune communication de la NCG jusqu’à ce qu’il se drosse sur les récifs de Pointe-d’Esny.

Cet aspect a été réfuté par le CCID, qui avance que le Voyage Data Recorder n’enregistre pas des sons ambiants. Une Court of Investigation a été instituée pour faire la lumière sur les circonstances de ce naufrage. Elle sera présidée par l’ancien juge Raffick Hamuth, qui sera assisté de Jean Mario Geneviève, ingénieur marin, et Johny Lai Kam Leung, expert maritime.

Confirmation de “foul play” sur le décès de Kistnen
Comment est mort l’agent du MSM Soopramanien Kistnen ? C’est ce que tentent d’établir la MCIT et l’enquête judiciaire instituée par le directeur des poursuites publiques (DPP). Dans un premier temps, la police de Moka avait conclu à un suicide. Sauf que sur l’insistance de son épouse, Simla Kistnen, et face à des révélations concernant la relation entre la victime et le pouvoir, l’enquête policière a été réorientée.

La victime, proche du ministre Yogida Sawmynaden, et grand agent du MSM dans la circonscription de Moka/Quartier-Militaire (No 8), s’apprêtait à dénoncer des individus à l’ICAC sur l’octroi de contrats pendant le confinement sanitaire. Des témoins ont affirmé qu’il avait un rendez-vous le jour de sa disparition, soit le 16 octobre. Deux jours plus tard, son cadavre, partiellement calciné, a été retrouvé dans un champ de cannes à Telfair.

Simla Kistnen a aussi fait état de la présence du garde du corps d’une VVIP non loin de la découverte macabre et d’un véhicule suspect, qui suivait son fils. D’ailleurs, cette famille avait bénéficié de la protection policière pendant le déroulement de l’enquête judiciaire. Jusqu’à présent, l’enquête est toujours en cours pour savoir ce qui s’est déroulé le 16 octobre.

Aucun éclairage sur les « toxic loans » à la SBM
L’enquête du CCID sur l’octroi des “toxic loans” par la State Bank of Mauritius (SBM) est toujours en cours, et personne n’a été inquiété en justice. L’ex-Chairman de SBM Holdings avait été interrogé par la police concernant des dossiers durant son mandat. Ces emprunts ont suscité la controverse et seraient à la base des Risky Exposures qui ont plombé le bilan financier de la SBM durant ces deux dernières années, avec notamment deux gros scandales, soit les affaires Pabari et NMC Healthcare. Éjecté de la SBM après les élections de novembre 2019, Kee Cheong Li Kwong Wing aurait perdu son « filet de protection politique » de Lakwizinn.

Au cours de son interrogatoire au CCID, il a laissé entendre qu’il était à la tête de SBM Holdings et que, c’est la banque, une entité différente, qui s’occupait des demandes de prêts. D’autres protagonistes faisant partie de cette institution sont attendus au CCID l’année prochaine.

Affaire BAI : l’audit des comptes toujours sous la loupe du CCID
Le CCID enquête toujours sur des aspects de l’audit des comptes du défunt group BAI, et surtout sur des manquements allégués aux règles financières, comme une découverte fictive de Rs 3,6 Mds d’une banque datée du 31 décembre 2009. Selon la police, le rapport de l’audit aurait pris en compte cet élément pour montrer un faux état financier du groupe BAI.

Selon le CCID, cette transaction fictive a grossi les chiffres de la BAI pour montrer qu’elle avait dû liquider, alors que les clients et investisseurs n’ont pas eu un “real overview” de la santé financière du groupe. Ils ont alors placé leur argent au sein de la BAI, qui était en réalité au bord de la faillite, se basant sur le Balance Sheet préparé par les auditeurs. L’ancien Managing Partner de la firme KPMG, Jean-Claude Liong, et l’auditeur Subhas Purgus ont été interrogés cette année aux Casernes centrales, sans être toutefois inquiétés à ce stade. L’enquête policière est toujours en cours.

Une seule arrestation après le naufrage du Sir Gaëtan
Le Deputy Port Master Kavidev Neewoor est le seul à faire l’objet d’une accusation provisoire (homicide involontaire) dans le cadre de l’enquête sur l’échouement du “tug” Sir Gaëtan, survenu à Poudre-D’Or dans la soirée du 31 août. Quatre personnes ont perdu la vie lors de ce drame, nommément Jimmy Sylvain Addisson (62 ans), Lindsay Plassan (63 ans), Sujit Kumar Seewoo (52 ans), et le capitaine Moswadeck Bheenick (54 ans), déclaré mort par la Cour suprême alors que son corps n’a toujours pas été retrouvé.

L’équipage de huit hommes devait ramener la barge L’Ami Constant de Pointe-d’Esny à Port-Louis. Toutefois, en raison des conditions météorologiques défavorables, la barge a heurté le remorqueur, créant une brèche dans la salle des moteurs, où l’eau s’est rapidement infiltrée. La police reproche à Kavidev Neewoor qu’étant au courant des manquements au niveau du “tug” et des conditions climatiques, il a quand même ordonné à l’équipe d’aller de l’avant avec ce remorquage.
À ce stade, la police n’a arrêté que le Deputy Port Master, alors que le Port Master, Louis Gervais Barbeau, n’a, lui, pas été inquiété, tout comme les hauts cadres à la Mauritius Ports Authority (MPA). Pourtant, les syndicalistes du port ont tiré la sonnette d’alarme bien avant le drame sur les manquements concernant les conditions des remorqueurs de la MPA. Le dossier fait toujours l’objet d’une enquête au CCID. Pour faire la lumière sur ce naufrage, l’État a institué une Court of Investigation, présidée par l’ex-Puisne Judge Gérard Angoh, assisté du Master Mariner Mahendra Babooa et l’ingénieur marin Iran Mohamad Dowlut.

Les déboires de Pad & Co Ltd
Le CCID enquête toujours sur les plaintes logées par la HSBC et la NDU, qui accusent Pad & Co Ltd d’avoir fourni de fausses garanties bancaires dans le cadre de plusieurs contrats publics. Cela concerne entre autres la “joint-venture” Padco-Endem, qui avait décroché le contrat d’Airports of Mauritius Ltd, pour la New Air Traffic Control Tower à l’aéroport international Sir Seewoosagur Ramgoolam au coût de Rs 700 M. Pour ce projet, Pad & Co Ltd avait fourni deux garanties bancaires, totalisant Rs 100 M à travers de faux documents de la HSBC.

L’autre cas de “forgery” allégué concerne des faux documents soumis dans le sillage de la construction du collège Ramsoondar Prayag SSS de Rivière-du-Rempart pour Rs 3 millions. Sans compter d’autres contrats de la NDC par rapport aux travaux de réasphaltage des routes et des constructions des drains. Alors que les autorités voulaient encaisser les frais de pénalités pour les retards accumulés, elles se sont rendu compte que Pad & Co Ltd avait soumis de faux documents comme garantie bancaire. Le CCID a compilé une série d’informations et, selon une source, l’enquête est toujours en cours. De son côté, l’ICAC a gelé le patrimoine des Hao Tyn Voon.

Aucun aveu après le meurtre du détenu Cael Permes
La MCIT n’a pas encore bouclé l’enquête sur le meurtre du détenu Jean Cael Permes (29 ans), battu à mort dans la cellule No 1 à La Bastille le 5 mai. Des “high profile detainee” ont confirmé avoir entendu la victime crier lorsqu’elle était passée à tabac. Neuf Prison Officers ont été arrêtés dans le cadre de cette affaire, mais aucun n’est passé aux aveux.
La décision de faire transférer la victime de la prison de Beau-Bassin à la prison haute sécurité de Phoenix a été prise en haut lieu au niveau pénitencier. Or, aucun haut gradé n’a été inquiété ou même interrogé sur cette affaire, qui s’est déroulée alors que Vinod Appadoo assurait le poste de commissaire des prisons.

De plus, la MCIT a noté que les caméras CCTV donnant sur la cour de la prison étaient défectueuses. Les enquêteurs n’ont du coup pu confirmer l’état de santé de Cael Permes à son arrivée à Phoenix, alors qu’une partie des vêtements qu’il portait sont introuvables. Pourtant, la victime avait déjà logé une plainte contre un Deputy Commissioner of prison (DCP) dans le passé, mais ce dernier n’a même pas été interrogé après la mort du détenu.
Selon le rapport d’autopsie du Dr Sudesh Kumar Gungadin, la victime a succombé à une hémorragie causée par de multiples blessures. En plus, il portait des ecchymoses au dos, au postérieur et à la jambe. Cael Permes était incarcéré pour une affaire de “rogue and vagabond”.

Sherrygate : le dénonciateur arrêté
Deepak Persand, qui avait accordé une entrevue à Top TV pendant la campagne électorale de 2019, a été arrêté dans le sillage de l’enquête sur l’affaire “Sherrygate”. Il avait fait des allégations contre Sherry Singh, CEO de Mauritius Telecom, sur un contrat de câbles. Il est provisoirement accusé de complot. L’affaire a été relancée cette année à la suite d’une déposition de l’internaute Shameem Korimbocus.

Les avocats Ashley Hurhangee et Samad Golamaully ont été interrogés par le CCID, de même que le journaliste Murvin Beetun. Selon une source proche du dossier, d’autres arrestations sont prévues dans cette affaire.

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