PORTRAIT—LINDON SANS-SOUCI: De la rue à l’hôtel…

Sa mère craignait pour lui le pire. Ayant mis fin à sa scolarité en 5e année de primaire, Lindon Sans-Souci, le benjamin d’une fratrie de huit enfants, errait les rues avec des amis à Triolet. Sans jamais penser à la nécessité de devoir un jour trouver un emploi, pour pouvoir vivre dignement et fonder une famille, pour ne pas tomber dans l’assistanat. Tout cela était très loin de ses préoccupations. Jusqu’à ce qu’il croise le chemin d’Edley Maurer, responsable de l’Ong SAFIRE, qui vient en aide aux enfants de la rue. SAFIRE montrera à Lindon qu’une alternative existe pour les jeunes ne pouvant s’adapter au système scolaire. Grâce à sa volonté de s’en sortir et à sa persévérance, Lindon Sans-Souci a changé de vie. Aujourd’hui âgé de 25 ans, il est assistant cuisinier à l’hôtel Trou-aux-Biches Resort & Spa.
L’école, Lindon Sans-Souci et son groupe d’amis ne la trouvaient guère réjouissante. Arrivé en cinquième année de primaire, le jeune habitant de Cité Mère Teresa, Triolet, décidait qu’il ne s’y rendrait plus. La journée, il préférait retrouver quelques amis dans les rues du quartier. « Mes parents m’ont un peu forcé à aller à l’école jusqu’à ce que j’arrête complètement. » Il continue à mener cette vie frivole et sans discipline jusqu’à l’adolescence. « On s’adonnait parfois à de petits travaux de maçonnerie », se remémore-t-il.
Jusqu’au jour où, en 2007, alors qu’il est âgé de 16 ans, il rencontre Edley Maurer, éducateur de rue. « En tant qu’éducateurs de rue, on rencontrait régulièrement ce groupe d’enfants après avoir établi avec eux un lien de confiance », dit-il. « Lindon a toujours montré de la persévérance. Son point fort a été d’aller jusqu’au bout dans ce qu’il avait commencé. Il savait qu’il avait arrêté l’école tôt, mais il a su accepter le fait qu’il n’avait pas eu le même parcours que tous les autres enfants. Il était parvenu à comprendre que, malgré tout cela, la vie ne s’arrêtait pas là. Il acceptait de faire des efforts avec ce qu’il avait pour avancer. Il nous faisait confiance et savait qu’on était un guide pour lui. SAFIRE l’a encouragé à quitter la rue pour acquérir des compétences et réintégrer la société. »
Si, en traînant dans les rues, Lindon n’avait pas sombré dans la délinquance, Edley Maurer souligne que les jeunes qui sont dans la rue « sont toujours à risques ». Il explique : « On est arrivé à temps pour fermer l’accès à ces dangers et lui proposer un autre chemin avec une discipline et une bonne hygiène de vie. »
Alors qu’il est pris sous l’aile de SAFIRE, Lindon accepte de suivre une formation à l’école technique de Bambous. « Avec deux amis, nous sommes allés suivre un cours de sculpture pendant quelques mois », indique-t-il. Ensuite, SAFIRE, grâce au projet PEJ (Projet Employabilité Jeunes), l’inscrit à un cours dispensé par la Beachcomber Training Academy. Il y fait quelques mois, soit d’août 2008 à avril 2009. « Ces cours étaient des formations intenses sur les bases du métier dans l’hôtellerie. Il y avait beaucoup de règles à observer. Ainsi, la vie facile et sans but était reléguée aux oubliettes. Le temps était alors venu pour moi de faire montre de sérieux », raconte Lincoln. Au terme de la formation, il décroche son certificat avec mention “Bien” et se voit offrir un emploi comme assistant cuisinier à l’hôtel Trou-aux-Biches.
Dans la maison de sa mère, à Cité Mère Teresa, Lindon reconnaît : « Le fait d’avoir un emploi m’a beaucoup changé. Depuis que j’ai ce boulot, j’ai oublié cette vie d’errance d’autrefois. Je suis devenu plus responsable. » Quand on demande à Lincoln, qui est père d’une fille de trois ans, ce que le passé lui évoque aujourd’hui, du haut de ses 25 ans, il répond : « Un souvenir. » Mais encore ? « Si le choix m’était donné une nouvelle fois, je ne prendrais pas le même chemin. J’aimerais pour ma fille une vie bien plus stable que je n’ai eue. »
Depuis deux ans, Lindon a même démarré la construction de sa maison à côté de celle de sa mère et de son frère. « La construction n’est pas facile, mais je reçois de l’aide de quelques amis maçons. J’espère pouvoir terminer ma maison cette année afin d’avoir un espace pour ma femme, ma fille et moi-même. »
Outre son projet de terminer la construction de sa maison, Lindon espère un jour être promu dans son emploi. « J’ai commencé à la cantine de l’hôtel. Après trois ans, on m’a posté à la cuisine L’Oasis, ensuite la cuisine La Caravelle et, maintenant, je suis à la cuisine Le Dec (cuisine méditerranéenne). » À cité Mère Teresa, Lindon est un peu le “role model”. Dans le groupe d’amis qui passaient du temps dans les rues, il est le seul à avoir aujourd’hui un emploi. « Les autres ont cessé de travailler. » Selon lui, ce qu’il faut pour changer de vie, c’est de « la volonté ». S’il lui arrive de leur donner des conseils, Lindon fait voir que « c’est le choix de chacun qui prime à la fin ».
Le responsable de SAFIRE, Edley Maurer, insiste : « Il existe une alternative pour les jeunes qui ne s’adaptent pas au système normal. Il ne faut pas forcer les enfants à y rester. Il faut toujours trouver pour eux un accompagnement personnalisé et une attention particulière. » Combien de jeunes SAFIRE parvient-il à sortir définitivement de la rue ? « Nous avons un gros problème de ressources. Si on veut faire un bon travail, il faut de bonnes ressources humaines. Mais, avec le peu que l’on a, on arrive à sortir plus de 50% de ces jeunes de la rue. Ils arrivent alors à comprendre que la drogue n’est pas faite pour eux, qu’il leur faut un programme professionnel et qu’il ne faut pas qu’il tombe dans l’assistanat. »

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