- Colère et grogne des Licensed Tour Operators et des chauffeurs de taxi basés à l’aéroport
La tant attendue réouverture des frontières, qui devait représenter un soulagement pour tous les opérateurs touristiques après six mois de vaches maigres, semble tourner au vinaigre… Les procédures de réservation mises en place par les autorités, dont la MTPA en première ligne, concernant les transferts de l’aéroport jusqu’aux centres de quarantaine, provoquent un malaise chez de nombreux opérateurs, dont les tour-opérateurs (TO) et taximans de l’aéroport, qui ont l’impression d’avoir été complètement ignorés.
« La réouverture des frontières et la reprise des activités ne bénéficient qu’à des Happy Few, une poignée de gros opérateurs. La MTPA a pris en charge toutes les réservations, avec la collaboration de l’AHRIM et l’AIOM. Nous, nous sommes sur la touche ! Toutes les discussions se sont faites entre ces organismes et les autres opérateurs, et ceux qui ne sont pas membres de ces associations, les moyens et petits opérateurs, sont restés sur le coaltar. Nous ne sommes pas inclus dans la reprise des opérations. Est-ce normal ?» s’énerve un tour-opérateur.
« Depuis six mois, nous n’avons pas travaillé. Nos employés sont toujours à la maison et sont près de tomber en dépression ! Les autorités ne réalisent pas que nous sommes en souffrance », ajoute-t-il. Obligés de faire entendre leur voix, ces opérateurs ont même envoyé un courrier au Premier ministre, Pravind Jugnauth, dans l’espoir de trouver une solution.
Et ces opérateurs qui ont contacté la rédaction du Mauricien, gardant l’anonymat de peur d’être victimes de représailles, d’autant qu’ils sont déjà en situation difficile actuellement. L’un d’entre eux explique que la MTPA « a décidé de tout» en créant cette plateforme de réservations avec les hôteliers. « Ils décident de tout et concernant les transferts, également, ce sont les hôtels qui choisissent. Nous n’avons plus notre mot à dire. Nou pa pou gagn nou bouse manze nou ? » Un autre TO est, lui aussi, inquiet pour l’avenir de son entreprise. « Nous ne faisons pas partie de ces grandes associations du secteur et nous sommes pénalisés. On ne nous donne même pas la parole. »
Hormis cette mise à l’écart, certains se demandent comment la MTPA, dirigée par le nominé politique et candidat battu Nilen Vencadasmy, a pu s’improviser tour-opérateur et prendre des réservations en ligne, sans même une “tour operator licence”. « Il y a des conditions à respecter comme l’assurance, etc », fait-on remarquer. La mainmise de l’Office du Tourisme sur toutes les réservations est décriée par beaucoup alors que certains veulent savoir qui a développé la plateforme MyMauritius’ et qui est « derrière » la création de cette plateforme : « Comment ce Tender a-t-il été alloué ? Nous aussi, nous aurions voulu y participer. Va-t-on encore nous parler d’Emergency Procedure comme c’était le cas pour les médicaments ?» se demande un opérateur.
Quant aux chauffeurs de taxi de l’aéroport, ils sont remontés. La General Taxi Owners Union ne mâche pas ses mots sur Facebook, s’en prenant au président de l’AHRIM, Jean-Michel Pitot. Dans une autre vidéo qui circule, un taximan explique que les 72 chauffeurs de taxi basés à l’aéroport ne peuvent pas travailler à cause du système mis en place par les autorités. Ils allèguent que d’autres taxis sortant d’autres régions du pays viennent chercher des clients à l’aéroport pour assurer les transferts vers les centres de quarantaine, sans formation et sans respecter le protocole sanitaire. « Nou pa kapav travay, nou pena travay. Zot vini mask lor manton, pena social distancing, nounn get tou grimas byen, pe zoue ar nou pei epe zoue ar lafami sofer taxi. Se ki noun trouve grav, enn ta “contract cars” finn vini pou bann konpagni S… e M… Enough is enough ! Less nou viv. Depi mars, sofer taxi airport pa pe travay. »
Plusieurs chauffeurs s’expriment tour à tour sur cette video : « Nou bann koleg ki travay lezot baz pe vinn travay isi, ena “contract car” pe vini. Respekte nou, nou bizin travay, nou bizin nou dignite, nou travay isi depi bokou banane, nou anvi nou pei sorti gagnan. » Un taximans demande ce que fait le ministre du Transport intérieur, Alan Ganoo : « Bizin trouv enn solision, eski taxi airport bizin mor de fin ? Zis enn pwagne dimounn ki pe anrisi. »
Ajay Jhurry (ATO) : « Les lois sont-elles respectées ? »
- Le président de l’ATO se demande si on est en train de « réinventer notre chaîne de distribution »
Quel est votre avis sur les procédures de réservations mises en place par le gouvernement ?
L’idée est bonne, mais dans la pratique, ce mode opératoire peut représenter un danger s’il se poursuit durant la troisième phase de réouverture. Nous ne comprenons pas également pourquoi la MTPA a pris le contrôle de cette plateforme de réservations. Nous nous demandons aussi pourquoi les hôteliers vendent un package avec l’hébergement et les transferts. N’est-ce pas contre les lois ? À ma connaissance, d’après la Tourism Authority Act, un hôtel n’a pas le droit de vendre un package, mais seulement l’hébergement. C’est un tour-opérateur ou une Destination Management Company (DMC) qui peut le faire. Est-on en train de réinventer notre chaîne de distribution ? On n’a pas de problème avec le “booking engine” en lui-même, mais on se demande comment ils ont pu faire ça en catimini et s’ils ne sont pas en train d’enfreindre les lois du pays.
Quelles sont vos options pour vous faire entendre ?
Nous sommes quatre associations qui se sont regroupées et nous avons envoyé une lettre au Premier ministre depuis bientôt deux semaines. Nous attendons une solution. Si rien n’est fait, nous aviserons.
Quelle est la situation actuellement pour vos membres ?
Au niveau de l’ATO, nous regroupons une trentaine de membres et nous arrivons à peine à couvrir nos frais. Nous sommes inquiets de la situation actuelle. Une semaine après le redémarrage nous nous demandons si nous ne sommes pas en train de redémarrer dans l’illégalité. La MTPA est libre de mettre en place une plateforme de booking si elle veut faciliter les voyages et que celle-ci serve de “gateway” – nous ne le contestons pas –, mais elle doit mettre un “disclaimer” sur son site de réservation.
Quel est votre message aux autorités ?
L’État doit s’ouvrir aux autres associations et les consulter quand il s’agit de prendre de décisions aussi stratégiques. Il y a des revendications à tous les niveaux et dans tous les secteurs. Et c’est important que l’État ne reste pas sourd à ces revendications. Il faut revoir la situation le plus vite possible afin que la situation actuelle ne “backfire” pas.