PRINCIPE ÉLÉMENTAIRE DE L’ÉTUDE DE LA DEVISE: La roupie, forte ou faible ?

Il y a de ces questions qui reviennent à fréquence régulière dans l’actualité. L’euro à 38 ou 42 roupies ? Le dollar à 28 ou 33 roupies ? A écouter les différents protagonistes de l’économie, dont le ministre des Finances et le gouverneur de la Banque centrale, ce doit être une question importante. Mais au fait, comment tout cela fonctionne-t-il ? Quelle est la bonne réponse : forte ou faible, la roupie ? Pour commencer, la valeur d’une monnaie est censée représenter le niveau de l’économie d’un pays, ce serait donc la juste valeur de la roupie. Mais comment définit-on alors la juste valeur, le juste niveau, la vraie représentation de son économie ?
Jusque-là, que des interrogations ; et plus on avance plus les réponses se transforment en questions supplémentaires. La problématique est de taille, et il n’y a pas UNE réponse à cette question, au mieux la meilleure réponse à un moment donné, la durée de ce moment-là étant extrêmement variable.
Comment ça marche ?
 Dans une économie de marché, la valeur de la monnaie dépend de l’offre et de la demande. Pour mieux saisir cela, consacrons-nous à l’économie d’un pays imaginaire, le Boulistan : prenons en compte que dans ce pays, il n’y a qu’un vendeur et qu’un acheteur, et que le deal doit se faire chaque jour (aucun des deux ne peut refuser).
40 boules rouges valent 1 boule bleue : on appellera cette situation le prix du marché. Prenons le cas où mon vendeur (l’offre) a 120 boules rouges (3 X 40) et que mon acheteur (la demande) a 3 boules bleues. Dans ce cas, le deal va se faire au prix du marché soit 40 boules rouges contre 1 boule bleue. Le lendemain mon vendeur dispose de 240 boules rouges, deux fois plus que la veille, et mon acheteur, lui, a toujours 3 boules bleues.
Nous avons donc 3 boules bleues pour 240 boules rouges. Le deal se fera à 1 boule bleue pour 80 boules rouges. Le compte est bon, mais nous pouvons constater que la valeur de la boule rouge a lourdement chuté. Il faut maintenant deux fois plus de boules rouges pour une boule bleue.
Dans la pratique, bien évidemment, les choses sont autrement plus complexes, notamment compte tenu de la multiplicité des acteurs du marché, de ceux qui agissent sur la devise par leurs actions d’achats ou de ventes. Ce sont principalement les grosses entreprises travaillant à l’internationale, la Banque de Maurice, le gouvernement lorsqu’il emprunte en dollars et qu’il doit changer de devise pour s’acquitter des dépenses en roupies, le touriste lorsqu’il change des euros contre des roupies, le Mauricien qui change des roupies contre des dollars ou des euros entre autres devises quand il doit voyager etc….
Mais le principe reste le même et c’est le résultat des échanges entre les acteurs du marché qui donnera le cours du jour. Ce cours représente-t-il vraiment la valeur de mon économie ? Et ce cours, peut-il être influencé par une intervention du gouvernement comme on l’entend si souvent ?
Intrinsèquement, le cours de la devise qui résulte de l’offre et de la demande reflète parfaitement ce que les acteurs de marchés pensent de l’économie, traduit l’activité réelle d’achat-vente (rappelons-nous le Boulistan !). Pourtant, de nombreuses voix dissonantes me font penser que les acteurs de marché ne sont pas contents !!! En fait, c’est parce que nous entendons beaucoup plus une partie des acteurs de marché ; il n’y a pas d’égalité de temps de parole entre les « pour » une roupie forte et les « contre ». Nous avons donc un préjugé sur le ressenti. Mais ce cours qui reflète si bien le marché, donc la situation réelle – on dit souvent que le marché est efficient dans sa globalité -, pourquoi fait-il des « pas contents du tout » ? Est-ce vrai d’affirmer que le gouvernement peut faire quelque chose dans ce contexte ?
Oui ! le gouvernement et /ou l’autorité monétaire (la Banque de Maurice) peuvent agir, conjointement ou pas, chacun ayant un mandat précis. Avant d’aborder l’étude des moyens d’action, la question primordiale est : comment agir ? Une roupie forte ou une roupie faible ? C’est à ce stade que tout se complique, car comme je l’ai mentionné plus haut, il n’y a pas UNE réponse exacte ; on est surtout confronté aux intérêts très opposés, mais qui se justifient pour la plupart d’entre eux. Le métier de gouverneur de la Banque de Maurice devient alors compliqué !!
Des leviers d’intervention
Il existe quand même quelques recettes, notamment pour résoudre des problématiques de crises majeures (recette que ne peut appliquer la Grèce, par exemple, car elle ne dispose pas de sa propre devise), mais nous pourrons y revenir en d’autres occasions. Concernant l’intervention du gouvernement ou de la Banque centrale, des leviers existent. Le gouvernement, par l’orientation qu’il donne à son budget, émet un signal aux marchés financiers qui influence le cours de la devise (rappelons que le cours de la devise est une représentation du niveau d’une économie par le marché).
La Banque centrale détient une puissance accrue pour intervenir. Elle dispose du levier des taux d’intérêt. C’est elle qui fixe le Repo Rate, donne le « la », comme le disent si bien les musiciens. Elle donne surtout un niveau de rémunération de sa devise. Si le taux Repo est à 5%, quand je place de l’argent en roupies, par exemple en bons du Trésor, je prête mon argent à l’État qui me rémunère au jour le jour à 5% annualisé.
Intuitivement, vous sentez que plus la rémunération est bonne, plus la roupie attirera de la devise étrangère. En effet, il est préférable de placer son argent à 5% en roupies plutôt qu’à 1% en dollars. Et ce, même si ces effets seront plus immédiats sur des devises comme le dollar ou l’euro, Maurice étant une économie remarquable mais pas encore totalement intégrée dans les flux planétaires. J’ajouterai à cela que l’arme des taux d’intérêt est très difficile à manier : les conséquences d’une hausse ou d’une baisse des taux d’intérêt très détaillées dans les manuels scolaires les plus évolués, se révèlent souvent assez improbables lorsqu’elles sont confrontées à la vraie vie !!! Je vous invite à lire la biographie de l’ancien président de la FED, Alan Greenspan, qui disserte de manière parfois désoeuvrée à ce sujet.
Reste l’arme absolue, l’intervention de la Banque centrale. Il s’agit tout simplement d’acheter ou de vendre, selon ce que l’on veut faire, de la devise en masse suffisante pour faire plier le marché. Et ce, pour s’imposer comme celui qui décide. La Banque de Maurice en a le pouvoir et les moyens ; elle dispose de réserves suffisantes pour inonder le marché de son choix et donc par conséquence, d’influer très fortement sur le cours. Imaginons que je sois le gouverneur de la Banque centrale et que je veuille faire chuter fortement le cours de la roupie (comme au Boulistan !). Je décide donc que demain à 10h, je mettrai 10 milliards de roupies à la vente pour acheter des dollars, des euros et des livres sterling. J’inonde le marché de roupies, personne n’en voudra au prix du marché car il y en a trop ; on va donc me demander plus de roupies pour acheter 1 euro, davantage de roupies pour un dollar, et plus de roupies pour acheter une livre sterling. Comme il me faut plus de roupies que la veille pour acheter la même chose, ma monnaie a donc moins de valeur ; elle a baissé, tout simplement, à la suite de mon intervention. Mais est-ce une bonne chose que la valeur de ma monnaie ait baissé ? Pour certains oui, pour d’autres non… En clair, j’ai besoin de plus de roupies pour obtenir un dollar, disons 40 roupies pour un dollar aujourd’hui contre 30 roupies pour un dollar la veille.
Très concrètement, considérons le baril de pétrole à 100 dollars. Alors que je n’avais besoin que de 3000 roupies pour l’acquérir, il me faudra désormais 4000 roupies. Je vous laisse imaginer la répercussion sur le prix de l’essence à la pompe. En revanche, si je suis un hôtelier et que mon client paie en dollars, qu’est-ce qui se produit ? Pour chaque 100 dollars qu’il me remettait je recevais 3000 roupies ; aujourd’hui j’en reçois 4000 ! Je vous laisse imaginer l’incidence sur le bilan de mon entreprise, ma comptabilité étant en roupies. En résumé, tout ce que je vais acquérir à l’étranger va me coûter beaucoup plus cher, et tout ce que je vends en devises étrangères va me rapporter beaucoup plus en roupies.
Que faire ? J’ai l’impression que ce que je gagne d’une part, je le perds d’autre part. C’est un peu ça, il n’y a pas de règle ; rien de figé dans le marbre. L’un des gros problèmes des devises dans le monde c’est que les matières premières sont libellées en dollars.
Pour conclure, je citerai une phrase connue de la finance américaine, s’adressant au reste du monde. « Nous avons le dollar, vous avez un problème ».

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