Priscilla Bholanauth-Moothien : « Mieux vaut agir seule que d’être l’esclave des lobbies »

Connue pour son engagement en faveur de la cause animale au sein de l’ONG 4 Tilapat, Priscilla Bholanauth-Moothien a annoncé sa candidature aux prochaines élections générales. C’est en indépendante qu’elle compte se présenter devant l’électorat de la circonscription de Port-Louis Ouest/GRNO (No 1). La cause animale, la nature et les enfants sont les trois sujets qui lui tiennent à coeur pour cette campagne. En tant que candidate indépendante, elle estime avoir davantage de liberté pour défendre ses idées.

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Qui est Priscilla Bholanauth-Moothien, en dehors de l’activiste pour la cause animale ?
J’ai 48 ans. J’ai une formation de journaliste et j’ai travaillé comme journaliste pendant un certain temps. Ensuite, j’ai poursuivi ma carrière professionnelle au sein de l’entreprise familiale, engagée dans l’événementiel. Soit la location de chapiteaux et l’organisation d’événements. J’ai aussi été en freelance à la radio, où j’animais une chronique humoristique.

Mais depuis 2013, j’ai dû faire un choix, car mon engagement pour la cause animale me prend beaucoup de temps. Je continue quand même, en tant que blogueuse, sur Facebook, à partager ma vision humoristique des choses afin de mettre un peu de rire et de sourire dans mon quotidien, qui est loin d’être facile.
Pour ce qui est de la cause animale, je suis tombée dedans alors que je n’avais jamais eu de chien auparavant. Nous pouvons appeler cela un Calling. Je suis une Animal Carer avant d’être une activiste, car les soins passent avant.

Qu’est-ce qui vous a poussée à vous présenter comme candidate aux prochaines élections générales ?
Initialement, c’est Linley Moothien, le président de l’ONG 4 Tilapat, qui devait être candidat. Comme il est très pris avec le combat contre le Monkey Business en Cour, qui lui demande beaucoup de recherche et d’assiduité, le choix s’est porté sur moi. C’est un choix par rapport à ma disponibilité et mon parcours de 12 années d’engagement pour la cause animale, que nous n’avons pas mis en lumière. Ce n’est que peu de temps avant la pandémie de Covid-19 que nous avons créé une page Facebook. Sinon, nous travaillons dans l’ombre.

Pendant toutes ces années, nous avons entrepris beaucoup de démarches en faveur de la cause animale. Il y a eu beaucoup de demandes de rendez-vous avec des ministres qui sont restées sans réponse. J’ai été membre d’un parti politique par le passé, pour lequel j’ai « vendu la soupe » sur le terrain. Il s’avère qu’un ancien membre de ce parti, que je considérais comme un ami, occupe maintenant un poste important au sein du gouvernement. Je suis partie à son bureau de nombreuses fois dans l’espoir d’obtenir un rendez-vous, mais en vain.
Au final, j’ai dû le suivre dans ses fonctions pour essayer de lui adresser un mot. La seule fois où il m’a répondu – en se ruant vers sa voiture avec ses gardes du corps –, c’était pour me dire que ce n’était pas une façon de lui parler. Pourtant, avant les élections, cette personne trouvait le temps de m’appeler ou de venir chez moi pour discuter de stratégies. J’ai soumis 36 demandes de rendez-vous. Pourtant, notre sanctuaire pour animaux se trouve dans sa circonscription, mais il n’a pas le temps.

Il y a deux autres ministres qui étaient à l’université avec moi, à qui j’ai aussi sollicité des rendez-vous. Le premier ne m’a jamais répondu, tandis que le deuxième m’a reçue une fois, puis plus rien. Ce n’est pas normal que nous devons courir après des gens pour qui nous avons voté. Il y a une chanson de Ras Nininn que je conseille à tout le monde d’écouter et qui dit qu’avant les élections, les politiciens viennent nous chercher dans tous les petits trous, mais qu’après les élections, ils disparaissent. Nous nous demandons si nous voterons encore pour ce modèle. À un moment, il faut pouvoir dire stop !

En 2019, avant les élections, Linley Moothien interpellait le Premier ministre sur l’euthanasie des chiens par la MSAW. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Juste avant les élections, suivant l’intervention de Linley Moothien, la MSAW avait arrêté cette pratique. Mais ils ont recommencé par la suite. Linley Moothien, qui avait le Locus Standi par rapport à l’euthanasie, avait porté l’affaire en Cour. Nous avons perdu pour des raisons administratives. Par la suite, il y a eu une vidéo montrant la situation au Dog Pound, qui a créé la polémique. Depuis, on a arrêté l’euthanasie et le Dog Pound a été fermé.

La situation ne s’est pas améliorée pour autant, car maintenant, on pratique le « catch-neuter-release ». Cela ne règle pas le problème, car beaucoup de chiens qui sont relâchés se retrouvent dans la rue, et certains font des accidents. Nous avions proposé un projet à la MSAW pour la création de sanctuaires. J’ai passé une journée à leur expliquer le projet, mais il n’y a pas eu de suite. En gros, ce que nous retenons de l’action de Linley en 2019, c’est que cela a apporté plus de visibilité sur l’euthanasie des chiens et que le Dog Pound a été fermé.

N’y a-t-il pas un risque que votre campagne récente contre le Monkey Business soit perçue comme un Teaser pour votre campagne électorale ?
Le Monkey Business et la cause animale sont une seule et même chose. En dénonçant le Monkey Business, nous dénonçons aussi tout le système qu’il y a autour. Tous les partis politiques ont bénéficié de l’argent des compagnies engagées dans ce business. C’est une affirmation, qu’ils viennent me contredire ! Ma candidature, c’est aussi pour dire non à ce système. Même sans Monkey Business, nous aurions présenté un candidat.

Navin Ramgoolam a annoncé, parmi ses 20 mesures, qu’il allait mettre fin au commerce des singes. Cela ne vous rassure pas ?
En réalité, il a dit qu’il allait revoir la capture des singes, et non pas qu’il allait l’abolir. C’est très flou. Notre souhait, c’est que ceux qui disent qu’ils vont abolir ce commerce viennent avec un affidavit pour s’engager fermement, et non pas jouer sur les mots. Entre-temps, ces enfants – puisque je les considère comme des enfants – continuent de souffrir.
Le commerce des singes est une question politique, mais aussi de financement. D’ailleurs, est-ce une coïncidence qu’un ministre qui se trouve dans un poste clé au gouvernement actuellement soit un ancien employé d’une ferme de singes ? Il y a aussi des Spin Doctors dans la presse qui animent des ateliers de pubs dans des fermes à singes. Et que dire des ONG qui touchent de gros financements de l’étranger qui viennent vous dire que les singes constituent une nuisance ?

En tant qu’ancienne journaliste, j’estime qu’il est important d’avoir les deux versions des faits dans ce genre d’affaires. J’ai demandé la parole, sans succès. Je peux bien comprendre que ces compagnies sont aussi des annonceurs pour les journaux, mais il est primordial de faire entendre les différentes versions.

Que dites-vous à ceux qui estiment que l’utilisation des singes est nécessaire pour faire avancer la recherche médicale ?
Je crois que cette question a été beaucoup débattue et des scientifiques reconnaissent aujourd’hui qu’il y a des alternatives. De plus, pourquoi capturer autant de singes quand nous ne savons même pas pour quelles recherches les laboratoires vont les utiliser ? Est-ce qu’il y a eu quelque chose de concret ? Par dessus tout, comment pouvons-nous cautionner une culture de la souffrance pour essayer de garder des personnes en vie ?

Ces animaux comprennent parfaitement quand nous leur fait du mal, puisqu’ils sont à 99% comme nous. Quand nous les chassons, que nous leur enlevons leurs petits, que nous les entassons dans des cages, que nous transperçons leur crâne… tout cela relève de la souffrance, de la torture. Si nous voulons être moins malades, peut-être qu’il faudrait commencer par manger des légumes avec moins de pesticides, et arrêter de stresser en courant après l’argent…

Si nous avions vraiment besoin de singes pour la recherche, pourquoi n’y a-t-il pas un système en place géré par l’État ? Pourquoi laisser des entreprises se faire des milliards sur leurs dos ? Au final, nous sommes en train d’hypothéquer un bien public pour qu’un petit groupe en profite.

Quels sont les autres sujets que vous défendrez dans votre campagne ?
J’habite dans la circonscription No 1, qui est une circonscription à problèmes. Nous avons été affectés par des inondations à plusieurs reprises. En 2015, Linley avait mis sur pied le collectif Sable Noir, suite à des problèmes d’ordre infrastructurel dans la région. Avec les travaux effectués à Port-Louis depuis et le changement climatique, la situation s’est aggravée. La nature sera donc un autre sujet que je défendrai. Il y a quelques années, un ministre est venu nous voir avec son conseiller pour nous dire qu’une usine qui était située dans notre quartier allait construire un dortoir pour ses ouvriers et qu’il fallait couper quelques arbres. En retour, l’usine s’engageait à nettoyer les drains régulièrement. Genre main droite, main gauche.

Depuis, l’usine a fermé et… les canaux ne sont plus nettoyés. La question climatique ne peut être gérée sur des questions d’intérêts. Nous ne pouvons par exemple faire des choses uniquement pour recevoir les financements de l’étranger. Nous devons être dans le concret. C’est pour cela que je préfère être candidate indépendante. Je ne suis pas liée aux intérêts. Je n’ai pas à me plier à ce que le leader pense. Mieux vaut agir seule que d’être l’esclave des lobbies.

Le troisième sujet qui constituera mon cheval de bataille, c’est les enfants. J’estime qu’il y a beaucoup de vulnérabilité dans certaines familles et que les enfants ne sont pas assez protégés. Il y a des ONG qui s’impliquent, mais ce n’est pas assez. Il y a beaucoup de cas d’abus qui ont été dénoncés, mais dont nous n’entendons rien pas la suite. Il y a aussi beaucoup de pression sur les parents.

Êtes-vous en faveur d’un quota pour plus de femmes à l’Assemblée nationale ?
Je suis en faveur de plus de femmes à l’Assemblée, mais pas pour qu’elles se transforment en force masculine. Je ne suis pas pour plus de femmes uniquement sur une question numérique, mais pour plus d’énergie féminine. Je dirai même que je suis en faveur d’un quota pour plus de mamans. Dans le sens où je considère Maurice un peu comme un enfant et celles qui sont élues sont des mamans qui doivent s’en occuper. Si une femme n’a pas le réflexe féminin, ce sera difficile de faire l’équilibre au milieu de tout ce tas de testostérone.

À mon avis, ce qu’il manque au Parlement, c’est un peu de douceur. Des personnes qui comprennent ce qui se passe dans les supermarchés. Il ne faut pas venir faire semblant, le temps d’une campagne. Il faut le vivre au quotidien.

Comment comptez-vous vous démarquer pendant la campagne ?
Je ferai le maximum, avec le peu de moyens que j’ai, en jouant la carte de la franchise et de mon vécu. Heureusement qu’avec la technologie, nous pouvons aller partout aujourd’hui. Je pense surtout que je serai une candidate en mesure de venir dire ce qu’elle a fait pendant 12 ans, et non ce qu’elle va faire. Cela m’a permis de comprendre la vraie notion du service. Trouver la force de se lever le matin pour être aux petits soins avec les plus vulnérables, même quand nous n’avons pas envie de le faire; tenir bon, même quand nous nous retrouvons dans les situations les plus difficiles.

Je ne reçois pas de financement d’ailleurs. Ma famille m’aide dans tout ce que je fais, même si c’est très difficile. Tout ce que nous faisons, nous le faisons pour le pays, sans avoir sa photo sur Facebook. Je ne critique pas les autres; chacun fait ce qu’il veut. Pour nous, ce qui est important, c’est la générosité de l’âme. Nous ne donnons pas ce que nous avons en plus, mais tout ce que nous avons. La cause animale est un Wakashio permanent (référence aux financements, suite à la marée noire, Ndlr).

Si je suis élue, mon salaire servira à payer deux Constituency Clerks, qui s’adonneront à un travail quotidien dans la circonscription et feront remonter les problèmes vers moi. Le reste de l’argent sera investi dans la cause animale, notamment pour faire venir un vétérinaire et acheter un camion pour effectuer le tour de l’île et offrir des services.

Qu’est-ce qui vous inspire dans ce combat ?
Ma famille demeure ma principale source d’inspiration. Mes parents sont des modèles pour moi. Linley est source de motivation. En tant qu’ancienne élève du collège de Lorette de Port-Louis, je suis aussi guidée par les valeurs de Mary Ward, fondatrice de la communauté des sœurs de Lorette. C’est une femme qui n’a pas été toujours comprise. Elle a dû se battre contre la hiérarchie, et même l’Église. Ce n’est qu’après sa mort qu’on a compris ce qu’elle voulait faire. Je pense à Mary Ward tous les jours dans ma mission d’activiste et dans la politique.

« Si on veut être moins malade, peut-être qu’il faudrait commencer par manger des légumes avec moins de pesticides, et arrêter de stresser en courant après l’argent »

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