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PRISONS—RÉINSERTION: Le théâtre pour se redécouvrir

Jeudi 25 juin, le gymnase de la Prisons Training School de Beau-Bassin accueillait des invités peu ordinaires. En effet, des détenus des différentes prisons et centres de détention étaient conviés à un spectacle, la pièce L’Exode de Tania, jouée par l’artiste réunionnaise Joëlle Gaud. Une première dans les annales de la prison, qui a été saluée comme il se doit par les détenus. Ces derniers ont tenu à « féliciter le Commissaire Jean Bruneau pour cette initiative, qui nous permet d’aller au bout de nous-mêmes, qui vivons l’incarcération, et qui apprenons, de cette manière, à mieux nous assumer ».
D’une durée d’environ 90 minutes, la pièce relate l’expérience d’une femme, Tania, jouée par Joëlle Gaud, qui s’est retrouvée par amour derrière les barreaux, ayant tué pour le compte de son amant… Voyage intérieur, découverte à la fois spirituelle et humaine, que l’artiste tisse par le biais d’un parallèle avec l’histoire de Moïse, telle que relatée par la Bible et le Coran.
Itinéraire d’une femme a priori comme les autres, qui se retrouve dans le dédale des mésaventures d’un quotidien conjugué par les actes de son compagnon violent et délinquant, Tania se retrouve incarcérée. Qu’elle comprend et ressent par « cassée », pour dire sa condition de femme perdue, déboussolée et sans repères, qui n’avait jamais escompté se retrouver détenue, privée de sa liberté. Dans la salle contenant tant des hommes que des femmes, jeunes filles et jeunes hommes, la pièce ayant été jouée en présence de détenus de différentes prisons et des pensionnaires des RYC (Girls & Boys) et du CYC (Boys), les mots de Joëlle Gaud font mouche. Si la majorité des détenus ont développé une solide carapace qui laisse rarement transparaître une quelconque émotion ou sentiment, en revanche, leurs gestuels et tics — petit sourire en coin, les doigts qui pianotent, les pieds qui battent la mesure — traduisent la réception des messages envoyés par l’artiste.
Celle-ci, seule sur scène pour ce one-woman-show peu ordinaire, car elle y dresse un portrait d’une femme qui dans sa fragilité découvre la source de sa force par l’intermédiaire de l’histoire de Moïse, à forte teneur en spiritualité, est discrètement accompagnée par un groupe de musiciens qui sait rendre à la pièce son tempo. Au final, au bout de ces 90 minutes fortes en sentiments et imprégnées de vécu, l’assistance peu ordinaire présente dans le gymnase de la Prison Training School semble « délivrée » par les mots de Joëlle Gaud.
Ainsi, Jerry et Giovanni, deux détenus, retiennent surtout que « c’est une expérience personnelle et forte ». Le premier ajoutera : « C’est un exercice que nous souhaiterions voir renouvelé, surtout pour les jeunes détenus. Car quand on arrive en prison, on est vraiment perdu. On ne sait à quoi s’attendre. » Giovanni soulignera que « cela rejoint aussi le message que nous, détenus, avons aux jeunes qui sont tentés ou qui ne réfléchissent pas avant de commettre un acte. Évitez à tout prix d’atterrir en prison ». S’ils suivent tous deux des programmes de réhabilitation et de réinsertion, ils soutiennent aussi qu’« il faut beaucoup d’endurance, de courage, de patience et de force pour faire face à ce que la prison nous réserve ». Et la spiritualité, reconnaissent nos deux interlocuteurs, « est un élément clé pour atteindre cet état d’esprit ».
Les deux hommes sont « très satisfaits que le Commissaire des Prisons ait eu cette initiative. Nous souhaitons que cela puisse se renouveler, car de telles expériences permettent aux détenus de mieux assumer le cloisonnement dans lequel chacun est amené à vivre durant son séjour en prison ».

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