PROGRÈS: Arrêtez le simulacre de développement durable !

Profitant de sa participation au dîner organisé par l’Association des Sociétés Chinoises dans le sillage de la célébration de la fête du Printemps, le Premier ministre a tenté d’utiliser cette plate-forme pour justifier la récente augmentation de 35% du tarif de la Central Water Authority (CWA). L’argument béton que sort le PM est que le consommateur déboursera moins d’un sou par litre d’eau consommée. Certes. Mais voilà un argument qui ne vaut pas un sou si on se met sérieusement à fonctionner en mode de développement durable (DD).
L’eau et le foyer
Passons sur le fait que le lieu et le moment étaient, de toute évidence, mal choisis – un auditoire déjà dans le mood festif du Nouvel An lunaire et de surcroît peu concerné par cette augmentation – pour analyser la démarche dans le cadre de la mise en oeuvre d’une stratégie nationale de DD. Précisons d’abord que l’argument-béton du PM n’est que demi-vérité vu que la CWA impose un tarif minimal de Rs 55 (incluant Rs 10 pour frais de location du compteur) et que la quasi totalité des foyers doit procéder à des coûteuses installations (réservoirs d’eau, pompes … etc) pour s’assurer d’un approvisionnement régulier de cette précieuse commodité. Soulignons également que l’argument du PM concernant le prix de l’eau potable par rapport aux autres pays équivaut à comparer la banane à l’aubergine parce que tous les pays ne disposent pas du même potentiel en termes de réserves d’eau douce et de pluviométrie et ont des topographies parfois très désavantageuses.
Force est de constater que si le PM a jugé nécessaire de justifier cette augmentation c’est parce qu’il estime qu’il y a un déficit en matière de communication des autorités compétentes autour de cette majoration des tarifs. Et c’est particulièrement vrai. Qu’a fait la CWA pour convaincre la population de la justesse de cette mesure ? Cet organisme a l’avantage d’effectuer des visites à domicile pour faire le relevé des compteurs d’eau et aurait pu annexer un dépliant justificatif à la facture d’eau et ainsi faire preuve d’un minimum de bon sens, si ce n’est de la politesse la plus élémentaire, à l’égard de ses clients abonnés. Voilà une attitude qui ne cadre aucunement avec une politique de DD qui exige une transparence totale dans le processus de prise de décision et une libre circulation de l’information.
Sur le fond, le PM ne répond pas aux explications que recherche la population qui, dans sa grande majorité, estime que la CWA souffre d’une mauvaise administration chronique et par conséquent d’une gestion inefficace de nos ressources en eau. Pire. La population ne peut que conclure que le PM vient apporter sa caution à ces nombreuses brebis galeuses embusquées à la CWA et ailleurs dans plusieurs corps para étatiques. Encore une fois une posture qui ne rime pas avec une stratégie de DD.
 Nous avons voulu prendre cette question de l’approvisionnement de la population en eau potable comme exemple pour bien démontrer combien le fossé entre les déclarations d’intention autour de Maurice île durable (MID) et la réalité au quotidien est grand. Et pourtant cette pénurie d’eau et sa fourniture sporadique sont sans doute la première des préoccupations des foyers en ce moment car elle impose un stress conséquent sur l’ensemble de la famille, dont les enfants, et provoque des conflits entre voisins. Nous pourrions citer des dizaines d’exemples pour illustrer que le processus de prise de décision au sein des ministères, des corps publics et parapublics laisse beaucoup à désirer entraînant ainsi des pertes d’argent et de temps sans compter la frustration qu’engendre toute décision incomprise ou mal inspirée – la déviation routière à Petit Camp, les travaux de réhabilitation de la plage à Grand Baie, le traitement VIP accordé au chauffard de Mon Choisy, le “silence” du ministre de la Santé sur le premier cas avéré de chikungunya, le transfert massif des enseignants le jour de la rentrée, l’inaction de la Police par rapport aux rallyes illégaux ayant provoqué mort d’homme, la démission forcée de Konrad Morgan, l’abus de pouvoir de N. Briani et le transfert punitif des policiers…. que des exemples récents.
Les « makeshift solutions »
Nous n’avons pas souhaité entrer ici dans un débat académique sur le DD, mais plutôt tenté de démontrer comment chaque jour des ministères et corps paraétatiques s’enlisent dans un amateurisme affligeant, pataugent dans la médiocrité et transgressent allégrement les principes de base du DD (voir le hors-texte “Changeons de mindset !”).
Toute stratégie de DD exige une utilisation optimale de nos ressources à commencer par l’argent des contribuables. Et c’est précisément là où le bât blesse à Maurice. Les rapports du Directeur de l’Audit nous fournissent chaque année moult détails sur la dilapidation des fonds publics par une armée de courtisans avec la complicité de quelques fonctionnaires ripoux. Et ensuite le temps. Rien ne peut, en effet, remplacer le temps gaspillé. On sait que les lenteurs administratives sont légion dans l’appareil de L’État, certains hauts fonctionnaires estimant que c’est une de leurs prérogatives que de prendre le temps qu’ils veulent pour traiter un dossier sans compter les avals d’innombrables « comités ». Mais le plus dramatique est le manque inhérent de planification à plusieurs niveaux et la florissante industrie de « faire semblant » à Maurice (voir le hors-texte “Bat enn lakol”).
Pour réaliser le quantum leap qu’attend la population nous devons impérativement nous débarrasser de cette industrie néfaste et de la culture de l’ « à-peu-près » qui minent notre progrès. Les « makeshift solutions » ne peuvent être l’éternel « trademark » mauricien. Oublions Singapour, commençons d’abord par accepter de toujours mettre « the right person in the right place » sans sacrifier aucun de nos concitoyens sur l’autel du clientélisme ethnique ou autres et le pays sera alors étonné de constater le progrès accompli en peu de temps.

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