QUINZE ANS APRÈS : Condamnation de Ketan Somaia, le banquier-escroc, à Londres

Un homme d’affaires kenyan et ancien partenaire du banquier-escroc Ketan Somaia, âgé de 52 ans, a réussi là où les tentatives des autorités mauriciennes ont échoué au cours de ces douze dernières années. En effet, Murli Mirchandani a obtenu, vendredi, devant la Old Bailey’s Court à Londres, la condamnation de l’ancien patron de la défunte Delphis Bank sous neuf accusations d’escroquerie pour un montant de Rs 585 millions ($ 19,5 millions). Par contre, des cas de fraude, dont l’émission de faux Duplicate Share Certificates de l’ex-Delphis Bank de même que des prêts frauduleux d’un montant global de Rs 500 millions, commis depuis mai 2001 à Maurice et confirmés par le Central Depository and Settlement Co. Ltd de la Bourse de Maurice et la Banque de Maurice, sont restés jusqu’ici impunis.
Du côté des autorités mauriciennes, les tentatives auprès d’Interpol pour obtenir l’arrestation de Ketan Somaia n’ont pas donné les résultats escomptés. Par contre, l’homme d’affaires Murli Mirchandani, qui avait initié une action en réclamations criminelles par voie de Private Prosecution auprès des instances judiciaires compétentes à Londres, avait obtenu l’arrestation de Ketan Somaia par le biais de ce même Interpol en 2008, alors que le suspect assistait à un mariage en Inde. Il avait objecté en vain à son extradition devant la justice en Inde.
Dans le summing-upde ce procès, qui a duré dix semaines au lieu d’un mois comme prévu initialement, le juge Richard Hone, QC, devait souligner avec force que «this case has been exceptional for a number of reasons – the sums involved, the extraordinary lifestyles, the famous names, the world of international businessmen and the outpouring of $23m simply relying on the concept of My word is my bond». La sentence devra être prononcée d’ici à la fin de ce mois suite à un rapport sur l’état de santé du condamné.
Ketan Somaia, qui avait logé en Cour suprême en 1999 un procès en diffamation de Rs 300 millions contre le groupe Le Mauricien —- l’une des plus importantes sommes jamais réclamées à la presse —, qui avait exposé ses frasques sur la place financière à Maurice, a été trouvé coupable à l’issue de ce procès sous neuf chefs d’accusation pour escroquerie d’un montant de Rs 585 millions. En fin de semaine, la presse britannique, dont The Guardian, et kenyane, faisait de ce verdict en affirmant que«it was through the British courts, in what is thought to have been the largest ever British private prosecution brought by an individual, that the two-times Miss World sponsor was finally brought to book. He was convicted of nine counts of obtaining money by deception, totalling $19.5m, from two separate victims, and acquitted of two counts of obtaining money by deception totalling $3.5m.»
De son côté, Me William Boyce, QC, avocat de la Poursuite, n’a pas été tendre envers le banquier en faisant ressortir que «Mr Ketan Somaia was what is sometimes called a confidence trickster, but on a grand scale. His lavish lifestyle was being paid for by people whosemoney was taken and not given back, in a systematic series of frauds. Not a penny of the $23m capital advanced to Mr Somaia has ever been repaid».
Arnaque
Mais l’élément le plus pertinent de ce procès par rapport à Maurice est la confirmation formelle quele rachat de l’ancienne BCCI par Ketan Somaia en 1999 pour devenir la Delphis Bank, avec Port-Louis comme principale base d’opération, a été financé par desProceeds of Crime, soit une arnaque pour un montant de $ 865 000 et £ 4,42 millions avec le même Murli Mirchandani comme victime. C’est ce qu’indique le Daily Maildans son édition en-ligne de vendredi.
«Mr Mirchandani heard of Ketan Somaia’s business prowess at a cocktail party and was quickly bewitched by his offer of a lucrative partnership. Somaia treated him to dinners at Annabel’s nightclub in London and all expenses paid trips to South Africa and Dubai and flaunted his lavish home in Daley Wood, North London. His scam began with a plea for short term loan of 865 000 dollars to buy shares in Delphis Bank Mauritius, guaranteeing repayment in four months. Two days later he convinced Mr Mirchandani to hand over £ 4,42 million to buy a ten per cent stake in the bank», rapporte Tara Brady, la journaliste du Daily Mail.
L’homme d’affaires kenyan est tombé dans le piège de Ketan Somaia car ce dernier lui avait fait croire que ces placements doubleraient en moins de trois ans, d’autant que dans l’entourage du banquier se trouvait un ancien bras droit de Lady Thatcher, Cecil Parkinson, du Parti conservateur britannique. À Maurice en 1991 quand l’offre de Ketan Somaia avait été retenue pour la réouverture de l’ex-BBCI, l’ancien ministre des Finances, Rama Sithanen, avait dû faire face à une levée de boucliers de la part de l’opposition travailliste d’alors, avec un Navin Ramgoolam faisant ses débuts en tant que leader de l’opposition. Une demande d’enquête sur les avoirs de ce banquier jusque-là inconnu à Maurice était même réclamée mais sans succès.
Persona Non Grata
Toutefois, l’ampleur et l’envergure des pratiques frauduleuses adoptées et suivies à la défunte Delphis Bank ne furent révélées publiquement que onze ans plus tard, soit en mars 2002, avec la révocation par la Banque de Maurice de la Banking Licence de cette banque et Ketan Somaia devenant Persona Non Grata. La décision du 8 mars 2002 contre cette banque commerciale était justifiée par la découverte de «non-performing loans irregularly granted to closely related parties and blocked non-performing overseas bank placements». Les accusations émanent dela Banque de Maurice et portent sur un montant de plus de Rs 300 millions.
Mais le délit criminel le plus grave allait être révélé au fur et à mesure que l’enquête sur les affaires de la Delphis Bank après la révocation de la Banking Licence progressait. Tout le scandale de Duplicate Share Certificates de la Delphis Bank, qui faisait l’objet de tractations entre les autorités compétentes depuis le mois de mai 2001, fut dévoilé. Les détails de cette affaire furent confirmés par le Premier ministre suppléant, Paul Bérenger, à une Private Notice Question du leader de l’opposition d’alors, Navin Ramgoolam.
« In May 2001, a set of five share certificates, representing 51,943,750 shares allegedly held by one of the major shareholders of the bank, was submitted tobe deposited with the Central Depository and Settlement Co Ltd (CDS). The CDS returned the share certificates as the application for registration was irregular since three of these certificates had already been registered with it. The matter was brought to the attention of the Stock Exchange of Mauritius, which reported the matter to the then Stock Exchange Commission. After inquiry, the Stock Exchange Commission referred the matter to the Bank of Mauritius», avait déclaré Paul Bérenger dans sa réponse liminaire. La valeur des actions est estimée à un peu plus de Rs 200 millions vu que la valeur faciale est de Rs 4.
Ce volet de Duplicate Share Certificates de la Delphis Bank a également été mentionné dans le procès débouchant sur la condamnation de Ketan Somaia à Londres en fin de semaine. Une des victimes des cas d’escroquerie, un autre ressortissant kenyan, Dilip Shah, qui avait avancé un Emergency Fundingde £ 118 000, s’était vu remettre dix millions d’actions de la Delphis Bank Mauritius. Quand il avaitvoulu négocier ces Share Certificates, on lui avait fait comprendre qu’ils n’étaient d’aucune valeur.
Avec la condamnation de vendredi, Murli Mirchandanui a obtenu une satisfaction mitigée car il devait faire comprendre à la presse que«securing a conviction against Mr Somaia will not undo the harm he has caused and the pain he has inflicted upon me and my family, but knowing that he has been brought to justice helps bring us some closure.»
Par contre, tel ne pourra être le cas pour l’homme d’affaires mauricien Doorgeshwaarah Narraidoo de Lancaster Investment Limited, qui s’était fait escoquer la somme de Rs 12 millions par le même Ketan Somaia à Port-Louis. Les délits commis par ce banquier-escroc sous des sections du Banking Act et du Code Pénal sont encore impunis, même si à l’Assemblée nationale à cette époque, le gouvernement s’était fait fort pour déclarer que «necessary action has been initiated for the issue of an Extradition Order and an International Warrant of Arrest against Ketan Somaia»      
 
 

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