RAPPORT DU GIEC 2019 : Une lueur d’espoir ou un rapport de trop ?

DIPLAL MAROAM

Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) 2019 intitulé « Changement climatique et terres émergées » est l’un des trois rapports spéciaux que le GIEC s’est engagé à présenter au cours du sixième cycle d’évaluation. Ce rapport sans précédent met en exergue l’état des sols de la planète, leur dégradation due à l’exploitation insouciante de l’homme et son impact sur le climat et l’environnement dans son ensemble. Les auteurs font ressortir que depuis 1961 à ce jour, l’usage des fertilisants dans le monde a été multiplié par 9 et la quantité de bois utilisé a accru de 50%. Ce qui a, entre autres, provoqué de graves répercussions sur la qualité des sols.
Même chez nous à Maurice, la situation n’est guère reluisante. En effet, après la publication en 1992 du rapport « State of the Environment in Mauritius », l’utilisation des agro-chimiques dans les champs n’a point connu de répit. Bien au contraire. Selon Statistics Mauritius, l’importation des pesticides a connu une hausse de 6,6% en une année, de 2017 à 2018, et que durant cette même période, la superficie totale des forêts a régressé de 18 hectares. Ainsi, que Maurice se retrouve ces jours-ci dans le peloton de tête des pays qui subissent le plus durement la perte de leur biodiversité – c’est ce que révèle une étude publiée en juin dernier par l’institut londonien, Royal Botanical Gardens – n’émeut personne.
Selon le rapport du GIEC donc, grâce à l’accumulation de carbone dans la matière organique des sols et la photosynthèse des forêts, la terre sert de puits de carbone pour un total estimé autour de 11 milliards de tonnes de CO2 par an. Et il va sans dire que lorsque la terre se détériore, elle perd de sa valeur nutritionnelle, donc de sa productivité et en même temps de sa capacité à absorber le carbone. Ce qui entraîne un cercle vicieux car un tel phénomène exacerbe le changement des paramètres environnementaux qui, à son tour, suscite à nouveau des effets agronomiques néfastes sur les sols. Or, aujourd’hui, selon les chercheurs, plus de 500 millions de personnes vivent dans des zones touchées par la désertification – zones qui sont également vulnérables aux conditions environnementales extrêmes comme les sécheresses, vagues de chaleur qui, par conséquent, provoquent famines et situations sanitaires stressantes. Le rapport du GIEC indique que même un réchauffement limité à + 1,5ºC entraînerait une augmentation des risques liés aux pénuries d’eau, à la fonte accélérée des glaces et à l’instabilité du système alimentaire. Or, les études démontrent que les continents ont déjà vu leur température de surface croître en moyenne de +1,53ºC de 2006 à 2015 en comparaison à la période 1850-1900. Ainsi, les 1,5ºC stipulés dans l’accord de Paris seraient donc déjà dépassés.

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Un changement de mode d’alimentation…

D’autre part, il convient de faire ressortir que beaucoup d’émissions de gaz à effet de serre peuvent être évitées en réduisant la destruction des forêts, des tourbières et des mangroves, représentant environ 15% des émissions totales. Considérées comme étant le « poumon » de la Terre, les forêts amazoniennes ont joué, pendant des décennies, un rôle de premier plan dans la lutte contre le réchauffement climatique en emmagasinant plus de carbone qu’elles n’en rejettent. Mais cela, selon le GIEC, est en train de changer, particulièrement avec l’arrivée au pouvoir en janvier dernier au Brésil du climato-sceptique, Jair Bolsonaro. Aujourd’hui, conformément à ses promesses de campagne, le déboisement en Amazonie s’accélère pour laisser la place aux projets d’infrastructure et économiques.
Par ailleurs et comme il fallait s’y attendre, un accent certain dans le rapport est mis sur le secteur agricole comme un domaine d’activité économique qui subit durement les conséquences du changement climatique. Ainsi, chaque degré de réchauffement réduit les rendements de blé de 6%, de riz de 3,2%, de maïs de 7,4%, de soja de 3,1% – cultures qui fournissent les deux-tiers des apports en calories de toute l’humanité. Une augmentation du CO2 dans l’atmosphère est aussi synonyme de baisse des micro et oligo-éléments dans les cultures, suscitant des problèmes sanitaires touchant aujourd’hui, selon les estimations, près de 2 milliards d’êtres humains. Et plus de 60 millions en meurent chaque année. Dans ce contexte, le rapport présente un changement de mode d’alimentation et de modèle agricole comme une solution efficace, tout en ne soutenant ouvertement aucun régime alimentaire spécifique. Ainsi, des régimes équilibrés comprenant des aliments d’origine végétale et aussi d’origine animale produits dans des systèmes durables et à faibles émissions de gaz à effet de serre représentent des opportunités pour la santé humaine et l’environnement dans son ensemble.

Le climato-scepticisme semble gagner du terrain

Et il va sans dire que l’amélioration de l’état des sols et, par ricochet, de la sécurité alimentaire pour l’élimination de la faim passe d’abord et surtout par une action coordonnée au niveau global. Cependant, il ne faut pas pour autant perdre de vue le rôle joué par le gaspillage de la nourriture, une des causes non négligeables affectant la sécurité alimentaire. Ainsi, le rapport estime qu’un tiers de la production mondiale de la nourriture est gaspillé chaque année. En septembre 2013, le GIEC avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur le problème de la sécurité alimentaire par rapport au phénomène du réchauffement climatique indiquant alors que la température moyenne de la Terre devrait grimper de 0,3ºC à 4,8ºC d’ici 2100. Pour tenter de renverser cette tendance, il avait même été suggéré de renoncer à l’exploitation d’un tiers des réserves pétrolières, de la moitié des réserves de gaz et de plus de 80% du charbon. Or, six années plus tard, le constat est plus qu’accablant – c’est le climato-scepticisme qui semble gagner du terrain.
Finalement, selon le GIEC, l’adaptation aux effets néfastes du changement climatique passe aussi par la réduction des inégalités, l’augmentation des revenus de ceux au bas de l’échelle et un accès équitable à la nourriture afin que certaines régions de la planète ne soient pas désavantagées. Il importe également de mettre en œuvre des politiques qui favorisent une gestion convenable, soutenable et durable de toutes les ressources disponibles, ce dans le but de garantir un approvisionnement alimentaire de base à toutes les populations de la planète.

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