RECHERCHE — MRIC et UoM : L’accompagnement humain pour mieux lutter contre la pauvreté

Même si Maurice a récemment accédé au statut de pays à revenu élevé, la pauvreté reste quand même très présente dans notre société. Pourtant, des actions sont prises, que ce soit au niveau de l’État, du privé ou des Ong pour lutter contre ce fléau, avec des résultats mitigés. Et ce car l’on oublie trop souvent le facteur de l’accompagnement humain. Se basant sur le modèle de Lovebridge dans son accompagnement des familles pauvres, l’Université de Maurice, avec le concours du Mauritius Research and Innovation Council (MRIC), a donc émis un rapport pour démontrer la grande importance de cet accompagnement des personnes vivant dans la pauvreté absolue à travers Maurice.

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Le rapport de cette étude, effectuée par le Senior Lecturer de l’UoM Nicolas Ragodoo, avec la participation de trois autres chargés de cours de cette institution, a été présenté au Mauricien dans les locaux du MRIC, à Ébène, avec, pour titre, “Research on long-term holistic accompaniment of families living in poverty in the Republic of Mauritius”. L’étude a été financée sous le Social and Innovation Scheme du MRIC et aura duré pas moins de deux ans. « Ce projet conjoint de l’UoM et du MRIC est une innovation sociale, car nous avons adopté une nouvelle approche pour analyser la pauvreté à Maurice », souligne le chargé de cours.

L’objectif de cette étude, dit-il, est d’analyser les raisons des maigres résultats obtenus s’agissant de la lutte contre la pauvreté. Pour ce faire, le travail de l’Ong Lovebridge a été pris en considération. L’étude visait à voir si l’accompagnement continu de cette Ong envers des personnes défavorisées avait un impact sur le long terme, mais aussi de trouver des moyens de lutter plus efficacement contre la pauvreté.

Pour ce faire, l’équipe de l’UoM est partie sur le terrain, toutes régions confondues, pour rencontrer des familles suivies par Lovebridge. « Nous cherchions à voir si leur vie avait réellement changé à travers cet accompagnement à long terme par rapport à leur situation antérieure », explique-t-il. Nicolas Ragodoo avance ainsi que « l’accompagnement psychologique et émotionnel a fait progresser ces familles qui vivent dans une pauvreté absolue, que ce soit au niveau de l’éducation, de l’emploi, de la nourriture ou du logement ». Selon lui, les familles suivies sur le long terme par Lovebridge ont « un niveau de vie meilleur que lorsqu’elles étaient laissées à elles-mêmes ». Poursuivant : « Les gens qui sont pauvres préfèrent un accompagnement psychologique et social plutôt qu’une aide matérielle ou financière. Or, nous avons plutôt une approche mécanique de la question. Manque donc cette affection. Et les gens ont besoin de cela. Les familles accompagnatrices savent que donner cette affection est important », explique le Senior Lecturer.
Lors de ses visites dans ces familles défavorisées, il dit avoir été « agréablement surpris par l’enthousiasme » des familles, qui veulent à tout prix sortir de la pauvreté en témoignant une solide détermination. « Cet accompagnement apporte un équilibre dans leur vie », continue-t-il. S’il se dit en faveur de dons matériels ou financiers à ces familles, « être à leur côté est tout autant essentiel », estime-t-il. Cependant, pour lui, offrir cet accompagnement « n’est pas une chose qui se fait du jour au lendemain, car une relation de confiance doit être établie entre les accompagnateurs et ces familles ». Il poursuit : « La lutte contre la pauvreté est d’apporter ce soutien psychologique et social. Et par rapport aux décisions politiques à venir, il faudra prendre cet aspect en considération. »

Il estime que ceux travaillant au sein de Lovebridge ont établi « un lien fort » avec ces familles pauvres. Quant aux enfants de ces familles, Nicolas Ragodoo avance avoir noté que « certains n’ont pas le matériel scolaire approprié ou des structures adéquates pour pouvoir apprendre correctement ». Toutefois, malgré ces manquements, il estime que les parents « savent que l’éducation de leurs enfants leur permettra de sortir de la pauvreté ». Et de noter « des progrès dans leurs études ».

Pour lutter contre la pauvreté, il estime que « donner de l’affection » est nécessaire, car ces familles se sortent alors mieux de leur situation. Cette étude démontre également une transformation positive de la vie des familles ayant intégré le projet Lovebridge. Selon Nicolas Ragodoo, ce programme « a eu un impact profond sur les familles, car on a noté du progrès dans l’éducation de leurs enfants, mais aussi au niveau de l’employabilité, de la santé, du logement, de la motivation… ».

Les femmes « déterminées »

Autre observation notée sur le terrain : la « forte détermination des femmes » à sortir de la pauvreté. « Nous avons observé que ce sont les femmes qui sont en premier plan pour lutter contre la pauvreté, alors que les hommes, eux, sont un peu plus en retrait. » Ce qui n’empêche pas ces derniers, dit encore le chargé de cours, de se sentir moins concernés par leur situation. « C’est peut-être à cause de leur ego qu’ils sont moins en avant. Mais nous avons constaté que les hommes travaillent dur pour leur famille », fait-il ressortir. Grâce à l’accompagnement que reçoivent ces familles, ces dernières, ajoute-t-il, « se sentent plus fortes pour lutter contre les défis quotidiens, avec un esprit positif », poursuivant : « Ces familles ont le courage de faire face à la pauvreté et sont déterminées à s’en sortir. Elles sont conscientes qu’elles doivent pouvoir se prendre en main sur le long terme. »

Du côté du MRIC, agence de financement, l’accent n’est pas uniquement mis sur la science et le développement, mais également sur l’aspect social. Une approche nouvelle pour répondre aux problèmes sociaux qui perdurent. « Nous cherchons des solutions qui seront bénéfiques à la société », soutient ainsi le Dr Aveeraj Peedoly, Research Coordinator au MRIC. D’un point de vue sociologique, il avance qu’il existe plusieurs stéréotypes et “labels” dans la littérature sociologique, ajoutant toutefois que l’étude démontre que « ces “labels” ne tiennent pas la route ». Il développe : « Nous voyons que ces familles font beaucoup d’efforts pour sortir du cercle de la pauvreté. Cette étude ne dit pas que ce qui a été fait jusqu’ici n’est pas bon. Mais que si nous ne mettons pas une touche humaine à nos actions, cela n’aura pas autant d’effet sur les familles. »

Cette collaboration de recherche vise à contribuer à la lutte contre la pauvreté ainsi qu’à la recherche dans le domaine de la pauvreté en examinant l’approche d’accompagnement global sur le long terme, et mise en œuvre par Lovebridge depuis 2012. Ainsi, cette Ong ne mise pas sur l’assistance et le soutien matériel, mais plutôt à travailler avec ses bénéficiaires pour améliorer leur support psychologique, et ce, afin qu’ils puissent à terme être autonomes.

A noter que l’étude a été réalisée dans cinq districts de l’île et s’est déroulée en quatre phases différentes. La première a consisté à examiner le modèle d’accompagnement holistique à long terme adopté par Lovebridge. Dans la phase 2, une observation de l’exercice d’évaluation annuel effectué par Lovebridge a été faite. La phase 3 concernait un exercice de collecte de données primaires pour obtenir les points de vue des bénéficiaires, du personnel de terrain qui accompagne les familles, ainsi que des volontaires. Et dans la phase 4, un exercice quantitatif a été réalisé afin d’évaluer l’efficacité de l’approche d’accompagnement à long terme en tant qu’outil d’autonomisation des personnes vivant dans des situations de pauvreté.

Parmi les recommandations phares du rapport figure la formation supplémentaire au personnel sur les problèmes spécifiques auxquels ils sont confrontés sur le terrain, tels l’alcoolisme, la toxicomanie, le trafic de drogue et la violence sexiste. Les bénéficiaires signalent la nécessité d’un plus grand nombre de visites et de suivis de la part des psychologues. Il est aussi fortement recommandé d’inclure une thérapie familiale en plus du soutien individuel. Enfin, l’on note la nécessite d’augmenter le nombre de psychologues pour des accompagnements.

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