Remarques mesquines et capricieuses

Le renvoi aux calendes grecques d’une éventuelle visite officielle aux Seychelles alors que le président de la République de ce pays, Wavel Ramkalawan, avait choisi Maurice pour sa première visite à l’étranger après son élection comme président des Seychelles, a pour le moins choqué tous ceux qui œuvrent pour la coopération régionale.

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Revenons sur les faits et la remarque tristement célèbre de « Look at your face » adressée par le Speaker à l’encontre du député Rajesh Bhagwan, qui avait été rapportée par la presse internationale et faisait le buzz sur les réseaux sociaux. Le président seychellois avait, en réponse à une question d’un journaliste, affirmé : « Nou parlman boukou pli sivilize ki parlman Moris. » Cette remarque, diffusée toujours sur les réseaux sociaux, avait été reprise à Maurice pour démontrer le niveau où est tombée l’Assemblée nationale.

Après avoir esquissé un sourire, n’importe quel observateur politique et diplomatique aurait immédiatement compris que cette remarque était destinée à la consommation locale dans son pays, et n’avait pas pour but d’insulter la dignité des Mauriciens, et encore moins du gouvernement mauricien. Combien de fois n’a-t-on pas entendu des politiciens mauriciens, dont le Premier ministre lui-même, faire allusion à d’autres pays de la région ou en Afrique lors des campagnes électorales dans le but de galvaniser la foule. Ce n’est pas la première fois qu’on voit un chef d’Etat faire allusion à un autre pays concurrent alors qu’il s’adresse à sa population dans son pays. Tout le monde sait que ces remarques n’ont aucune importance, à moins qu’elles soient prononcées devant des instances officielles, comme l’Assemblée générale de l’Onu.

En ce qui concerne le président des Seychelles, il devait prendre la précaution de corriger le tir en expliquant à la MBC qu’il ne fallait mal interpréter sa remarque. « Je voulais dire que votre Parlement est beaucoup plus animé que le nôtre… Je ne voulais pas insulter les parlementaires mauriciens. Je ne suis pas du genre à m’immiscer dans les affaires internes d’un pays. Votre Parlement est interne à votre pays. » On ne pouvait être plus clair concernant l’intention du président seychellois, qui a poussé la gentillesse jusqu’à renouveler son invitation au Premier ministre à visiter les Seychelles. C’est pourquoi la réplique de Pravind Jugnauth, à l’effet qu’il se rendra aux Seychelles « kan nou ava vinn sivilize », est indigne du Premier ministre d’un pays qui a une aussi longue tradition démocratique et qui est considéré comme un grand frère par les Seychelles. Tout le monde sait que, tout comme on ne mélange pas les torchons et les serviettes, on ne mélange pas non plus les propos destinés à une population donnée, et qui sont souvent frivoles, avec les déclarations destinées à un public international et engageant une décision gouvernementale.

Le Premier ministre se doit pourtant d’effectuer une visite officielle au Seychelles pour de nombreuses raisons. En premier mieux, le partenariat entre Maurice et les Seychelles a été jusqu’ici sans faille. Les Seychelles ont été en outre aux côtés de Maurice dans notre lutte pour la décolonisation complète de notre territoire et pour l’exercice de notre souveraineté sur les Chagos. Ce pays nous a soutenus non seulement à l’Assemblée générale des Nations Unies, et selon toute probabilité à l’Union Postale Universelle (UPU), qui a interdit l’utilisation des timbres émis par le BIOT. Ce qui veut dire que l’UPU reconnaît la souveraineté de Maurice sur les Chagos. Nos deux pays œuvrent aussi ensemble au sein d’une série d’organisations régionales, dont la Commission de l’océan Indien. Ensuite, ils ont fait l’histoire en arrivant à un accord à l’amiable en mars 2011 devant la Commission des limites du plateau continental concernant la gestion d’une zone étendue de 396 000 km2 sur le plateau des Mascareignes. Donc, que cessent les remarques mesquines et capricieuses afin de s’élever au niveau d’un chef d’Etat de statut international.

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