Reza Uteem (MMM) : « Recentrer les débats autour du programme électoral »

Dans un entretien accordé à Le-Mauricien cette semaine, le président du MMM, Reza Uteem, revient sur les mesures annoncées par l’alliance PTr-MMM-ND. Il insiste sur le fait que ces mesures n’ont pas été préparées à la veille du meeting du 1er mai et ont fait l’objet de discussions au sein du comité de l’opposition responsable du programme électoral. Il explique que la liste des mesures en comprend également certaines qu’il avait préparées alors qu’il présidait la commission économique du MMM. « Nous avons réussi à recentrer les débats autour du programme électoral », affirme-t-il, tout en se disant prêt à accueillir favorablement les critiques et les suggestions.

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L’Alliance PTr-MMM-ND a annoncé le 1er mai une première partie de son programme électoral. Quel est le fil conducteur de ces propositions ?
Ce n’est qu’une partie de nos propositions. C’est un travail d’équipe. Nous avons eu un comité-programme composé des membres du PTr, du MMM et du ND. Le PMSD y avait également participé avant de quitter l’alliance. Nous avons reçu beaucoup de suggestions du public.
Les commissions de chaque parti ont travaillé sur des propositions qu’elles ont remises au comité-programme. Nous avons fait un tri des mesures qui étaient toutes valables. Les leaders ont également apporté leur contribution.
Nous sommes heureux que Navin Ramgoolam ait annoncé ces mesures parce qu’elles remettent les programmes politiques au centre des débats. Ce qui contraste avec ce qui s’est passé à Vacoas où le Premier ministre et les autres orateurs ont consacré leurs interventions à des attaques sous la ceinture contre leurs opposants politiques.
L’objectif de ces propositions était de susciter un débat. Nous sommes contents qu’il y ait eu un début de débats, certains prenant position contre et d’autres faisant d’autres propositions.
J’ai été à la tête de la commission Économie du MMM pendant dix ans. Durant cette période, nous avons eu l’occasion de rencontrer beaucoup d’économistes, pas forcément venant du parti. Ils nous ont fait leurs propositions et toutes les mesures annoncées sont réalistes et réalisables.

La première question qu’on se pose dans le public concerne le financement de ces mesures. Que répondez-vous à ces interrogations ?
Le gouvernement de Pravind Jugnauth a siphonné l’agent de la Banque de Maurice à hauteur de Rs 150 milliards des réserves. Ensuite, il a augmenté la taxe. En 2014, nous avions payé Rs 90 milliards de taxes. Ce montant est passé aujourd’hui à Rs 200 milliards depuis que gouvernement est au pouvoir. Troisièmement, il a endetté le pays sans compter que les institutions ne fonctionnent plus parce que les nominations ne sont pas effectuées que la base des compétences, mais sur celle d’une allégeance.

Le gouverneur de la BoM a été couronné de la plus haute distinction alors que deux banques ont fait faillite et que la banque avait enregistré des pertes l’année dernière. Des avions flambant neufs ont été vendus pour dipin diber alors qu’ils ont été obligés de louer des avions de seconde main.

Dans le port, la directrice générale a été suspendue après avait été accusée d’avoir transmis des informations à l’opposition dans une lettre anonyme. Jusqu’à maintenant, il n’y a eu aucune preuve contre elle. La conséquence est que le port ne fonctionne pas. Sur sept portiques seulement trois sont opérationnelles. Les bateaux entrent et sortent du port sans aucun contrôle. Maurice doit réaliser une fois pour toutes qu’il y a eu des miracles économiques parce que nous avons travaillé pour cela. C’est la matière grise des Mauriciens qui nous a permis d’avoir un miracle économique dans les années 80. Cela ne s’est pas produit par chatwaisme.

Aujourd’hui, nous avons des Mauriciens valables et capables, non seulement à Maurice, mais également à l’étranger. Il nous faudra créer les conditions appropriées pour que tous ces gens puissent occuper des postes de responsabilité.
Pour ce qui est de la dépréciation de la roupie, il n’y a pas d’autres solutions que d’augmenter nos revenus en devises étrangères en introduisant des incitations pour l’exportation ; en encourageant le FDI, et en incitant les touristes à dépenser davantage. Si nous avons une stratégie appropriée, nous aurons suffisamment de ressources pour stabiliser la roupie.

Voulez-vous dire que les 20 points proposés ont été travaillés dans les détails ?
Ce n’est pas à la veille du 1er mai que nous avons travaillé sur les propositions. Plusieurs idées avaient déjà été identifiées alors que j’étais président de la commission économique. Nous n’avons pas pu les introduire parce que nous n’étions pas au pouvoir. Il y a, entre autres, l’exemption fiscale accordée à ceux touchant Rs 1 million par an. Cette mesure permettra d’alléger le fardeau de la population, en particulier ceux de la classe moyenne qui souffrent énormément pour des raisons multiples. Il y a aussi les dettes domestiques. Il ne faut pas oublier que durant la période Jugnauth, le taux d’intérêt a augmenté par plus de deux fois et demie.

Dans le cadre de cette approche, l’accent est mis plus sur la taxe indirecte que sur la taxe directe…

Il y a aura également la taxe directe sous forme d’impôts sur les revenus. Lorsqu’il y a une croissance, les entreprises seront plus profitables et paieront davabtage de taxes. Il faudra revoir la structure fiscale. Est-ce que c’est normal que la banque ne paie qu’une taxe de 3% alors qu’un petit entrepreneur paie 15 % de taxe.

Aujourd’hui ce sont surtout les moins fortunés de la société qui payent plus de taxe. Le gouvernement a augmenté les prélèvements sur les produits pétroliers de 50%. Tous ceux qui utilisent les mobylettes et leurs fourgons dans leurs activités de marchands ambulants sont frappés de plein fouet. Leurs coûts de production ont grimpé, affectant le prix à la vente avec pour résultat que ce sont les consommateurs qui paient plus cher. Cela affecte également les prix de l’électricité. Une baisse des prélèvements sur les produits pétroliers devrait en fin de compte soulager la population.

Une augmentation des subsides est donc envisagée ?
Pas nécessairement puisqu’un autre domaine auquel nius devrions nois attaquer est le gaspillage au sein des services gouvernementaux. À titre d’exemple, le démantèlement de la BAI a coûté Rs 25 milliards au pays, le dédommagement de Betamax a coûté Rs 6,5 milliards, Neotown réclame Rs 1,5 milliard.

Une mesure qui nous tient à cœur est le prix des médicaments. En tant que président du Public Accounts Committee, j’ai constaté le gaspillage énorme dans les ministères en raison de la mauvaise gestion concernant l’achat des médicaments.

Si le ministère achetait la quantité qu’il faut au prix qu’il faut, les prix des médicaments auraient baissé sensiblement. Au lieu de cela, une mafia est encouragée à l’achat des médicaments avec pour résultat qu’une partie devient périmée. En même temps, une partie des médicaments est achetée de manière parcimonieuse afin qu’on puisse avoir recours à l’Emergency Procurement. L’affaire Molnupiravir n’est que le sommet de l’iceberg.

À cause de cette mauvaise gestion et la corruption dans le pays, les médicaments coûtent plus cher. C’est la raison pour laquelle nous préconisons que si une personne âgée n’obtient pas un médicament prescrit par un médecin dans les hôpitaux, il faudra lui rembourser. En même temps, il faudrait introduire davantage de compétition en encourageant l’importation parallèle de produits génériques au lieu de protéger des lobbies comme c’est le cas actuellement.

Quid de la productivité en général qui, semble-t-il, n’est pas au beau fixe ?
Bien sûr, il faut une plus grande productivité. Il faudrait pour cela récompenser les employés convenablement et leur donner une incitation au travail; ils seront alors plus productifs. Il faudrait par exemple employer les gens sur la base de la méritocratie. Dans un système où les gens travaillent dur et voient en fin de compte ceux qui sont proches du pouvoir passer sur leur tête à travers des promotions, c’est le découragement qui est encouragé.

C’est le cas dans beaucoup de situations dans la fonction publique. C’est la raison pour laquelle beaucoup de talents quittent le service alors que d’autres choisissent d’immigrer. Il faut savoir que les Mauriciens sont débrouillards et konn trase. Ce n’est pas une nation de quémandeurs; il faut juste croire en eux.

Tenez-vous en compte le fait que Maurice opère dans un contexte international difficile ?
C’est pourquoi je dis que certaines stratégies gouvernementales ont fait du tort à notre pays. Pour la première fois, nous avons un ministre des Finances qui, au lieu d’encourager l’exportation, la productivité et la compétitivité, a choisi d’encourager la consommation.
Or, une grande partie de nos dépenses va vers l’importation, parce que nous ne produisons rien. Nous voulons relancer l’économie à travers des secteurs porteurs et la diversification des marchés et des produits. Le secteur offshore est complètement négligé par le gouvernement, qui a signé en mars un nouveau protocole avec l’Inde au détriment du pays, sans aucune consultation, avec des conséquences sur le secteur offshore.

Est-ce que vous réalisez qu’il n’y a pas de directeur à la tête de la Financial Services Commission (FSC) ? Maurice aurait dû être l’étoile de l’océan Indien en matière de services financiers et maritimes. Tous les gros bateaux auraient dû pouvoir s’arrêter à à Port-Louis pour les besoins de transbordement. Pour cela, nus devrions pouvoir disposer de notre propre flotte afin de faire la navette dans les pays de la région et les ports d’Afrique.
Tout cela aurait entraîné le développement d’un nouvel écosystème portuaire, avec des coutiers maritimes, des banques spécialisées dans les lettres de crédits, des cabinets comptables et de légistes, etc. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne fait pas suffisamment pour renforcer nos liens avec les pays africains.

Certaines mesures proposées nécessiteront l’amendement de la Constitution, qui dépend de la majorité parlementaire…

Certaines mesures nécessiteront c’est vrai un amendement de la Constitution. Il faudra revoir le fonctionnement de la Public Service Commission, de la Judicial and Legal Service Commission et de Disciplined Forces Service Commission (DFSC), dont les pouvoirs sont régis par la Constitution.

C’est pourquoi l’alliance PTr-MMM-ND souhaite avoir une majorité de trois-quarts. Nous pourrons également renforcer les pouvoirs du Directeur des Poursuites Publiques (DPP) et revoir les responsabilités du commissaire de police, qui a un rôle majeur à jouer pour combattre la criminalité dans le pays, et aussi ppur introduire également une bonne réforme électorale.

Pourquoi l’opposition refuse-t-elle de voter la loi sur le financement politique actuellement en circulation ?
Le gouvernement est venu avec la même législation qu’il avait déjà présentée auparavant. Aucune proposition de l’opposition n’a été prise en compte. Le Premier ministre aurait dû savoir que dans une telle situation, l’opposition ne votera pas en faveur du texte de loi. Par contre, le nouveau gouvernement viendra avec une bonne loi pour introduire le financement des partis politiques.

Quelques mesures proposées concernent les femmes… Pouvez-vous nous en parler ?
Nous avons prévu deux mesures : le congé de maternité et le Menstrual Leave. À propos du Menstrual Leave, le Japon a introduit une législation depuis 1947, interdisant qu’une femme soit sanctionnée dans l’éventualité où elle s’absentait pendant cette période. L’année dernière, l’Espagne a passé une loi permettant aux femmes de prendre entre trois et cinq jours par mois. Je pense que c’est une avancée. Bien entendu, des Safeguards seront introduites afin d’éviter les abus.

Le congé de maternité est une mesure très importante. Cette mesure permet aux femmes de consacrer plus de temps à leurs enfants pendant la première année de sa vie, qui est cruciale. Différentes formules seront développées avec les diverses parties prenantes Nous ne voulons pas qu’une femme perde son emploi pour avoir pris une année de congé. Il existe un courant qui est en faveur du congé parental. C’est une question sur laquelle il faut travailler.

À ceux qui craignent qu’il y ait une discrimination à l’encontre des femmes par les employeurs, je peux les rassurer, car cela n’est pas permis dans les législations mauriciennes, qui interdisent la discrimination sur la base du sexe. Aujourd’hui, avec le Covid-19, il y a beaucoup de flexibilité concernant le Work from Home. Les employeurs auront la possibilité de trouver la formule la plus appropriée pour leurs employées.
Concernant le transport gratuit, c’est une tendance qui gagne les petits pays, comme le Luxembourg, Malte, l’Estonie, mais aussi certaines villes d’Europe et des Etats-Unis. Ce système est beaucoup plus efficient et Ecofriendly. Cela a entraîné une réduction des véhicules en circulation, des émissions de gaz carbonique et l’importation d’essence et de diesel. Le transport gratuit doit être placé dans une démarche écologique pour rendre Maurice plus propre et moins polluante.

Finalement, concernant les pensions, nous avons voulu envoyer un signal fort en faveur des veuves et des handicapés, qui pourront bénéficier de leurs allocations même après l’âge de la retraite. C’est une injustice que nous voulons corriger.

 

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