Ritish Ramful (Député du PTR au No12) : « Le PTr prêt à se rendre seul ou avec ses alliés aux élections générales »

À la veille de la commémoration de l’anniversaire de la naissance de sir Seewoosagur Ramgoolam et de sir Satcam Boolell, demain à Kewal Nagar, le jeune député travailliste Ritish Ramful demande aux politiciens, et surtout au gouvernement, de « tirer les leçons du passé ». Il insiste sur l’importance de l’unité nationale à Maurice et sur le fait que « la tolérance est la clé du succès » du pays. Il souligne que « le PTr et prêt à se rendre seul ou avec ses alliés aux élections générales », ajoutant que cette collaboration « marche très bien » et affiche une unité au niveau de l’opposition pour contrecarrer le gouvernement.

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Le PTr commémore l’anniversaire de la naissance de sir Seewoosagur Ramgoolam et de Satcam Boolell, qui auraient eu respectivement 120 et 100 ans. Qu’est-ce que cela représente pour vous, jeune député travailliste ?
Pour moi, nous célébrons l’anniversaire de deux grands tribuns ayant beaucoup fait pour le PTr et qui ont engagé leur vie pour le pays. Aujourd’hui, nous parlons de revendications qui ont commencé le 11 juillet, suivies des manifestations du 29 août et du 12 septembre dans ma circonscription, à Mahébourg. Cela me rappelle la lutte du PTr depuis sa création. Ce parti est né dans la tyrannie du colonialisme. À cette époque, on ne savait pas ce qu’étaient les droits des travailleurs, ni le droit de vote des citoyens. L’éducation était une activité privilégiée et réservée à une classe de la population. Des personnalités comme Maurice Curé, Emmanuel Anquetil, Pandit Sahadeo et Assenjee Jeetoo ont mené la lutte pour revendiquer des droits. À cette époque, toutes les communautés participaient à cette lutte contre le pouvoir colonial.

Sir Seewoosagur Ramgoolam, qui est rentré au pays après ses études en Grande-Bretagne, a vu la misère qui prévalait dans le pays et s’est joint au PTr, au sein duquel il a mené des combats ayant débouché sur l’indépendance du pays. Aujourd’hui, tous les secteurs de l’économie – comme l’éducation, le logement, le service gratuit dans nos hôpitaux, le Welfare State, l’État de droit – portent l’empreinte du PTr et de personnalités comme SSR.
J’étais présent à la cérémonie de commémoration de l’anniversaire de sir Satcam Boolell et nous avons vu sa contribution pour le développement agricole, son rôle dans les négociations de la convention de Lomé et le protocole sucre ACP-CEE. Le point commun entre des tribuns comme sir Seewoosagur Ramgoolam et Satcam Boolell, c’est qu’ils avaient tout commencé de zéro. Ils ont jeté les bases du développement dans tous les domaines dans lesquels ils se sont engagés. Aujourd’hui, nous avons une Constitution qui garantit nos droits fondamentaux, un État de droit.

Quel héritage ces deux tribuns ont-ils laissé à la génération d’aujourd’hui ?

La première leçon est leur attachement à l’unité nationale. Ces deux tribuns se sont toujours assurés que l’unité nationale prévalait dans le pays. Je m’explique : dans le cadre du combat en faveur de l’indépendance, malheureusement, la bourgeoisie locale avait réussi à influencer 44% de la population à voter contre. Malgré cela, dans son discours prononcé le 12 mars 1968, sir Seewoosagur Ramgoolam avait affirmé : « My wish today is that of all true patriots who believe in the future of Mauritius, let’s all work together. The country belong to all of us. Let us contribute ou share in the building of a strong Mauritius. » Il savait que le pays était divisé. En 1969, il a créé la grande alliance avec le PMSD de sir Gaëtan Duval afin de réunir la population. Il pensait que le pays ne pouvait fonctionner sans l’unité nationale. Il a aussi rassemblé le secteur privé, qui était important pour le développement du pays. C’est cela la première leçon que nous devons tirer.

Aujourd’hui, je demande aux politiciens, et surtout à ce gouvernement, de tirer les leçons du passé et de sir Seewoosagur Ramgoolam, qui était un homme tolérant. La tolérance est la clé du succès de Maurice. Le pays est composé de différents groupes de personnes ayant diverses cultures et venant de tous les horizons. Il nous faut pouvoir aménager tout le monde. Alors que beaucoup de pays africains avaient opté pour un parti unique et la nationalisation des secteurs clés de l’économie, le PTr, lui, a choisi le multipartisme et l’économie mixte. L’avenir nous a donné raison. Que n’a-t-on pas dit sur notre capacité d’assurer le développement du pays…

Les avez-vous connus personnellement ?

Malheureusement non, et c’est dommage. Je suis né en 1976. À cette époque, le PTr célébrait son 40e anniversaire. À cette occasion, le parti avait publié un livret, dont je me suis procuré une copie par la suite. Je demande à tous ceux intéressés par la chose politique, et en particulier aux jeunes, de lire ce livret, intitulé Le souffle de la libération, et écrit par le secrétariat du PTr. Ce livret définit les vraies valeurs du PTr.

Dans quelles circonstances vous êtes-vous engagé en politique ?
J’avais toujours eu un intérêt pour la politique. Les circonstances m’avaient poussé à le faire. À mon retour de Grande-Bretagne, j’ai commencé à faire mon pupillage dans le bureau d’Anil Gayan. C’était en 2000, et il avait présenté sa candidature dans la circonscription No 12, où j’habitais. Il m’avait demandé de lui donner un coup de main. Ce que j’ai fait. Par la suite, je ne me suis pas engagé en politique car j’avais des responsabilités professionnelles au niveau de l’ICAC. Ensuite, Vasant Bunwaree m’a demandé lui aussi de lui donner un coup de main dans la circonscription. J’ai accepté et cela m’a amené à prendre conscience de l’état d’abandon dans lequel se trouvaient Mahébourg et les régions avoisinantes. Mahébourg est un village extraordinaire, où il y a de la joie de vivre. C’est un endroit où il n’y a pas d’hindous, de chrétiens, de musulmans… Tout le monde vit comme des frères et sœurs. Malheureusement, il n’y a jamais eu de vrai développement dans la région. Il y avait beaucoup de chômage, la drogue avait proliféré… Il n’y avait pas grand-chose non plus comme loisirs. C’est ce qui m’a amené à m’engager en politique. J’ai obtenu mon investiture pour les élections de 2014 et j’ai été élu. J’ai été reconduit en 2019. Mon premier mandat m’a permis de connaître les rouages parlementaires, les questions parlementaires… J’avais développé un intérêt pour l’agriculture et la pêche. J’ai appris le métier avec mes collègues parlementaires et j’ai eu l’occasion de lire. Et pour mon deuxième mandat, j’ai élargi mes champs d’activité.

Comment comparez-vous l’actuelle législature à la précédente ?
C’est malheureux pour le pays quand on voit les gens descendre dans les rues pour manifester. Quelque part, la manière dont le Parlement est présidé a contribué à cette colère du peuple. Le temple de la démocratie parlementaire est dirigé d’une telle façon que nous, députés élus par le peuple, ne pouvons faire notre travail démocratiquement. C’est malheureux. Tous les Speakers ayant présidé les travaux parlementaires dans le passé, et même Maya Hanoomanjee, ont tout le temps respecté les Standing Orders. Mais j’ai l’impression que l’actuel Speaker a pour seule mission et seul objectif de protéger Pravind Jugnauth. C’est une perversion de la démocratie. Ce qui explique la motion de censure présentée par le leader de l’opposition contre lui.

En tant que jeune parlementaire, sentez-vous de la motivation pour encourager les jeunes à s’engager en politique ?
Il y a un intérêt. Mais il est dommage que les jeunes montrent parfois un désintéressement à la chose politique. Cependant, il est de leur devoir de s’engager. Sinon, le changement ne viendra pas. Au niveau du PTr, le parti s’est rajeuni naturellement. Sans nous flatter, les nouveaux députés travaillistes, par leurs prises de position et leurs discours au Parlement, ainsi que les valeurs qu’ils défendent, font la fierté de notre parti. Avec cette équipe de jeunes, menée par un leader de l’opposition, qui fait montre de sagesse et d’expérience, et soutenue par les anciens parlementaires et un leader compétent, il est évident que l’avenir est assuré.

Que pensez-vous du leadership de Navin Ramgoolam ?
On peut dire ce qu’on veut à son sujet, mais il a été un des Premiers ministres les plus compétents que le pays ait connu. Il a respecté les institutions et la démocratie a prévalu durant ses mandats. Je suis convaincu que le PTr est prêt à assurer l’alternance du gouvernement actuel.

Pensez-vous que l’électorat acceptera le PTr comme alternance avec Navin Ramgoolam comme leader ?
Comme je vous le dis, il y aura malheureusement une politique, déclenchée depuis 2014 par l’actuel gouvernement, pour diaboliser et ternir l’image du leader du PTr. Mais cela ne fonctionnera pas cette fois, car il a démontré sa capacité comme chef d’État tant en matière de politique intérieure qu’en politique étrangère. Il n’y a pas de comparaison entre Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth.

Pensez-vous que l’électorat a commis une erreur dans la circonscription No 10 ?
Comme vous le savez, nous considérons que les élections ont été manipulées et nous avons déposé des pétitions électorales à la Cour suprême. Nous attendons, en dépit des “delaying tactics” utilisées par les députés de la majorité qui sont impliqués, et nous espérons que justice soit rendue. Il y a eu le problème de “money politics”. Je n’ai jamais vu autant d’argent injecté dans une campagne électorale. On a utilisé l’argent des courses. De plus, il y a eu une campagne délibérément communale en instrumentalisant des « montres communalistes » connus pendant la campagne pour influencer certaines sections de la population. Aujourd’hui, beaucoup regrettent les résultats. Je le répète : le PTr est prêt à se rendre seul ou avec ses alliés aux élections générales. Nous verrons sur quoi débouchera l’entente de l’opposition avec le MMM et le PMSD. Cette collaboration marche très bien et affiche une unité au niveau de l’opposition pour contrecarrer le gouvernement. Il y aura des élections municipales à un moment ou à un autre. Nous irons ensemble et nous verrons ensuite comment cela se présentera.

Une alliance électorale entre les trois partis est-elle envisagée ?
Si nous sommes d’accord avec les conditions, je souhaite que ce soit le cas.

Pensez-vous que les élections municipales seront un test ?
Assurément.

Vous voyez-vous comme leader du PTr un jour ?
Je n’ai pas d’ambition à ce niveau. Ce qui est important, avec ce qui se passe dans le pays, et pour le bien de la population et de l’unité nationale, c’est que le PTr revienne au pouvoir le plus vite possible. Plus vite le MSM « lev so pake ale » et mieux ce sera pour le pays.

Pensez-vous que dans les circonstances économiques actuelles, des élections générales doivent être envisagées ?
Le pays est divisé. Il a des atteintes à la démocratie. Il y a un problème de gouvernance au niveau des affaires du pays. L’accident du Wakashio, qui a provoqué un désastre environnemental et affecté l’environnement marin, est un des exemples probants. Il y a également l’ampleur qu’a prise la corruption avec les “emergency procurement” durant le confinement lié à la COVID-19. Il y a la situation de la MBC, qui est une boîte à propagande. L’indépendance des institutions, dont la Banque de Maurice, est mise en cause avec les nominés politiques et la dilapidation de nos réserves. L’endettement public a dépassé les Rs 400 milliards, soit plus de 80% du PIB. Il y a la prolifération de drogue. Le cardinal Piat l’a dénoncé avec raison à Sainte-Croix. Je suis d’ailleurs surpris d’entendre le Premier ministre dire que les frontières sont fermées, mais que « ladrog pe rantre ». À qui la faute ? Le rapport Lam Shang Leen dit clairement qu’il y a un problème avec nos frontières. Et après tout ce temps, il vient dire qu’il ne peut implémenter des recommandations de la commission, qui a coûté des millions de roupies. On plaisante avec l’avenir de nos jeunes.

En tant que député de la circonscription de Mahébourg/Plaine-Magnien, comment avez-vous vécu le naufrage du Wakashio ?
Mahébourg est un village côtier que dépend largement de son lagon. Il y a les pêcheurs, les skippers, les plaisanciers, les établissements hôteliers, les chauffeurs de taxi affectés à ces hôtels, les marchands de légumes et les éleveurs qui fournissent les hôteliers, les poseurs de casiers… Tout ce joli monde se retrouve dans une situation économique difficile. Les acteurs économiques obtiennent une allocation du gouvernement, mais cela ne leur suffit pas. Quand la situation retournera-t-elle à la normale ? Combien de temps le gouvernement pourra-t-il soutenir ceux qui sont affectés ? Beaucoup pensent que cette situation est le résultat de l’incompétence du gouvernement qui n’a pas su gérer le naufrage du MV Wakashio. J’espère que les attributions du tribunal d’enquête tiennent en considération les responsabilités des autorités, dont celles du PMO, des ministres de l’Environnement et de l’Économie bleue, et de ceux responsables de la gestion de tous les équipements qui étaient en panne, etc.

Quelles leçons peuvent être tirées des manifestations organisées à Port-Louis et à Mahébourg ces dernières semaines ?
Lorsque j’ai vu la foule présente à Port-Louis, j’ai adressé une mise en garde à ceux qui voulaient donner une coloration identitaire et communale à ces manifestations. J’étais présent aussi bien à Port-Louis qu’à Mahébourg, et je peux témoigner que les foules étaient composées de Mauriciens de toutes les communautés et, surtout, de ceux qui se sentent étouffés par ce gouvernement, dont les employés d’Air Mauritius, ceux qui militent pour la liberté d’expression, ceux qui militent pour la protection de l’environnement, des chômeurs ayant perdu leur emploi… Tous étaient unis pour exprimer leur frustration et leur colère par la manière dont le pays est géré par ce gouvernement. Un point c’est tout. Il n’y avait rien de communal.

J’ai écouté les manifestants et j’ai pris note de leurs revendications. Ils demandent un changement de système politique, de système social et économique… Le débat est lancé sur le changement du système politique. Est-ce que nous continuerons avec ce système représentatif ou faut-il le remplacer par un système plus participatif ? Peut-on continuer avec un gouvernement qui, une fois élu, peut faire ce que bon lui semble pendant cinq ans sans être redevable à la population ? Ne faudrait-il pas un système participatif en amendant la Constitution afin d’introduire le droit de référendums sur des décisions importantes, et pour donner au peuple le pouvoir de sanctionner les ministres et députés qui ne font pas leur travail d’après les attentes de la population ? Il faut également revoir les recrutements aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Il faut que cessent les discriminations. Un Mauricien qui postule pour un poste doit être choisi sur la base du mérite, et pas sur la base de la couleur de sa peau, sur ses affiliations familiales, sa communauté ou son engagement politique. Il nous faut également un changement de système social à travers une refonte de l’État providence. Le Welfare State doit bénéficier aux plus méritants.

Les critères appliqués dans le cadre de la politique de logement social doivent aussi être revus. Il ne faut pas qu’une personne dont le nom est sur la liste d’attente depuis des années ne soit pas éligible à l’obtention d’une maison NHDC. Il nous faut également revoir le système économique, avec la concentration des richesses du pays entre les mains d’un groupe de personnes. Il faut une démocratisation et un partage de la richesse. Chaque Mauricien doit pouvoir bénéficier de la richesse créée par le pays. Il faut une refonte du système en entier.

Quid du Parlement ?
Je suis d’avis que les Standing Orders doivent être revus. Il n’est pas possible qu’en 2020, l’agenda parlementaire du mardi comprenne les interpellations parlementaires, quelques heures pour débattre les lois importantes pour le pays et, tard dans la nuit, qu’il y ait des Private Members Motions, comme celle présentée contre le Speaker. Est-ce cela la démocratie ? En Angleterre, la House of Commons siège tous les jours. Pour qu’une démocratie fonctionne, il faut que son Parlement fonctionne démocratiquement. Il faut aussi introduire une loi sur le financement des partis politiques, qui est à la source de la corruption. Je ne suis pas en faveur du financement des partis par le secteur privé. Les contributions doivent venir des membres des partis politiques et la différence doit venir des fonds publics dans la transparence.

La foule a demandé la démission du Premier ministre ? Qu’en pensez-vous ?
Le Premier ministre est venu à la télévision dire qu’il a pris connaissance des manifestations, ce qui démontre, selon lui, que la démocratie fonctionne dans le pays. Mais qui il est ? La loi du pays prévoit que la population peut descendre dans les rues légalement. Ce n’est pas un privilège gouvernemental. En fait, les gens s’attendaient à ce que le Premier ministre vienne dire qu’il a entendu leurs revendications et les demandes de la foule, et qu’il envisage de les implémenter. S’il ne peut pas le faire, qu’il parte.

La foule a aussi demandé le départ de Navin Ramgoolam ?
Navin Ramgoolam était à mes côtés et je n’ai pas entendu cela.

L’opposition doit également en tirer des leçons, ne croyez-vous pas ?
Les revendications s’appliquent à tous les politiciens. Elles concernent le gouvernement actuel et les gouvernements futurs.

Pourra-t-on mettre fin aux dynasties politiques ?
Les dynasties politiques ont leurs bons et leurs mauvais côtés. Si la personne qui se présente comme Premier ministre vient d’une famille qui a déjà fait de la politique, qu’il a une expérience et a vécu dans cet environnement familier à la gestion du pays, cela constitue une dimension positive. Mais on peut dire qu’il y a aussi des compétences en dehors des dynasties politiques et ces personnes doivent avoir leurs chances. C’est également un argument acceptable. En fait, rien n’empêche ces personnes de présenter leur candidature au sein de leur parti ou à travers leur propre parti.

Le pays est entré en récession. Appréhendez-vous l’avenir ?
Même sans la COVID, la situation économique du pays aurait été difficile. Vous n’avez qu’à voir le niveau de l’endettement. Tous les piliers économiques sont dans le rouge. Tous nos partenaires économiques sont en récession. Même avec la réouverture des frontières, il est peu probable que le pays retourne à la normale de sitôt. Je suis triste pour le pays et l’année prochaine sera encore plus difficile.

Pourquoi faut-il rappeler le Parlement ?
Cette année est particulière. Le pays est secoué par plusieurs crises sociales, économiques et environnementales. Il faut que le peuple, à travers leurs députés, puisse poser des questions au gouvernement, de sorte que le gouvernement soit redevable à la population. Le leader de l’opposition a tout à fait raison de demander le rappel du Parlement.

Propos recueillis par Jean Marc Poché

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