Robert Langer : « Il faut faire de la science et de la technologie une priorité pour les jeunes »

Professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), Robert Langer est une figure incontournable dans la recherche biomédicale et biotech. Il est l’un des 12 professeurs de cette institution et est considéré comme un pionnier dans les nouvelles technologies. Cofondateur de la société Moderna, il se trouve sur la liste des milliardaires de Forbes. Mais se voir dans ce classement ne change en rien ce scientifique américain. Son but, dit-il, n’a jamais été la recherche de la célébrité ou de l’argent, mais plutôt d’apporter une différence dans la vie des gens. Grâce au vaccin Moderna, des millions de vies ont pu être sauvées contre le Covid-19.

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Dans son laboratoire situé au cœur du MIT, il dirige une équipe de professionnels qui continuent leurs recherches sur des maladies telles que le cancer, le VIH ou le Zika. Âgé de 73 ans, il a fondé plusieurs compagnies nano/biotech. L’auteur de plusieurs recherches détient de nombreux brevets. Il est aussi récipiendaire de plus de 200 prix. Robert Langer était l’invité du Center for Biomedical and Biomaterials Research de l’université de Maurice pour soutenir les efforts de ce centre pour une nano/biotechnologie durable dans la région africaine. Il est question d’un transfert de technologies et éventuellementde la création de la première spin-off.

 

Comme tout autre pays, Maurice a été sévèrement touchée par la pandémie de Covid-19, qui a affecté notre économie mixte en développement. Pensez-vous qu’en tant que petite île, nous pouvons bénéficier rapidement du développement des vaccins, compte tenu du coût élevé de la recherche et de l’innovation dans le secteur pharmaceutique ?
Je souhaite que vous en tiriez profit. Mais je pense que le Center for Biomedical and Biomaterials Research de l’université de Maurice se penche sérieusement sur la question d’aide à la création des entreprises de biotechnologie à Maurice. Le centre cherche à définir la meilleure façon de le faire. C’est une étape importante et l’île Maurice en tirera clairement à l’avenir.

La société Moderna, que vous avez cofondée, a connu une croissance exponentielle à la suite de la pandémie de Covid-19. Au bout de combien de temps avez-vous réalisé le potentiel de l’entreprise ?
Je me souviens avoir confié à ma femme, au moment de la création de Moderna en 2010, que je pensais qu’elle serait la société de biotechnologie la plus prospère de tous les temps. Il me semblait que l’ARN messager (ARNm), en tant que thérapeutique, avait un énorme potentiel et que si nous pouvions résoudre des problèmes techniques comme la livraison de l’ARNm, cela pourrait être révolutionnaire.

Quelles ont été les difficultés auxquelles vous avez été confronté lorsque vous avez dit vouloir délivrer des acides nucléiques à l’organisme par le biais de minuscules particules ?
Tout cela remonte au début et au milieu des années 1970. J’essayais de placer des acides nucléiques et d’autres macromolécules à l’intérieur de minuscules particules. Les scientifiques plus anciens nous disaient que c’était impossible. La difficulté résidait dans le fait que l’on pensait que ces molécules étaient trop grosses pour traverser les parois de ces particules et trop fragiles pour résister à l’exposition aux solvants organiques nécessaires pour permettre de placer les molécules à l’intérieur des particules. J’ai probablement échoué les 200 premières fois que j’ai essayé, mais nous avons finalement réussi.

Le Covid-19 a-t-il incité les entreprises pharmaceutiques à réaliser davantage d’essais cliniques sur des vaccins destinés à traiter d’autres types de maladies ?
Absolument. Moderna participe à plus de 20 essais cliniques pour différentes maladies, dont le cancer et les maladies cardiaques. Et BioNTech, Pfizer, Curevac, Sanofi et d’autres sont également dans de nombreux essais cliniques.

Comment inspirer et encourager les étudiants à persévérer dans les sciences et l’ingénierie dans un pays aux ressources limitées ?
Je pense qu’il existe un certain nombre de moyens. D’abord, je pense qu’il est essentiel de faire de la science et de la technologie une priorité pour les jeunes du pays. Le financement de l’éducation et de la technologie permettant aux élèves, dès leur plus jeune âge, d’être enthousiasmés par la science sera, je crois, très bénéfique à long terme.

De même, faire tout ce qui est en votre pouvoir pour aider les universités mauriciennes est vraiment important. Il s’agit, par exemple, de financer le développement de programmes d’études, la recherche, les programmes de séminaires et le transfert des technologies. J’ai été très impressionné par les questions que les gens de l’île Maurice m’ont posées pendant ma conférence. Je pense également que des subventions, même modestes, pour permettre à vos citoyens de créer des entreprises, pourraient être utiles.

Comment votre activité à l’hôpital pédiatrique de Boston a-t-elle changé votre vie ? Quelles sont les leçons que vous pouvez partager avec les passionnés mauriciens ?
J’étais le seul ingénieur à faire de la recherche à l’hôpital. Et je pense que je voyais les choses d’un point de vue différent de celui des cliniciens et des biologistes. Par exemple, j’étais curieux de savoir comment les matériaux se retrouvaient dans les dispositifs médicaux. Les médecins se servaient de gaines de femmes pour développer un cœur artificiel et de rembourrage de matelas pour fabriquer des implants mammaires. Je me suis demandé pourquoi nous ne pouvions pas concevoir et synthétiser des matériaux à partir des premiers principes. Et cela a permis de mettre au point de nombreuses nouvelles thérapies contre le cancer et d’autres maladies.

Pouvez-vous décrire ce sentiment d’avoir pu sauver des millions de personnes de la pandémie de Covid-19 grâce au vaccin Moderna ?
Jamais, je n’oublierai avoir assisté à une réunion du conseil d’administration de Moderna en novembre 2020, au moment où le code a été brisé pour le dernier essai clinique qui permettrait d’obtenir une autorisation d’utilisation d’urgence pour le vaccin. Sur les 15 000 personnes vaccinées, pas un seul patient n’est mort, pas un seul patient n’est même allé à l’hôpital et le vaccin était efficace à 94-95%. C’était un honneur et un plaisir de voir une chose à laquelle j’ai participé avoir une telle efficacité.

Vous êtes un éminent scientifique américain et vous figurez également sur la liste des milliardaires de Forbes. Beaucoup de gens auraient apprécié la vie de célébrité. Au lieu de cela, vous recherchez des choses qui pourraient faire une différence dans la vie des gens. Comment faites-vous pour garder ce profil altruiste et humble ?
Je ne me considère pas comme riche. Tout est sur le papier et je n’ai pas vendu une seule action. Toute ma vie, j’ai choisi les emplois qui me semblaient avoir le plus d’impact en termes de soutien aux gens, même s’ils étaient souvent les moins bien payés.
Par exemple, après avoir obtenu mon doctorat en génie chimique au MIT, j’ai reçu 20 offres d’emploi bien rémunérées dans des compagnies pétrolières, mais j’ai choisi de faire des recherches postdoctorales à l’hôpital pour enfants de Boston et à la faculté de médecine de Harvard, parce que j’estimais que cela me donnerait l’occasion de contribuer à la recherche sur le cancer. J’aime également enseigner et travailler avec les étudiants. Pour moi, être professeur d’université est le meilleur métier du monde.

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