Section 30 : pratiquement impossible de faire partir la présidente…

 KRIS VALAYDON

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La Section 30 de la Constitution a été évoquée pour faire partir la présidente. Mais les choses ne sont pas si simples… 

1) La Section permet la mise sur pied d’un tribunal qui dira si la présidente a commis un “serious act of misconduct”. Mais qui va déterminer en quoi consiste un “serious act of misconduct” ? Est-ce que l’utilisation de la carte Platinum par la présidente constitue un “serious act of misconduct” ? Le Premier ministre, celui qui va présenter la motion, exprimera son opinion de ce qu’il considère comme un “serious act of misconduct”, mais ce ne sera qu’une opinion, celle d’une des parties dans l’affaire. Ça ne peut être au tribunal non plus de déterminer en quoi consiste le “serious act of misconduct”.  Le tribunal n’est pas habilité à interpréter la Constitution. Donc, il va falloir se tourner vers la Cour suprême. Et cela prendra le temps qu’il faut, ne serait-ce que pour interpréter la tâche du tribunal… Et comme ça, il y aura plein de points de droit, puisqu’il s’agit de l’interprétation de la Constitution, provoquant d’incessants allers-retours tribunal-Cour suprême. (Il faut préciser que même si l’on met un “sitting judge” de la Cour suprême, et même si tous les membres du tribunal sont des “sitting judges”, le tribunal ne devient pas pour autant la Cour suprême !)

2) Il s’agit d’un tribunal, et l’on doit se demander si sa décision est finale, et s’il n’existe pas de droit d’appel à la Cour suprême et éventuellement au Privy Council. Même si la Constitution dit que les recommandations sont transmises au parlement pour la révocation de la présidente, serait-il possible que la décision d’une instance non judiciaire, de première instance, soit sans appel, alors que le droit d’appel est un droit fondamental ? Si le législateur avait voulu que la décision soit finale, il l’aurait écrit, par exemple, dans la Section 37(6) de la Constitution, où il est écrit : 37 (6) « A determination by the Supreme Court in proceedings under this section shall not be subject to an appeal. » C’est donc une affaire qui va durer des années : du moins, on n’en verra pas le dénouement avant l’expiration du mandat de Mme Gurib-Fakim. Donc impossibilité pratique de faire partir la présidente. C’est un problème politique qui ne peut se régler par le droit !

3) L’institution d’un tribunal permet à Mme Gurib-Fakim de rester présidente. Elle ne perd aucun privilège prévu dans la Constitution. Elle peut être suspendue de ses fonctions, le temps que dure le tribunal, mais encore là, les choses ne sont pas aussi simples. Bien que la Section dit que le parlement PEUT suspendre la présidente, mais ne dit pas comment procéder. « Sub Section (5) Where the Assembly supports a motion under subsection (3)(c), it may suspend the President or the Vice-President from performing the functions of his office. » Mais la motion sous la sous-section 3(c) n’est valable que pour l’institution du tribunal et non pour suspendre la présidente. Peut-on présumer que c’est par voie de motion, comme dans la pratique parlementaire (Standing Orders) ? Non, je ne le pense pas, car ici il s’agit d’un cas spécifique, la destitution de la présidente, pour lequel la Constitution a prévu des dispositions spéciales. Les Standing Orders ne peuvent remplacer la Constitution. Alors, je m’aventure à dire que puisque la manière de suspendre la présidente n’est pas précisée dans la Constitution, il faut se rabattre sur l’interprétation qu’en donne la Cour suprême. Ce recours à la Cour suprême est prévu par la Constitution dans d’autres cas, par exemple, la Section 64(5) (c) : « Upon the hearing of a motion under paragraph (b), the Supreme Court shall determine whether or not the President has acted in accordance with… »

4) Et il y a l’ambiguïté de la Section 30 (3) : « The President or the Vice-President shall not be removed from office for any other cause. » Que veut dire ce « other cause » ? On est donc parti pour de longs débats d’interprétation… Donc, à mon avis, pratiquement impossible de faire partir la présidente dans les circonstances actuelles. C’est un problème politique que le droit n’arrivera pas à régler !

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