Seki zot pena…

Les événements récents impliquant deux politiciens et des madam ont révélé, une fois de plus et une fois de trop, ce qui anime ces gens qui sont « à la tête » de notre pays et qui veulent donner le ton et montrer de quoi ils sont capables.
Ce que nous disons révèle ce que nous pensons et ce que nous sommes. Qu’ont dit ces « messieurs » ? Ils n’ont pas accepté que des madam les challengent ! Selon eux, les madam doivent se taire et ne pas exprimer leur opinion publiquement, surtout quand cette opinion critique leur manière de faire. On ne doit pas manifester de désaccord avec eux. 
Le caractère parfaitement odieux de ces épisodes n’est pas nouveau. Les hommes politiques mauriciens s’expriment dans un « langage » qui ne peut même pas être qualifié de langage. Ce sont de pures expressions d’une violence brute. Il semble qu’ils n’ont jamais appris à parler vraiment à d’autres êtres humains. Le respect de l’autre n’est pas une de leurs valeurs. Le respect de l’opinion de l’autre ne fait pas partie de leur éthique. En fait, ils n’ont pas d’éthique du tout.
Qu’est-ce que l’éthique et quel est son fondement ? Toute société, où les humains veulent vivre ensemble, se donne des règles « de bonne conduite » pour que la vie de tous soit digne et agréable. Au fondement de ces règles se trouvent des valeurs : respect de l’autre, justice, bonté, responsabilité, compréhension, solidarité, etc.
Beaucoup d’hommes politiques n’ont pas d’éthique. Ils pensent à la politique uniquement en termes de pouvoir et d’intérêt particulier. Ils n’ont aucune considération pour l’autre et utilisent les plateformes publiques pour déblatérer. C’est vrai que beaucoup de réunions et de meetings de travail peuvent dégénérer en spectacles narcissiques où ils se mettent en scène et veulent qu’on les applaudisse. Au fond, ils veulent que nous soyons des « infans », ceux qui ne parlent pas. 
En réalité, parce qu’ils n’ont pas d’éthique, ce sont nos hommes politiques qui sont des « infans ». Ils ne savent pas parler. Parler, c’est s’adresser à un autre être humain en le reconnaissant comme une personne, qui jouit de ces fameux droits qu’ils défendront dans les instances internationales et qui s’appellent justement « les droits humains ». Le premier de ces droits est le droit au respect. Nos hommes politiques ne parlent pas parce qu’ils ne considèrent pas les autres – et spécialement les femmes – comme des personnes. Ils peuvent se permettre de les ridiculiser, de les mépriser, de les animaliser. Ce faisant, ils jettent le masque et nous révèlent ce qu’ils portent au fond d’eux : le machisme, la violence, la bêtise, le narcissisme. Ce ne sont pas celles et ceux qu’ils attaquent qui sont dépourvus de dignité mais eux-mêmes.
Si l’éthique exige de moi d’apprendre à respecter les règles du « vivre ensemble », elle exige aussi de moi que je me construise pour devenir humain. Nous les humains, nous ne sommes pas tout fait ;  nous avons à « devenir humains », à nous humaniser. Le premier signe de notre humanisation, c’est le contrôle de notre violence et la gestion de nos émotions. Et cela se manifeste dans notre manière de parler et de nous comporter. Jusqu’à présent, le discours politique mauricien n’a pas évolué d’un iota, demeure grossièrement violent et manipule les émotions. 
Quelle devrait être la première tâche de nos hommes politiques ? Apprendre à gérer leur violence et développer ce qu’on appelle aujourd’hui « l’intelligence émotionnelle ». Parce que celle-ci fait partie d’une des compétences majeures qu’un humain et – encore plus, une personne qui a une responsabilité publique –  doit développer pour vivre avec ses semblables : l’intelligence relationnelle, l’intelligence sociale. Se sa ki zot pena…
Que dire des autres politiciens ? Leur réaction est timide, mitigée, pour ne pas dire inexistante. On rigole, on minimise, on tempère cette énorme violence publique. S’ils approuvent ce comportement et ce langage publics, ils avouent cautionner toutes les formes de violence. Et nous savons que c’est un des maux les plus flagrants dans notre pays : l’expression brute de la violence en paroles et en actes, qui indique clairement qu’on n’a pas appris à développer notre intelligence émotionnelle et relationnelle. Tous les jours dans ce pays, on tue, on viole, on frappe, on insulte, on dénigre. On transgresse les règles, on se met au-dessus des lois. On s’autorise à laisser s’exprimer la violence dans beaucoup de circonstances ordinaires de la vie. 
Il est temps d’apprendre à parler…

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