Services financiers : Inquiétudes et appréhensions avec le nouveau protocole Maurice/Inde

Levée de boucliers contre le nouveau préambule, la clause du Principal Purpose Test et l’élimination de l’option de Grandfathering (droits acquis)

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Le ministre Bholah prend l’engagement d’approcher New Delhi pour des éclaircissements sur les zones grise préjudiciables à Maurice

La table ronde de Mauritius Finance organisée vendredi sur les « Implications du nouveau Protocole sur l’avenir du traité fiscal Maurice-Inde » a été l’occasion pour les opérateurs du secteur des services financiers de faire état de leurs appréhensions et inquiétudes sur les implications de ces nouvelles dispositions. Tenant en ligne de compte les arguments mis en avant et les risques potentiels à ce pilier de l’économie, et surtout la demande pour une renégociation de ce traité fiscal, le ministre des Services financiers, Sunil Bholah, présent lors de ces échanges, a pris l’engagement de solliciter les autorités indiennes pour obtenir des éclaircissements sur les zones grises identifiées dans le nouvel accord fiscal proposé.

Les échanges étaient animés par Me Johanne Hague, fondatrice des Prism Chambers. Les panélistes comprenaient Samade Jhummun – Chief Executive Officer de Mauritius Finance; Akshar Maherally – Managing Director de WTS Tax Consulting; Rubina Toorawa – Country Head de l’APEX Group; Wasoudeo Balloo – chef du départment fiscal et juridique chez KPMG Mauritius; et Prabal Chakrabortty – Country Head Global Payment Solutions chez HSBC Mauritius.

Le nouveau protocole, signé par Maurice et l’Inde en mars dernier introduit des changements clés, notamment le remplacement de l’ancien préambule et une disposition anti-abus connue sous le nom de Principal Purpose Test (PPT). Ces amendements ont été apportés pour répondre aux préoccupations liées à l’évasion fiscale et assurer l’alignement aux normes fiscales internationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS).

Tout en ne niant pas le caractère inévitable des normes minimales de BEPS et de l’OCDE, les opérateurs du secteur des services financiers soutiennent avec force que le nouveau protocole suscite de nombreuses interrogations au sein de l’industrie des services financiers. Samade Jhummun fait ainsi comprendre que le non-alignement de Maurice aurait donné lieu à l’inclusion de Maurice sur une liste de pays non conformes.

« Toutefois, après la fuite du texte du protocole, les investisseurs et les opérateurs ont vite paniqué, car la certitude fiscale a été retirée. Il est impératif de rectifier la situation ou de renégocier le protocole. Nous devons dissiper toutes les incertitudes dès que possible avant la ratification de ce nouveau protocole », prévient Samade Jhummun.

Les opérateurs du secteur financier s’attendent à des clarifications sur l’élimination du Grandfathering, une disposition transitoire accordée dans le sillage de la révision du traité de non-double imposition (DTAA) en 2016. « En décidant de renégocier de manière bilatérale et non par le biais du Multilateral Convention (MLI) de l’OCDE signé par Maurice en 2017, nous espérions obtenir une certitude concernant les Grandfathering Investments. L’article sur la rétroactivité laisse planer le doute sur la mise en application du PPT. Les agents fiscaux indiens pourront-ils rouvrir les évaluations compte tenu que la prescription en Inde remonte à dix ans ? » se demande pour sa part Wasoudeo Balloo, de KPMG Mauritius.

Les experts des services financiers s’interrogent ainsi sur les obstacles que le PPT imposera sur les Grandfathering Investments. Akshar Maherally est d’avis que ces investissements devront passer par quelques étapes supplémentaires avant d’obtenir l’exonération de la Capital Gains Tax, contrairement au protocole de 2016, lorsque les droits fiscaux étaient accordés sans conditions. Par contre, Prabal Chakrabortty estime que le nouveau protocole ne fait que formaliser le processus existant. « Même sous les provisions de l’ancien protocole, le fisc indien a réclamé des explications avant l’octroi des bénéfices, et dans la plupart des cas, les demandeurs ont obtenu gain de cause », dit-il.

Parallèlement, le remplacement de l’ancien préambule soulève de multiples questions. Pour Rubina Toorawa, la juridiction mauricienne s’apprête à perdre une disposition clé de l’ancien préambule, qui était le facteur prédominant durant 32 ans, ce qui était consacré dans le traité comme « une coopération mutuelle pour la promotion du commerce et de l’investissement entre Maurice et l’Inde ». Se basant sur les protocoles similaires mis en œuvre par d’autres juridictions via le MLI, tous s’accordent à réclamer des directives plus claires afin de rassurer les investisseurs, mais surtout pour maintenir l’avantage concurrentiel de Maurice.

Suite à l’alignement de toutes les juridictions sur les normes de l’OCDE, Maurice doit exploiter ses avantages concurrentiels restants, comme sa position stratégique entre l’Asie et le continent africain. En attendant les clarifications des autorités, l’industrie des services financiers retient son souffle et se tient à l’engagement pris par le ministre Sunil Bholah lors de son intervention.

« Sous le nouveau protocole, l’avenir de la disposition de Grandfathering demeure incertain. Le protocole ne sera pas mis en œuvre tant qu’il n’aura pas été ratifié par nos deux pays. Le gouvernement demandera des clarifications auprès de l’Inde. Il est essentiel d’aborder ce processus avec optimisme », rassure le ministre.

 

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