SMYRNE, LA CITÉ DES MENSONGES

Hubert JOLY

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Président du Conseil international de la langue française, Paris

 

Sous ce titre, les éditions GINKGO et l’historien Alexandre Massé nous présentent les tribulations d’un consul français à Smyrne, Pierre David, qui a traversé les années cruciales de la libération de la Grèce 1821-1822, marquées notamment par les massacres de Chios (Scio), le célèbre tableau de Delacroix et les vers de Victor Hugo :

« Ami, dit l’enfant grec,

dit l’enfant aux yeux bleus,

je veux de la poudre et des balles. »

Il y a fort à parier aujourd’hui que la plupart des enfants français ne verront dans le mot de « Smyrne » que des raisins secs sans pépins et dans le nom de notre rue de Navarin qu’une innocente préparation culinaire à base d’agneau mijoté.

Pourtant, ce qu’évoque l’ouvrage historique d’Alexandre Massé, ce sont les soubresauts désespérés de « l’homme malade » de l’Orient, un empire ottoman qui fut puissant depuis la conquête de Constantinople en 1453 jusqu’à sa propre chute en 1923.

Dans une chronologie qui commence en 1819, l’auteur nous raconte avec force précisions historiques le combat mené par notre Pierre David pour établir des instants de paix entre les Grecs soulevés dans le Péloponnèse puis dans les iles et les Turcs acharnés à les réprimer.

Comment un homme seul, privé d’instructions claires du ministère et de moyens suffisants a-t-il pu sauver des milliers de réfugiés qui assiégeaient son consulat, naviguer au milieu des embuches et des mensonges des autorités ottomanes, résister aux petits complots mesquins des autres consuls, de ses compatriotes et même des employés du consulat, c’est presque un mystère ? D’autant que notre héros a lui-même accumulé erreurs et malchances et qu’il finira sa carrière oubliée par le Ministère des Affaires étrangères mais finalement lavé du soupçon de prévarication dont il avait été accusé, à tort, semble-t-il.

Ce qui plait dans ce livre, c’est l’atmosphère de l’époque restituée avec talent par l’auteur, accompagnée d’un grand nombre d’illustrations intéressantes dont la mise en page est étroitement liée au texte.

De ce qui fut la seconde cité de l’empire ottoman, parée de toutes les apparences enchanteresses d’un orient rêvé, les évènements de 1821-1822 feront le théâtre de massacres impitoyables et le nœud de toutes les intrigues les plus minables, du côté grec aussi bien que du côté des Turcs, des consuls étrangers ou des compatriotes mêmes de notre consul. Le tableau est aussi accablant que réjouissant car il offre sur une scène méditerranéenne ensoleillée un tableau fascinant de la médiocrité humaine. Le pauvre consul qui espérait un séjour de délices à son arrivée à Smyrne n’en aura ramené que les…pépins ! Il aura même croisé l’immonde Hudson Lowe, le sinistre geôlier de Napoléon, alors en partance pour Ceylan. On ne peut pas tomber plus bas.

Sic transit gloria mundi.

 

Smyrne, La cité des mensonges, Ed. Gingko, Collection Mémoire d’homme, 263 p.

Broché, ISBN : 978-2846795319

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