Société – La douce et belle revanche du cheveu crépu

JEAN CLEMENT CANGY

Longtemps méprisé, le cheveu crépu, après avoir fait les beaux jours de la coiffure afro dans les années 70-80, – souvenez-vous de la belle coiffure afro d’Angela Davis, militante des droits des Noirs et de nombre d’afro-descendants ailleurs et ici, – prend ces jours-ci des formes et des allures toujours chics, mais plus rebelles, plus innovatrices. Et c’est la femme, comme d’habitude, qui prend les initiatives, toujours surprenantes en termes de coiffure afro.

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Cette belle saison de la coiffure afro fait-elle pour autant reculer, battre en retraite le racisme anti-noir. On aurait espéré, souhaité que ce soit le cas. Mais ce racisme-là est toujours là, toujours aussi pernicieux, virulent. Comme les discriminations sur la base de ses origines, de sa coiffure crépue ou rasta. Rappelez-vous ce jeune Mauricien licencié à Washington pour port de tresses rasta.

Nous pouvons raisonnablement nous demander combien de citoyens ne sont-ils pas discriminés à l’embauche et dans les lieux publics pour ‘délit’ de cheveu crépu trop conquérant, pour délit de faciès.

Aux États-Unis, la discrimination pour cheveu crépu a été déclarée illégale. Mais cela ne veut nullement dire qu’elle n’existe pas. Les Noirs sont toujours considérés comme des suspects potentiels par la police. Cette attitude, ce comportement provoquent parfois des victimes. D’où le mouvement « Black lives matter » après le décès de plusieurs jeunes Noirs tués par la police. Le racisme est devenu plus sournois mais devient éruptif en certaines occasions avec des comportements violents sur la base du faciès. Voyez ce qui se passe sur les stades de football en Europe où des joueurs noirs sont vilipendés, insultés de façon récurrente. En France, des entreprises sont attaquées pour discrimination alléguée à l’embauche à cause des cheveux crépus du demandeur d’emploi. Le cheveu crépu, la coiffure rasta, un faciès particulier, la couleur noire ne s’insèrent pas toujours dans les canons traditionnels de la beauté.

Angela Davis, militante des droits des Noirs
et de nombre d’afro-descendants

Quoi qu’on en dise, le racisme fait toujours des vagues et des victimes. Voyez certains discours de mépris empreints de stéréotypes et faits de stigmatisations sur les réseaux sociaux et en petits comités à Maurice. Et qui ne peut susciter que des inquiétudes non seulement chez nous mais aussi à l’international notamment auprès des organisations dont nous faisons partie.

« Deep-rooted discrimination »

Sociétal, le racisme s’est institutionnalisé et est devenu étatique. Ce que nous feignons de ne pas voir. Et que dénonce le Comité des Nations unies sur la discrimination raciale. Qu’a dit entre autres ce Comité des Nations unies ? « Les Créoles y compris ceux vivant à Rodrigues et Agalega subissent de facto de la discrimination dans tous les aspects de la vie et sont désavantagés dans la jouissance des droits humains. (…) Ils ont un accès limité à l’emploi, aux soins de santé, à l’éducation. » Le Comité des Nations unies parle de « deep-rooted discrimination ». Ainsi donc la posture d’un mauricianisme idéalisé (mais sans ancrage dans le réel, dans le vécu de certains citoyens) confère, voire procure, sans doute une zone de confort mais qui risque, si nous n’y prenons garde, de nous faire passer à côté des brimades, des humiliations, des injustices dont sont l’objet des citoyens de ce pays à cause de leurs origines, de leurs cheveux crépus, rastas ou encore de la couleur de leur peau. Bien sûr le mauricianisme reste un but à atteindre et nous devons tout mettre en œuvre pour que toutes les couleurs de l’arc-en-ciel mauricien brillent avec la même intensité dans toutes les sphères de notre société…

Voix puissante afro-américaine et universelle contre le racisme, James Baldwin, poète, essayiste, romancier,  a été une importante figure de la littérature américaine. Croisé à nouveau grâce au film de Raoul Peck, cinéaste haïtien : « I am not your negro », qui revisite les luttes sociales et politiques des Afro-Américains au cours des années passées à travers les écrits et discours de James Baldwin.

Le poète, essayiste et romancier
James Baldwin, voix puissante
afro-américaine et universelle
contre le racisme

James Baldwin est né en 1924 à Harlem, quartier pauvre de New-York. L’esclavage a été aboli en 1865 mais la situation des Noirs n’a guère évolué depuis alors que le Sud des États-Unis connaît la ségrégation entre Blancs et Noirs dans toutes les sphères de la société, à l’école, en termes de logement et de soins de santé, dans les transports publics. C’est l’apartheid à l’américaine et ceux qui veulent contester le système sont lynchés, 3 256 entre 1865 et 1930. La situation des Noirs le bouleverse, profondément écœuré par ce qu’ils endurent et les préjugés véhiculés. Son essai, « La prochaine fois le feu », est considéré « comme l’un des plus brillants sur la protestation des Noirs ». Il déclare notamment : « Je ne suis pas sous la tutelle des États-Unis. Je suis un des premiers Américains à être arrivés sur ces rives. Nous avons connu un passé de corde, de feu, de torture, de castration, d’infanticide, de viol, de mort, d’humiliation ; de peur jour et nuit… »

Reynolds Michel écrit à propos de James Baldwin :

« Baldwin invite l’Amérique blanche à changer, à cesser de se considérer comme une nation blanche, à faire place à tout le monde et à s’enrichir de toutes ses composantes, en particulier celle qu’elle a tenté tout le temps d’exclure, et en proposant un modèle de société fraternelle. »

James Baldwin a notamment écrit: « Go tell it on the mountain »;”The Amen corner”; “Notes of a native son”; et “Giovanni’s room”.

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