SOCIÉTÉ : Le Petit Chaperon Rouge…

Les temps passent mais ne cessent de se ressembler… Jamais les moralisateurs des siècles derniers n’ont eu autant de résonance qu’en ces temps troublés par des comportements humains qui sont les nôtres aujourd’hui. Monsieur de la Fontaine doit nous observer, goguenard de son perchoir en pensant à son loup et son malheureux agneau victime de sa naïveté et qui ne pesa pas lourd vis-à-vis de la brutalité du plus fort. Des deux prototypes ce sont ceux du loup qui courent le plus les rues aujourd’hui, dévorant un agneau, ici et là, tant leur arrogance a grandi depuis le dix-huitième siècle… Des grenouilles voulant être aussi grosses que le boeuf grouillent dans le marigot politique et le monde des affaires, faisant de la « gonflette » à qui mieux mieux, jouant des coudes pour que leurs têtes dépassent du cloaque et qu’elles soient enfin mises au pinacle de la réussite de l’argent-roi. Ayant obtenu du boeuf non seulement la taille mais aussi les cornes elles seront finalement, comme dans la fable, les cocus de l’affaire… N’oublions pas non plus le corbeau et son compère renard qui illustrent à merveille les aller-retour en politique justifiés par les déclarations les unes plus creuses que les autres, les jérémiades sans queues ni têtes, les élucubrations folkloriques qui font que le fromage du corbeau passe de gueule en gueule pour être finalement mangé sur le dos du bon électeur…
Mais c’est au Petit Chaperon Rouge que j’accorderai ces jours-ci la palme de la référence à nos turpitudes… La communication étant ce qu’elle était à l’époque, les conteurs donnèrent une version approximative de son histoire. Aujourd’hui on sait avec plus ou moins de certitude comment tout cela s’est passé… Une gentille petite fille habitait un village perdu dans la montagne et faisait l’admiration de tout le monde et particulièrement de sa maman et de sa grand-mère. Une vie tranquille et sans histoire dans un village sans histoire habité par des gens sans histoire… jusqu’au jour où on lui demanda d’aller apporter à sa grand-mère, malade, et qui habitait de l’autre côté de la forêt des belles et bonnes galettes… Munie de sa cape rouge, de son panier et de son tam-tam portable elle se lança sur les sentiers de la grande forêt pleine d’embûches et de mystères. D’embûches et de mystères mais aussi de nouveautés. Des relais où on lavait les charrettes, des tavernes où l’on servait des pots de lait, du pain et de la confiture, des échoppes où l’on vendait des sabots, des capes et des bonnets… Elle jugea alors que les galettes étaient d’un autre temps et que le nettoyage des charrettes, la vente des capes et des bonnets ainsi que le service de lait et de confiture étaient de loin beaucoup plus rentables car ayant beaucoup plus de valeur ajoutée et ne payant pas les lourdes taxes villageoises… De plus, elle avait remarqué que des charrettes collectives s’arrêtaient pour faire le plein en denrées de toutes sortes et que cet approvisionnement était rémunéré en pièces d’argent sonnantes et trébuchantes…
Elle décida alors de jeter son panier et ses galettes sur le bord de la route pour passer à autre chose… C’est alors que, contrairement à l’histoire officielle, notre petite fille rencontra une bande de jeunes loups qui cherchaient aventure dans la même forêt… Et que croyez-vous qu’elle fit ? Au lieu de prendre ses jambes à son cou elle leur proposa de faire cause commune et à l’aide de son tam-tam portable prévint sa grand-mère que pour des raisons indépendantes de sa volonté elle ne pourrait venir lui livrer ses galettes et sa confiture… C’est ainsi que le petit chaperon rouge ne revint jamais dans son village natal…

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