Soyons raisonnables !

Alors que l’année s’apprête à tirer sa révérence, d’aucuns espèrent que 2020 amorcera un changement radical en matière de politique environnementale avec, en ligne de mire, des mesures enfin en phase avec la position visant à maintenir les élévations de températures sous les 1,5 à 2°C, et sur lesquelles le monde s’est officiellement engagé il y a quelques années déjà. Du moins par écrit car, dans les faits, 2019 aura été marquée dans un grand nombre de pays signataires par des émissions de gaz à effet de serre encore plus conséquentes que l’année précédente. Autant dire que nous avons du pain sur la planche si nous voulons réellement inverser la tendance.

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Cette responsabilité, du moins le croyons-nous, en revient avant tout à nos décideurs. Notre inertie collective, et donc principalement citoyenne, ne peut donc, toujours selon nous, en aucun cas être pointée du doigt, ne faisant en effet que suivre une politique dictée par nos élus du jour. Ce constat de notre état d’esprit n’est d’ailleurs pas une simple hypothèse, en atteste une récente étude entreprise par l’Ipsos, et commanditée par l’entreprise Électricité de France, ayant pour objet de présenter un état des lieux des perceptions de l’opinion publique en termes de dérèglement climatique. Les auteurs de l’étude mettent ainsi d’abord en relief deux tristes réalités, à savoir d’une part que bon nombre d’entre nous, dans le monde entier, doutent encore des causes du réchauffement et, d’autre part, qu’une bonne partie des autres – et donc pour qui cette question ne peut être contestée, car appuyée par des analyses scientifiques – estime qu’il revient aux gouvernements d’apporter les mesures qui s’imposent.

Cette étude est intéressante à plus d’un titre, car elle met également en évidence quelques fausses croyances populaires. Ainsi, en premier lieu, l’on peut noter qu’en termes de préoccupations environnementales, les personnes interrogées ont estimé les questions de pollution de l’air et de gestion des déchets plus importantes que celle du changement climatique. Ensuite, le document – inédit faut-il le préciser – identifie le secteur du transport comme étant le principal responsable de la situation actuelle. Alors oui, bien sûr, notre manière de voyager (voitures, avions, etc.) aura bien grandement influencé le climat depuis plusieurs décennies déjà. Mais c’est oublier la production d’électricité, dont nous sommes de nos jours devenus si dépendants qu’un simple black-out de quelques heures peut mettre à lui seul en péril quasiment n’importe quel gouvernement du monde. Or, il faut savoir que notre production électrique mondiale est responsable à elle seule de l’émission d’un quart des gaz à effet de serre se trouvant dans l’atmosphère. Dénotant donc ainsi un manque évident d’informations du public sur la question.

Le plus déroutant dans cette étude reste cependant notre dédouanement collectif face à cette question cruciale. Pas moins de sept personnes interrogées sur 10 estiment en effet que cette responsabilité de lutter contre le réchauffement revient en premier aux gouvernements. Une perception un peu facile, certes, mais que l’on peut comprendre, sans y adhérer bien sûr pour autant. Car ce faisant, nous oublions plusieurs importants facteurs de l’équation, à commencer par le fait que nos décideurs n’ont que des intérêts (politiques) immédiats, n’ayant en l’occurrence qu’un plan ne durant généralement que le temps d’un mandat. Ensuite parce que ceux qui décident, justement, ne décident en réalité pas tant que cela, leurs actions étant en effet le plus souvent dictées par les entreprises, locales mais surtout internationales, et dont les intérêts, cette fois, sont purement économiques. Logique, sachant cela, que les mesures environnementales soient si longues à adopter.

Dès lors, ce changement de paradigme sociétal que nous prônons depuis tant de semaines dans ces mêmes colonnes ne concerne principalement que les citoyens, ceux-là même qui seront sur la ligne de front lorsque la planète nous aura déclaré la guerre. Aussi, dans la conjoncture, seul un élan mondial, pacifique cela s’entend, sera apte à faire plier ceux dont les urgences ne sont visiblement pas les mêmes que les nôtres.

Michel Jourdan

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