St-Louis Saga : la partie émergée de l’iceberg

Dr DIPLAL MAROAM

Il ne faut pas se leurrer. Tous les cas et scandales de corruption rapportés par les médias et les lanceurs d’alerte, que ce soit au niveau local ou mondial, ne représentent, selon des experts, que la partie émergée de l’iceberg. Même le FMI reconnaît la gravité de la situation et tire souvent la sonnette d’alarme. Pour se donner bonne conscience, mais aussi pour satisfaire les exigences de Bretton Woods, des institutions anti-corruption sont mises sur pied, des lois sont votées et promulguées mais, au final, le phénomène continue toujours à fleurir et s’épanouir. Telle une hydre qui repousse à chaque fois qu’un de ses tentacules est amputé.

- Publicité -

Alors que Maurice se trouve déjà sur la liste grise (watchlist) du Groupe d’action financière (GAFI), document qui sert de base par l’UE pour l’élaboration de sa liste noire (blacklist), la St-Louis Saga, affaire qui remémore étrangement celle du ténébreux Boskalis dans le port, tombe comme un cheveu sur la soupe, ternissant davantage la réputation de notre centre financier sur le plan régional et international. Mais il convient toutefois de constater que même bien avant notre classement sur la liste noire de l’UE, que notre pays était perçu comme un paradis fiscal n’était qu’un secret de polichinelle et la demande de renégociation, voire même de renoncement, des traités fiscaux par l’Inde, le Sénégal et tout récemment la Zambie n’est pas le fruit du hasard.

Les affaires d’Alvaro Sobrihno, qui avait pourtant été défendu bec et ongles par l’ex-DPM qui l’avait regardé droit dans les yeux, et le PM lui-même au Parlement en 2018 lors des interpellations de J.C. Bastos de Morais, entre autres, n’ont fait qu’ajouter l’insulte à l’injure. Ainsi, la quête coûte que coûte de Foreign Direct Investment (FDI) a eu pour effet que nous fermons trop souvent les yeux sur la provenance des fonds qui viennent remplir nos caisses. Et quand des Management Companies dans le secteur du Global Business n’assument pas leurs rôles comme il se doit, l’on ne peut si aisément se dédouaner en transposant le blâme sur l’UE pour « ne pas nous avoir consultés avant l’établissement de la liste noire ». Or, pour actionner le couperet, l’UE n’est pas tenue à aviser au préalable les États concernés, car il incombe uniquement à ces derniers d’évaluer leur système de surveillance, de relever les carences stratégiques en matière de lutte contre le blanchiment de fonds et le financement du terrorisme et d’assurer la fiabilité financière de leurs juridictions respectives. Une loi présentée à l’Assemblée nationale en ce sens constitue une mesure certes importante et salutaire mais insuffisante aussi longtemps que la volonté de son application n’est pas manifeste. Et il est évident que si cette volonté-là existait vraiment dans tous les cas, la situation sociale, économique ou encore de law and order, etc, dans notre pays ne serait certainement pas celle qu’elle est aujourd’hui.

Le véritable drame que vit actuellement notre société, c’est qu’elle possède tout le potentiel pour réussir mais la politique de l’autruche ou celle consistant à pousser la poussière sous le tapis ou encore à transférer le blâme à autrui selon la formule notoire de « pa mwa sa, li sa », nous colle trop souvent à la peau. La démarche d’un DPM, de surcroît un SC, dont la responsabilité primordiale consiste à « enlighten the Court » mais qui choisit d’éclipser totalement un délit de corruption alléguée qui aurait été commis sous son mandat en tant que ministre de tutelle pour braquer le projecteur uniquement sur la période précédant son arrivée aux affaires ne permet pas de faire la lumière sur cette troublante saga et mérite, par conséquent, d’être sanctionnée. Heureusement que l’Executive Summary du rapport rédigé par la BAD a remis les pendules à l’heure et que le PM a pris promptement la décision qu’exigent les circonstances, c’est-à-dire, la révocation illico presto du DPM.

Finalement, il convient de constater que le cancer du système politique actuel, c’est bien la corruption. Ce système fait même provision pour la dissimulation des fonds obscurs siphonnés des comptes publics dans des paradis fiscaux qui constituent un gigantesque trou noir dans l’univers financier et le firmament de l’économie mondiale. Aux grands maux donc, les grands remèdes.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour