TAUX D’INTÉRÊT: Pas d’unanimité sur le statu quo

C’est par un vote majoritaire – le procès-verbal de la réunion sera rendu public le lundi 8 octobre – que le comité de politique monétaire de la Banque de Maurice a décidé de garder le taux d’intérêt directeur (Key Repo Rate) inchangé à 4,9 % à sa réunion d’hier. Dans le secteur privé, on se dit déçu de la décision du Monetary Policy Committee (MPC) car on est d’avis qu’il fallait baisser le taux directeur pour booster le moral des entrepreneurs.
La BoM explique dans un communiqué émis à l’issue de la réunion du MPC que différents scénarios alternatifs concernant le taux d’intérêt ont été analysés. Certains membres se sont prononcés pour un assouplissement de la politique monétaire et une réduction de taux en raison des perspectives incertaines quant à la croissance économique. Mais, souligne le communiqué, la majorité des membres du comité ont préconisé une approche prudente au niveau de la politique monétaire vu les incertitudes entourant l’économie globale, les retombées néfastes continues du taux d’intérêt réel (taux d’intérêt à l’épargne moins le taux d’inflation) sur l’épargne et la hausse de l’endettement des entreprises.
Le MPC a constaté que depuis sa dernière réunion en juin 2012 le ralentissement de l’économie globale s’est confirmé davantage, cela dans un contexte marqué par le prolongement de la crise de la dette dans la zone euro. Les perspectives de croissance aux États-Unis sont toujours modérées alors que la zone euro, le Royaume-Uni et les économies émergentes, la situation s’est détériorée encore plus.
Les membres du MPC sont d’avis qu’en dépit des mesures de soutien annoncées récemment par la Banque centrale européenne et la Réserve fédérale américaine, les risques de prolongement d’une croissance des plus faibles dans les principaux marchés d’exportation de Maurice sont de mise. Entretemps, souligne la BoM, les pressions inflationnistes au plan global ont refait surface, une hausse des prix des produits alimentaires et énergétiques étant anticipée.
« The domestic economy has continued to hold up well to the prolonged crisis although the pace of economic activity has been affected by the escalating external headwinds », écrit la BoM. Elle remarque que les risques de ralentissement économique à Maurice identifiés lors de la réunion de juin dernier se sont largement concrétisés. Le taux de croissance pour 2012 est désormais estimé à 3,3 % au lieu de 3,8 % comme fixé initialement. « Considerable uncertainty remains with regard to the domestic economic outlook », fait ressortir la BoM.
Mais les autorités bancaires se préoccupent également des perspectives de remontée de l’inflation domestique, cela dans le sillage d’un éventuel renchérissement des prix des produits alimentaires et pétroliers. L’assouplissement des politiques des principales banques centrales étrangères pourrait également exercer des pressions à la hausse des prix des matières premières. À Maurice, les autorités bancaires craignent que certains facteurs ne poussent l’inflation dans une direction ascendante. Elles font surtout allusion à la dépréciation récente de la roupie, à l’augmentation des salaires dans la Fonction publique avec la publication du rapport du Pay Research Bureau, à la possible répercussion du rapport du PRB sur les salaires dans le secteur privé et à un ajustement prévisible des prix des produits pétroliers à la pompe. Suivant les tendances actuelles, le taux d’inflation en glissement annuel (year-on-year inflation ou le taux d’inflation pour un mois donné comparé au taux d’inflation pour le mois correspondant de l’année précédente) pourrait, selon la BoM, demeurer à un niveau élevé.
« Ramener la roupie à sa vraie valeur »
Invité à réagir à la décision du MPC, Vincent d’Arifat, président de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM), a exprimé sa déception de voir le taux directeur être maintenu à son niveau actuel alors que nombre d’opérateurs avaient souhaité une baisse pour donner un coup de pouce à l’investissement surtout dans une conjoncture économique aussi difficile. « Nous savons que la roupie est surévaluée. On avance un taux variant entre 10 % et 12 %. Pour nous, il est primordial de ramener la roupie à sa vraie valeur. Ce que les opérateurs économiques cherchent, c’est un feel-good factor. La valeur de la roupie doit être juste. Il y a, certes, plusieurs leviers sur lesquels on peut jouer pour qu’elle retrouve sa juste valeur. Ce qu’il nous faut c’est une vision à long terme », a-t-il déclaré.
De son côté, Mahmood Cheeroo, économiste et secrétaire général de la MCCI, a déclaré que le MPC avait une certaine marge de manoeuvre pour baisser le taux directeur de 25 points de base au moins, cela afin de donner un coup de pouce aux opérateurs économiques. Cependant, il ne veut nullement se mettre en opposition à l’argumentation du comité de politique monétaire de la Banque de Maurice pour expliquer son choix du statu quo. Il avance que, dans une conjoncture économique aussi contraignante que celle à laquelle les opérateurs économiques doivent faire face actuellement, la prévisibilité reste un facteur essentiel.
Le secrétaire général de la MCCI se demande s’il ne serait pas possible que les autorités bancaires fixent un taux directeur plafond pour les 12 ou 18 prochains mois tout en donnant l’assurance qu’elles feront tous les efforts nécessaires pour rester en dessous de ce plafond pendant la période fixée. Cette question, a laissé entendre Mahmood Cheeroo, serait évoquée dans le mémorandum budgétaire que la MCCI présentera bientôt.
Également interrogé par Le Mauricien, un observateur de l’économie mauricienne dit comprendre la décision de la BoM. « Ce n’est pas facile dans la présente conjoncture. Le MPC a probablement pris en compte l’effet d’une éventuelle baisse de taux sur le niveau de l’épargne nationale qui est déjà très bas à 14 %. Ce n’est pas une réduction de 25 ou 50 points de base qui réduira considérablement le haut niveau d’endettement des entreprises. Les entreprises surendettées doivent faire l’effort de se recapitaliser afin d’alléger leur fardeau. Les compagnies exportatrices, pour leur part, doivent faire plus d’efforts pour trouver des marchés niches au cas où leurs marchés traditionnels sont touchés », indique notre interlocuteur.

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