THÉÂTRE : Le communalisme, ce tue-l’amour

La Mauritius Drama League a conclu la première partie du festival de théâtre 2013 proposé par Immedia mardi soir au Théâtre Serge Constantin, avec Pou enn pwanié boner, ou l’histoire de Pamela et Kevinn qui défendent leur amour contre l’intolérable intolérance de leurs parents. Une pièce honnête avec deux nouveaux venus sur les planches, dont le texte de Bhishmadev Seebaluck, qui apporte une belle réflexion sur les méfaits du communalisme, ce tue-l’amour.
Kevinn et Pamela s’aiment et veulent se marier mais pour cela, ils devront combattre le veto absolu de leurs parents. Ils trouvent refuge chez Ton Kris, incarné par Anon Panyandee, le metteur en scène de la pièce. Toute l’action se déroule chez ce dernier au moment de Noël dans son living room où un sapin décoré domine un portrait de Bob Marley et quelques meubles modestes. Ton Kris commence seul sur scène, par un monologue triste et nostalgique en souvenir de Natacha, la femme qu’il a aimée dans sa jeunesse, envers et contre la famille, et qui est morte en couches. Sa jeunesse a été marquée par la pauvreté et le malheur.
Kevinn et Pamela arrivent et découvrent à leur grand étonnement cet amour secret, toujours vif dans le coeur du vieil homme. À quelques décennies près, ces jeunes gens vivent eux aussi un amour impossible à cause de l’intolérance et du racisme. Mais le dénouement et les arguments développés dans cette pièce laissent poindre un espoir, si ténu soit-il. Ces premiers échanges imprégnés de tristesse et de lamentations vont être soudain interrompus par l’arrivée de la mère de Kevinn « ki zame pou aksepte enn belfi malbar dan so lakaz ». En femme de caractère, elle campe sur ses positions en haussant la voix malgré les paroles sages de Ton Kris qui lui fait remarquer que la religion ne devrait pas devenir une barrière, malgré aussi les arguments de son fils qui entre autres lui rappellent au passage qu’on n’est guère pratiquant dans la famille.
Lorsque le jeune couple se retrouve seul, deux approches différentes se dessinent. Pamela apparaît particulièrement déterminée à se marier au plus vite sans l’accord des parents auquel elle ne croit pas tandis que Kevinn espère encore infléchir les adversaires. Ils rêvent de leur mariage sur un ton doux presque doucereux, jusqu’à ce qu’on frappe à la porte avec violence. Le père de Pamela, un homme corpulent, surgit sur scène avec deux gros bras venus chercher Kevinn pour le corriger. Le dialogue qui s’en suivra entre la fille et son père sera relativement enlevé faisant un véritable réquisitoire contre les préjugés et tout ce que cette famille impose à sa fille, l’ayant par exemple retiré de l’école parce qu’elle aimait Kevinn. La jeune femme a le sens de la répartie et développe ses arguments avec force et conviction stigmatisant le double langage de son père qui anime un mouvement anticommunal d’un côté et fait le contraire dans sa vie familiale.
Tout l’intérêt de cette pièce réside dans la qualité de son écriture et des enchaînements qu’elle amène. Le thème du communalisme y est décortiqué dans des dialogues crédibles en eux-mêmes, mais qui auraient davantage convaincu et touché s’ils avaient été dit sur un ton moins monotone, voire parfois moins plaintif, de la part des deux jeunes acteurs. L’intrigue nous enseigne que face au racisme, les demi-mesures sont inefficaces. L’intermède dansé que Jason Louis présente entre les deux parties nous rappelle ses prestations sous la houlette de Jean-Renat Anamah. Dommage qu’il soit parfois sorti du faisceau de lumière rasante. Il est frappant de constater que cette danse ondulatoire se termine en rampant, en sortie de scène illustrant ainsi ce à quoi le communalisme nous réduit. Les face-à-face entre les jeunes tourtereaux et leurs parents font parfois penser à certaines pièces légères dans le jeu d’acteur, ce qui explique peut-être pourquoi des rires ont fusé dans des moments pourtant graves.

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