Thomas Bordese (Electropicales) : « Nous créons un réseau dans l’OI pour que nos artistes collaborent »

Aux côtés d’acteurs majeurs du monde artistique de l’île, le Réunionnais est intervenu lors des Talk Series by Attitude tenus à la House of Digital Art, à Port-Louis. Le créateur et directeur du festival annuel de musiques électroniques de l'île soeur, qui fête cette année ses 15 ans, a accepté d’accorder un rapide entretien avec Le-Mauricien. De : Joël Achille.

Pendant que la salle de discussions se vide, Thomas Bordese évoque ses souhaits de coopération accrue parmi les îles du bassin indocéanique, aux allures de « continent plutôt grand avec un archipel d’îles ».

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Que sont les Electropicales ?

Les Electropicales sont un festival de musiques électroniques, mais pas que. Nous retenons également de l’art digital, du rap, du Sound System Reggae… Le festival existe depuis 15 ans à l’île de La-Réunion.

Quel sont les objectifs de cet événement annuel ?

Le but initial était de disposer d’une scène pour nos artistes locaux. Il y a une magnifique production de musiques électroniques chez nous (La-Réunion), tout comme à Maurice. Nous avons créé ce festival pour que nos artistes puissent disposer d’une scène d’exposition une fois durant l’année, avec des médias extérieurs, et se confronter à des artistes de l’étranger.

Les Electropicales leur permettent également de se s’accoutumer à un niveau technique et une grosse scène, de comprendre ce qu’est une fiche technique et une bio, entre autres. Ils aiguisent ainsi leur capacité pour pouvoir se produire à l’extérieur.

Comment les groupes Mauriciens peuvent-ils se présenter aux Electropicales ?

Nous les y invitons. Il y a une grosse scène à Maurice avec qui nous collaborons beaucoup. Etonnamment et paradoxalement, c’est une scène particulièrement dynamique, mais qui a très peu de visibilité. Toutefois, elle s’exporte plutôt bien.

Nous étions avec des Mauriciens aux Pays-Bas en 2018. Nous avons déjà invité l’artiste Menwar à une résidence, de même que Babani Soundsystem, Logeshen (Moorgan) et son projet Fourmï Rouz, et d’autres encore. Il faut qu’il y ait des passerelles entre nos deux régions, mais également avec Mayotte, Madagascar et l’Afrique du Sud.

Pourquoi est-ce important de disposer d’un réseau de festivals dans l’océan Indien, comme vous l’évoquiez plus tôt ?

Nous pouvons difficilement faire venir des artistes de l’extérieur. Le coût du déplacement est des plus onéreux. Il y a une grosse scène européenne qui s’intéresse à ce qui se passe en Afrique et dans l’océan Indien, notamment en ce qu’il s’agit de nos musiques.

De par mon expérience et les rencontres que j’ai eues, ce projet me semble intéressant. Nous l’avons déjà initié avec cinq festivals, dont La Isla à Maurice, Kayamba à Mayotte, Cape Town Electronic Music Festival en Afrique du Sud et Electropicales à La-Réunion.

Nous créons un réseau dans l’océan Indien pour que nos artistes collaborent sur des projets de résidences et de restitutions. Ces artistes ne tourneraient plus sur un seul festival, mais sur quatre ou cinq, pour lesquels ils auraient déjà des dates.

Au niveau de la communication, nous souhaitons dire que nous ne raisonnons plus en tant qu’île, mais en tant que continent, un continent océan Indien. C’est vertueux, mais c’est juste de la communication. Car dans l’imaginaire des gens, nous serons perçus comme un continent plutôt grand avec un archipel d’îles.

Quels sont les défis que vous rencontrez avec les Electropicales, que vous qualifiez de « festival de niche »?

Nous en discutions avec mes amis mauriciens, malgaches et mahorais. C’est l’éloignement notre principal problème. Pour y remédier, il faut absolument que nous travaillons sur une circulation d’artistes pour pallier aux coûts de fret et de transport. Nous n’avons pas tous le même niveau de vie dans l’océan Indien… c’est très déséquilibré.

Je pourrais peut-être me payer un artiste, mais un organisateur mauricien ne pourra en faire autant. Tout comme un festival mahorais ne pourrait retenir un artiste mauricien.

Ce réseau sert à faire des économies d’échelle et à exercer ensemble plutôt que contre. Je crois beaucoup en la stimulation des événements, qu’ils soient dans différentes régions. Tout comme je crois beaucoup en la coopération entre les régions de l’océan Indien.

Comment s’annonce l’avenir de l’électronique dans l’océan Indien ?

Il est plutôt radieux, mais il faut encore travailler malgré les nombreuses qualités. Ce n’est pas pour rien qu’un label de musique français comme InFiné, sur lequel il y a des artistes comme Jeff Miles (un précurseur de la musique techno de Détroit), s’est intéressé à ce qui se passe dans l’océan Indien.

Nous avons produit un album de musiques électroniques qui s’appelle Digital Kabar (de l’électro maloya de La-Réunion) avec une rétrospective depuis les années 80′.
A Maurice, Babani Soundsystem a fait de sublimes compilations. Je crois beaucoup en un Digital Kabar 2, mais plus axé vers l’océan Indien, parce qu’il y a une vraie demande et un véritable intérêt.

Toutefois, l’éloignement est un frein. Envoyer nos artistes en métropole, sur le réseau européen, a un prix. Cela coûte très cher pour un festival européen de se payer un artiste mauricien ou réunionnais, avec le billet d’avion, le transport, l’hébergement… Nous rencontrons les mêmes difficultés, ce problème Nord-Sud.


Pour les 15 ans en octobre

Les Electropicales se tiendront cette année du 13 au 15 octobre au Barachois à St-Denis, La-Réunion. Le festival annuel présentera une quarantaine de groupes, dont une vingtaine de formations de La-Réunion.

Des événements gratuits seront organisés à la faculté de Moufiah, sur les berges de la rivière de Saint-Denis et dans les quartiers des Camélias. Entre 5 000 et 6 000 festivaliers sont attendus durant trois nuits au Barachois.

Une surprise gratuite est également annoncée pour le jour de clôture, en vue de remercier le public pour ses 15 années de soutien.

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