Tigre et Lapin. Opposition et complémentarité dans le zodiaque chinois.

2022, Année du Tigre.

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Figure emblématique représentant la force et la férocité, félin dépeint dans de nombreux tableaux, figurant dans des œuvres littéraires dont Shere Khan du Livre de la jungle de Rudyard Kipling, signe de l’horoscope chinois, le tigre est également très présent dans la mythologie hindoue, servant de monture à Durga. 

Après l’année du bœuf de métal de nature Yin, année de labeur nécessitant esprit méthodique, discipline, incitation à redoubler d’ardeur pour survivre, voici l’année du tigre d’eau, de nature Yang : Fougue, Détermination et Energie. Solaire.

Pendant quelques jours – Nouvel An chinois oblige – par curiosité, par besoin de se rassurer, pour s’amuser à conjurer le sort, l’horoscope sera consulté avec plus ou moins de bonheur, signe par signe, pour soi, pour ses proches.

Mais que sait-on de l’établissement de ces signes ? 

Il est dit que face aux remarques condescendantes par des diplomates européens sur les animaux de l’horoscope chinois, quant à leur choix et l’ordre de leur apparition (sans logique apparente), Zhou en Lai, ancien Premier ministre de la République de Chine a fourni, avec la grande élégance et courtoisie qu’on lui connaît, des éléments d’explication. Peut-être anecdotique, cette leçon des choses est intéressante car elle donne à l’horoscope à travers l’opposition et la complémentarité des animaux, une saveur propre à tous les phénomènes de la vie et du cosmos.

Le cycle du zodiaque chinois :  des signes par paires

Les douze signes, selon la sagesse chinoise, vont par paires à l’intérieur d’un cycle de douze ans. Les espoirs et les souhaits, tout comme les conseils explicites ou implicites qu’ils donnent concernent non seulement la présente génération mais également celles qui la suivent pour une transformation. Comme dans le livre du Yi Jing, « Livre des mutations » (1), cette idée de changement/mutation donnera lieu aux principes Yin et Yang, qui alternent et se transforment l’un en l’autre, formant les deux facettes à l’origine de l’univers.

La première paire est composée du rat et du bœuf (buffle). Le rat représente l’esprit astucieux et le bœuf, la diligence. Être astucieux mais sans diligence conduit à des actes imbéciles, ridicules sans aucune portée. De même, être diligent sans réflexion astucieuse est folie.  

La deuxième paire est le tigre et le lapin. Le tigre représente le courage, l’ardeur tandis que le lapin la prudence. Sans cette dernière, le courage est vaine témérité. De même, sans le courage, la prudence devient lâcheté.

La troisième est le dragon et le serpent. Ils représentent la force, l’autorité, l’entrain, l’ambition pour le dragon, calme, intimité, flexibilité pour le serpent. La force sans la flexibilité est vouée à l’échec. Sans la force, la flexibilité ne donne aucun sens à l’action.

La paire suivante est le cheval et la chèvre. Le cheval est plein d’enthousiasme, d’entrain et court vers le succès ; la chèvre représente la douceur, la considération pour les autres. Le cheval en poursuivant ses objectifs, sans égard pour les autres, risque de se heurter aux autres ; inversement, la chèvre en voulant toujours écouter les autres et leur faire plaisir perd son sens de direction. 

Vient ensuite la paire du singe et le coq. Le singe est facétieux, agile, curieux et le coq, plein de projets, sociable, stable, travaille dur et cherche à être admiré. Agilité et stabilité doivent se conjuguer ensemble.

La dernière paire est le chien et le cochon. Le chien représente la loyauté, la fidélité et le cochon est bon vivant, tolérant, honnête, entier. La loyauté et la fidélité sans une bonne composition peuvent conduire vers l’aveuglement. Sans la loyauté, la tolérance engendre un manque de principes et d’éthique.

Le zodiaque dans l’univers symbolique chinois

Le zodiaque chinois, notamment avec cet ensemble de paires, s’insère ainsi dans tout l’univers symbolique dont le Yi Jing en est un élément fondateur. Ensuite, le Yin et le Yang dont le symbole est bien connu dans le monde entier, apparait vers le IIIe siècle av. J.C. 

Liés à des oppositions concrètes par exemple, entre ciel couvert et ciel dégagé, ombre et lumière, le yin et le yang deviennent une mise en relation qui crée une nécessaire tension « puissance d’animation » et la transformation des êtres et des choses.

Le Huainan zi (2), un ouvrage d’inspiration taoïste, développera ensuite un modèle cosmologique partant du Dao où l’univers s’autocrée à partir du « souffle » (qi). L’actualisation de la multitude des êtres se réalise grâce à la dynamique yin-yang de deux forces complémentaires et opposées.

« Les essences du Ciel et de la Terre se propagèrent pour constituer le yin et le yang, celles du yin et du yang confluèrent pour former les quatre saisons et celles des quatre saisons se disséminèrent pour produire les dix mille êtres ». Liu An, Huainan zi.

C’est la combinaison des éléments dans les paires du zodiaque à l’instar du Yin et du Yang qui engendre la dynamique de la transformation. 

On peut ici reprendre ce que Marcel Granet (3) disait : « Au lieu de constater des successions de phénomènes, les Chinois enregistrent des alternances d’aspect. Si deux aspects leur apparaissent liés, ce n’est pas à la façon d’une cause et d’un effet : ils leur semblent appariés comme le sont l’endroit et l’envers, ou, pour utiliser une métaphore consacrée dès le temps du Hi ts’eu (Xi ci), comme l’écho et le son, ou, encore, l’ombre et la lumière ».

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1) Le Yi Jing du Ier millénaire avant l’ère chrétienne, époque de la dynastie des Zhou (1027-256 av. J.-C.) donne l’interprétation de tirages divinatoires effectués avec des tiges d’achillée. Sa symbolique (trigrammes, hexagrammes, diagrammes) a exercé une grande influence dans la culture chinoise.

2) Liu An (auteur), Charles le Blanc (dir.), Philosophes taoïstes, tome 2 : Huainan zi, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2003.

3) Granet M., La Pensée Chinoise. Paris, Albin Michel, 1968 (ère éd., 1934)

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