(Tirs croisés) Crise sanitaire et économique : Quelles répercussions sur les jeunes de milieux précaires ?

La crise sanitaire et économique affecte nombre de familles sous diverses formes. Mais quelles sont les répercussions sur ces jeunes issus de milieux déjà précaires, ces jeunes à problèmes et ces autres des institutions privées qui redoublaient leur PSAC et qui, ne s’étant pas présentés aux examens à cause de la flambée de l’épidémie, ne se voient pas accorder une deuxième chance ? Quel avenir pour ces jeunes qui sont susceptibles d’être exclus du système scolaire ?

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Edley Maurer, manager du Service d’accompagnement, de formation, d’intégration et de réhabilitation de l’enfant (Safire), observe une « escalade de problèmes sociaux dont des larcins » depuis le deuxième confinement. Il cite en exemple des vols par des jeunes de moins de 20 ans, voire par des mineurs. « C’est une réalité qui devient plus fréquente avec la crise sanitaire et la crise économique qui va avec. » S’agissant des examens de rattrapage pour les absents au PSAC et NCE, il estime que « fermer l’école à ces enfants, c’est leur ouvrir les portes de la rue ». Il rappelle que « la crise sociale est devant nous ». Il dit espérer que le Budget « prendra cela en considération et aidera des instances ayant les compétences à accompagner ces familles ». Et d’ajouter qu’il faut « travailler sur la création d’emplois dans le contexte actuel ».

Edwige Dukhie, responsable du Mouvement pour le progrès de Roche-Bois (MPRB), s’attriste que les jeunes dont s’occupe l’Ong aient été livrés à eux-mêmes durant le confinement. Si elle n’a pas constaté de délits venant des jeunes, ces derniers, confie-t-elle, « souffrent beaucoup de la pauvreté ». Elle estime qu’il y aura « beaucoup d’enfants qui seront exclus du système scolaire ». Elle appréhende, d’autre part, « des répercussions très négatives sur les enfants de milieux vulnérables ». Selon elle, « il faut que dans les institutions scolaires, on identifie les enfants qui ont des difficultés et qui nécessitent une attention particulière pour redémarrer », car « un enfant de 12 ans, 13 ans, que deviendra-t-il s’il ne va pas à l’école  » ? 

Jacques Lafitte, conseiller et formateur pour parents et enfants, fait voir que si pour les enfants normaux et les adultes, déjà, « le confinement est un problème, pour les enfants difficiles, instables, avec un certain caractère, hyperactifs, la situation est plus délicate ». Il dit constater à travers les réseaux sociaux que « la situation est invivable » dans certains “shelters”. Les « enfants qui ont un déficit émotionnel de par leur situation familiale portent en eux une violence latente », explique le formateur, ajoutant qu’ils sont bien plus perturbés que les adultes. « Ils ne comprennent pas et quand ils ne comprennent pas, ils réagissent par des comportements ».


EDLEY MAURER (Safire) : « Des vols par des jeunes, une réalité plus fréquente »

Comment ce confinement a-t-il agi sur les jeunes à problèmes vivant dans des conditions difficiles ?

D’après le constat que j’ai pu faire, il n’y a parmi ces jeunes pas de confinement dans la mesure où il n’y a pas de gestes barrières, pas de port du masque, etc. Plus on descend dans ces milieux fragilisés, plus c’est visible et alarmant. Si on est appelé à vivre avec ce virus pour assez longtemps, il y a pas mal d’éducation à faire. Idem pour les adultes qui sont dans cet environnement. Ils sont à risques. Où que je sois parti, pratiquement à travers l’île, je n’ai jamais vu un enfant avec un masque.

Peut-être n’ont-ils pas les moyens de s’en procurer ?

Effectivement, ils n’en ont pas. Ensuite, dans leur tête, ils sont entre eux, dans leur milieu et il n’y a pas de risques. Ils ne sont pas inquiets. Le fait qu’ils se sentent étriqués, ils passent le plus clair de leur temps à l’extérieur. Ils ne sont heureusement pas sur les routes royales où les policiers font des contrôles. Même si le sport en général est interdit, ils jouent au foot dans leur cité.

Ce confinement a-t-il attisé leur désir de commettre des délits ? La délinquance juvénile a-t-elle augmenté durant cette période ?

Pour ce qui est des bénéficiaires de SAFIRE, ils sont sous contrôle, car on a mis en place un programme pour eux. Nous sommes en contact avec eux. Même ceux qui ont déjà suivi un parcours avec SAFIRE, nous avons un certain contrôle sur eux. Il y a une relation qu’on a tissée et ils sont sensibilisés au respect des normes sociales telles que l’interdiction de voler, etc.

Pour certains, cela a avancé dans la bonne direction. Il y en a d’autres que nous n’arrivons, par contre, pas à toucher faute de moyens. Quand on regarde ce qui se passe de nos jours, c’est-à-dire, des vols par des jeunes de moins de 20 ans, voire par des mineurs, on constat que c’est une réalité qui devient plus fréquente avec la crise sanitaire et la crise économique qui va avec.

Quels sont ces types de délits qui sont commis ?

Il s’agit bien plus que de vols dans des champs de légumes. Dans le sud et à Grand-Baie, par exemple, je constate que ce n’est pas seulement dans des champs de légumes mais aussi dans des bungalows et dans des maisons en dépit de la présence des familles chez elles pendant le confinement. Il y a donc une escalade de problèmes sociaux dont des larcins.

Comment la situation est-elle appelée à être avec la crise économique venant empirer des conditions déjà précaires pour certains, le bouleversement du calendrier scolaire et la pandémie ayant fait que certains n’ont pas composé les examens du PSAC et du NCE. Y a-t-il des décrochages scolaires, de nouveaux délinquants ?

Je profite pour faire un plaidoyer auprès du ministère de l’Education pour que les “private candidates”, la plupart des redoublants du PSAC, puissent avoir une deuxième chance. Les priver de ces examens, c’est leur fermer les portes du collège. Ils n’auront pas accès à un collège. Il faut que le ministère prenne cela très au sérieux. SAFIRE est une Ong qui travaille avec des enfants qui sont connectés avec la rue et on est bien placé pour dire que fermer l’école à ces enfants qui n’ont pu composer leur PSAC, c’est leur ouvrir les portes de la rue. C’est un autre facteur susceptible de les extraire du système scolaire. Peu importe les conditions, il faut que le ministère se penche sur la question que ces jeunes puissent recomposer leurs examens. Peu importe le pourcentage d’enfants qui n’ont pu y prendre part. Il ne faut pas dire que ce n’est qu’un pourcentage de 5 ou 6%. Même s’il n’y avait qu’un enfant qui ne pouvait être admis dans un collège, ce ne serait pas juste. Certes, leur famille passe par des moments très difficiles.

SAFIRE essaie d’accompagner certaines familles en leur distribuant des “foodpacks” que nous recevons grâce à des firmes privées. On accompagne chaque foodpack d’un discours de sensibilisation. On explique bien aux parents que s’ils ont eu un “foodpack” d’une valeur de Rs 5 000, ils doivent apprendre à bien le gérer, car nous vivons dans un contexte très difficile. On leur conseille d’économiser leur argent pour plus tard, car la situation sera encore plus difficile vu qu’elles ne travaillent pas. Nous essayons vraiment d’éduquer les parents, de les pousser à réfléchir. On leur dit que si aujourd’hui elles reçoivent ces dons alimentaires, il faut penser comment elles feront le mois d’après.

Par ailleurs, s’agissant de l’aide que la MRA apporte à certaines personnes, si cela soulage nombre de familles, dans d’autres cas, il y a des bénéficiaires qui sont dépendants de produits addictifs comme l’alcool. L’argent n’est alors pas utilisé pour subvenir aux besoins de la famille. Donc, est-ce que la façon de pourvoir cette aide est la bonne ? Est-ce que la MRA n’aurait pas pu, par exemple, demander le soutien d’Ong pour accompagner certaines familles en vue de les aider à faire bon usage de cet argent ? Nous, quand on distribue les “foodpacks”, on insiste bien sur l’importance de veiller à ce que ces produits soient bien utilisés, car certaines risqueraient de vendre ces produits pour se droguer. Il faut un suivi. Il ne faut pas donner sans éduquer.

Quel impact ce deuxième confinement a-t-il sur les familles vulnérables ?

Déjà, ces gens sont pauvres. Même si le ministère a annoncé le contrôle des prix de certains produits de base, cela ne s’appliquera pas à tous les produits. La hausse des prix en général cause de grands dégâts au niveau du pouvoir d’achat. Pour ceux qui ne travaillent pas, comment vont-ils faire des achats ?

La crise sociale est devant nous. J’espère que le budget prendra cela en considération et aidera des instances ayant les compétences à accompagner ces familles. Il faut travailler sur la création d’emplois dans le contexte actuel. Nous consommons beaucoup de produits importés. Que pouvons-nous produire pour rendre l’alimentation abordable et créer de l’emploi ? Les experts doivent s’y pencher.


EDWIGE DUKHIE (MPRB) : « Beaucoup d’enfants seront exclus du système scolaire »

Comment ce confinement a agi sur les jeunes à problèmes et ceux vivant dans des conditions très difficiles ?

Cela a été encore plus dur cette fois. La fois dernière, ceux qui figuraient sur le registre social avaient reçu des “foodpacks” à travers le gouvernement. Tel n’a pas été le cas cette fois, ce qui fait que beaucoup ont eu des problèmes de provisions. D’autre part, ceux qui travaillent au jour le jour en temps normal n’arrivent pas à travailler et ne peuvent subvenir aux besoins de leur famille. Nos jeunes de 12-15 ans ont été livrés à eux-mêmes. Quand ils viennent au centre chez nous en temps normal, ils sont encadrés et reçoivent un repas. Ce sont des jeunes qui ont abandonné l’école depuis de nombreuses années après avoir échoué. De fait, ils étaient à la rue à ne rien faire. Nous, on les prend à partir de 12 ans pour un accompagnement social et scolaire. Ils ont alors un rythme plus régulier.

La poursuite de l’accompagnement n’a-t-elle pu se faire pendant le confinement ?

On est resté en contact avec certains par téléphone pour les écouter, mais tous n’ont pas un téléphone. Quand il y avait des “foodpacks” à distribuer, on faisait venir les parents. La semaine dernière, on a fait une encore une distribution provenant de Foodwise. On a fait une liste des plus nécessiteux pour les aider à faire face à cette situation.

Y a-t-il eu plus de cas de délinquance chez les jeunes de milieux difficiles ?

Non, pas vraiment, mais vu qu’ils ne peuvent sortir, ils sont là à ne rien faire. Ils traînent les rues. Les délits sont commis davantage par les adultes, mais beaucoup de jeunes souffrent de la pauvreté. Ils sont frustrés, tournent en rond et sont perdus. Les maisons sont petites et ils ne peuvent y rester toute une journée. C’est pourquoi ils se retrouvent dans les rues. Il n’y a pas de gestes barrières à l’extérieur.

Comment la situation est-elle appelée à être avec la crise économique venant empirer des conditions déjà précaires pour certains, le bouleversement du calendrier scolaire et la pandémie ayant fait que certains n’ont pas composé les examens du PSAC, NCE. Y a-t-il des décrochages scolaires, de nouveaux délinquants ?

Je pense qu’il y aura beaucoup d’enfants qui seront exclus du système. Ceux qui n’ont pu composer le PSAC, surtout ceux qui redoublaient, n’iront pas au collège. Il s’agit là d’un vrai problème. Ensuite, il y a le fait qu’avec la crise économique, la situation financière des ménages devient vraiment difficile. Il y a beaucoup plus d’endettements. Comment faire face aux besoins des enfants qui vont à l’école ? Il y aura, selon moi, des répercussions très négatives sur les enfants de milieux vulnérables.

Que préconisez-vous pour faire face à cette situation ?

On pensait rattraper ces trois mois de retard par rapport à l’an dernier, mais là, on se retrouve à la case départ. L’école reprend en juin sans qu’on ait terminé le troisième trimestre pour certains. Comment cela va être ? Les enfants ont besoin de plus de temps et d’encadrement pour faire face à cette situation. Mais, si on poursuit avec le programme tel quel… Il faut que dans les institutions scolaires, on identifie les enfants qui ont des difficultés et qui nécessitent une attention particulière pour redémarrer.

Il faut peut-être mettre en place un système de surveillance pour éviter que certains s’absentent et finissent par quitter l’école. S’ils sont démotivés, ils n’iront plus à l’école. Et un enfant de 12 ans, 13 ans, que deviendra-t-il s’il ne va pas à l’école ? Il n’y a pas d’avenir. Chez nous, on peut prendre 25 enfants, pas plus. Ici, on leur donne une chance de redémarrer en leur faisant suivre un stage technique à partir de 16 ans. Nous les encadrons de 12 ans à 18 ans. Mais si des jeunes n’ont pas un tel encadrement, que se passera-t-il ? Les parents ne pourront rien faire. Eux-mêmes n’ont pas les moyens.

Quel impact tout cela aura-t-il sur la société dans son ensemble ?

Il y aura encore plus de pauvres. Même les familles de la classe moyenne sont confrontées à des problèmes. Les gens qui pouvaient se débrouiller ont aujourd’hui besoin d’être aidés. Imaginez ceux qui ont l’habitude d’être aidés… Il y a aussi ceux qui travaillent au jour le jour et qui ne peuvent travailler pendant le confinement. Ils n’ont pas de revenus. Il aurait fallu penser à eux, car les enfants en souffrent. On n’y a pas pensé. On a décidé simplement de fermer le pays, mais si le papa ne travaille pas, comment faire pour avoir de l’argent ? Il aurait fallu les aider. On aide des personnes qui ont un travail, mais on n’aide pas ceux qui n’ont pas de WAP et qui souffrent le plus du confinement.

Quel travail faire avec ces jeunes une fois le confinement terminé ?

Il faut faire un recensement des jeunes qui quittent l’école tôt et réfléchir à ce qu’on peut faire pour eux. Quel encadrement peut-on leur apporter ? Est-ce qu’au niveau de l’école on peut faire quelque chose pour eux ? L’erreur serait de reprendre la vie comme si rien ne s’était passé.

Nous, au niveau du MPRB, la difficulté viendra du fait que les bonnes habitudes acquises en temps normal ont probablement été un peu oubliées. Il faudra leur réapprendre les gestes barrières, l’hygiène, etc. On n’attend que leur retour pour mieux les encadrer. De plus, au centre, on est sûr qu’ils auront au moins un repas par jour. Sinon, certains peuvent aller dormir sans manger. Il faut voir ce qu’on peut faire pour ces jeunes qui sont déjà mal partis dans la vie.


JACQUES LAFITTE (conseiller pédagogique) : « Pour les enfants difficiles, la situation est plus délicate »

Comment ce deuxième confinement a agi sur les jeunes à problèmes et ceux vivant dans des conditions très difficiles ?

Je travaille actuellement avec un foyer accueillant des jeunes très difficiles de 5-17 ans. Mais, je ne limite pas mon constat au niveau de ce foyer. Pour les enfants normaux, c’est déjà un problème. Pour les adultes de même. Nous n’arrivons pas si facilement à gérer nos émotions. Tout le monde est sous stress. Les parents veulent contrôler, les enfants le prennent mal. Les jeunes qui n’arrivent pas à maîtriser leurs émotions, ils les expriment forcément quelque part. Manquant d’activités physiques, ils ont un comportement pas tout à fait normal. Ils sont instables et erratiques. Quelques parents qui ont suivi des cours avec moi m’ont appelé avant les examens. L’atmosphère était, paraît-il, invivable, surtout chez ceux qui composaient le PSAC.

Pour moi, c’est normal, car c’est une période particulière, très instable avec le questionnement de la pertinence de la tenue de ces examens couplée à l’“unpreparedness” des enfants, notamment ceux des milieux difficiles qui n’ont pas eu un accompagnement pédagogique. Les parents se sont plaints que les jeunes se réfugient derrière leur portable. Ce qui ne m’étonne pas, car c’est la seule évasion. Ces jeux sont en quelque sorte un refuge. Le téléphone les empêche de communiquer avec la famille. Ils communiquent pour ne pas communiquer.

Quid des jeunes de milieux plus difficiles ?

Pour les enfants déjà difficiles, instables, avec un certain caractère, hyperactifs, la situation est délicate car ils sont enfermés. Il est inévitable qu’ils veuillent transgresser, d’où de grosses bagarres avec les adultes. S’agissant des enfants du foyer avec lequel je travaille, il y a tout un collectif. Ce sont de jeunes forces qui sont confinées. On a dû prendre toutes les précautions pour qu’ils n’aient pas contact avec les adultes externes. Quelques Carers à qui on rend hommage ont accepté de se sacrifier pour rester confinés avec ces enfants. Tout un plan d’activités a été élaboré, mais n’a pu être suivi à la lettre, car ces jeunes ne s’y retrouvent pas toujours. Les plus grands ne se retrouvent pas dans ces activités communes. Même si nous n’avons pas vu de comportements excessifs comme des bagarres, les Carers en ont vu un peu de toutes les couleurs.

Quelles ont été les plus grandes difficultés pour ces jeunes ?

Ils ont normalement l’habitude d’aller à la mer, à la montagne, etc., en étant accompagnés. Lorsqu’ils se retrouvent 24/7 dans le même complexe chaque jour, ces enfants qui ont un déficit émotionnel de par leur situation familiale portent en eux une violence latente. Ce sont des enfants « cassés en mille morceaux » comme aime le dire l’Ombudsperson for Children. Ils vivent dans un collectif de cinq à 18 ans et ils sont quarante à être confinés dans un seul lieu… Il y a eu quelques clans entre les 14-15 ans et les plus petits. Les plus grands ont été complètement en retrait. On joue au foot, au basket, au carrom, etc., mais combien de temps peuvent-ils ainsi tenir ? Le grand air leur manque terriblement.

Comment la situation est-elle appelée à être avec la crise économique venant empirer des conditions déjà précaires pour certains, le bouleversement du calendrier scolaire et la pandémie ayant fait que certains n’ont pas composé leur du PSAC, NCE. Ya-t-il des décrochages scolaires, de nouveaux délinquants ?

Pas vraiment. Je n’en ai pas vu personnellement. Au foyer, par exemple, on a vu de la peinture partout sur l’asphalte, dans la cour, etc. Selon les Carers, ce sont les grands qui en étaient à l’origine parce qu’on leur avait reproché d’être montés sur le toit. Quand on a parlé à ces jeunes, ils nous ont donné leurs versions. Quand une personne ne comprend pas pourquoi elle est punie ou réprimandé, elle réagit. Pour nous, ce n’est pas grave. Ces jeunes ont exprimé leur mécontentement.

Au niveau du foyer, on n’a pas vu de grosse délinquance. Mais quand je regarde sur Facebook ce qui se passe dans les autres “shelters”, je vois que la situation est invivable. La directrice du foyer avec lequel je travaille a reçu des appels d’autres foyers pour prendre des jeunes hors de contrôle. Pour l’instant, on a refusé, car on ne veut que l’équilibre qu’on a réussi à maintenir soit perturbé.

Quel travail faire avec ces jeunes une fois le confinement terminé ?

Le travail est en amont. Il y a tout un travail à faire sur ce confinement. Il faut que ces jeunes arrivent à comprendre les contraintes d’un confinement. Il y a le ressenti, oui, et c’est pourquoi il y a des réactions dans les foyers. Les responsables n’arrivent plus à maintenir le contrôle et on parle de fermer deux “shelters”. Donc, préparer le déconfinement ne se résume pas à se préparer à sortir, à faire la fête. Il s’agit de s’approprier le dossier pandémie, de faire respecter les gestes barrières. Il y a tout un travail.

Nous, nous avons déjà commencé à échanger avec les jeunes sur ce qu’ils pensent sur le déconfinement, sur un retour à la normale. Il y a une attente folle. Il s’agit donc de faire comprendre qu’on ne sera pas entre quatre murs 24/7 mais quand on sortira, ce ne sera pas comme avant. Tout cela passe par l’écoute. Si nous venons seulement leur dire ce que nous attendons d’eux sans qu’ils aient l’occasion d’exprimer leurs émotions, cela ne va jamais marcher. Il faut les impliquer. On doit donc préparer un programme avec eux, pas pour eux. Tout vient de notre inventivité.

Le mot de la fin…

Ces enfants sont bien plus perturbés que les adultes. Ils ne comprennent pas et quand ils ne comprennent pas, ils réagissent par des comportements. Le comportement est un langage qu’il faut pouvoir décoder et gérer avec le jeune qui envoie un message. Le message dit : « Je suis à bout, je suis mal à l’aise, je n’aime pas, je ne comprends pas. » Il faut le rejoindre dedans, le rassurer, le calmer et l’impliquer.

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