Tirs croisés) Education : Troisième trimestre en début d’année : comment s’adapte-t-on ?

Alors que nos jeunes reprennent d’habitude le chemin de l’école et du collège en janvier dans une ambiance assez détendue, la nouvelle année déroge à cette tradition, les invitant à appuyer sur l’accélérateur dès le départ. Et pour cause ! C’est le troisième trimestre et ils préparent les examens terminaux. Épreuve d’autant plus difficile pour ceux prenant part à des examens nationaux comme le PSAC, le NCE, le SC et le HSC. Quels sont les défis de ce nouveau calendrier scolaire mis en place à cause du retard accumulé dans le sillage du confinement et comment s’y adapte-t-on ?

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Bashir Taleb, recteur d’Islamic College et président du Front commun des managers des collèges privés, souligne que ce trimestre sera très court. « Le mois de février sera vite là sans compter que c’est un mois court et tout de suite après ce sera mars où deux semaines seront consacrées aux examens de fin d’année », vient-il souligner telle une alarme rappelant l’urgence d’un travail rigoureux tant de la part des profs que des élèves. Il faudra, ajoute-t-il, « créer ce momentum pour un travail sérieux et pour que les élèves révisent à la maison ».

Pour Preetam Mohitram, recteur du collège John Kennedy et président de l’Association des recteurs et assistants recteurs des collèges d’Etat, « il faudra être très créatif et inventif et avoir un planning extrêmement méticuleux et rigoureux ». Autrement, en un clin d’œil, le trimestre s’envolera et on n’aura rien fait, prévient-il. Il rappelle encore : « Nous n’avons que janvier et février pour un enseignement intense. Il va donc falloir jongler entre enseignement et remédiation. »

Il voit cette rentrée comme un « wake up call » pour les élèves, surtout s’ils ont mal travaillé au deuxième trimestre. « Ils devront mettre les bouchées doubles. » Autre défi chez les élèves : l’angoisse de bien faire et de gérer à la fois le temps. Néanmoins, ce n’est pas l’heure, selon lui, d’être alarmiste ou défaitiste. « C’est le moment de construire ! » Du côté du primaire, Vinod Seegum, président de la Government Teachers Union (GTU), essaie de justifier ce choix même si cela a été difficile d’accepter un changement pareil. « Il y a un pourcentage d’élèves qui n’ont pas eu accès aux cours télévisés. Il ne fallait pas créer une situation à deux vitesses. C’est une raison valable et on a dû de notre côté être raisonnable et accepter une extension. » Ce troisième trimestre, dira-t-il, « sera consacré à la révision ». La grande difficulté, selon lui, est de s’adapter. Mais, optimiste, il dit ne pas avoir d’appréhension quant au déroulement de ce troisième trimestre.

VINOD SEEGUM (GTU) : « Je n’ai pas d’appréhension »

Nous avons droit cette année à une rentrée des classes inhabituelle qui voit le début non du premier trimestre mais du troisième trimestre. Les écoles s’adaptent-elles ?
Il faut aller à l’origine du problème. Quand on était en train de discuter de l’extension du calendrier à la GTU, nous avions dit qu’il fallait faire les examens de PSAC et autres en novembre comme chaque année. C’était difficile d’accepter un changement pareil. Mais il y a un pourcentage d’élèves qui n’a pas eu accès aux cours télévisés, surtout dans des poches de pauvreté où il n’y a même pas d’électricité. Il ne fallait pas créer une situation à deux vitesses. Il a donc fallu régler ce problème pour donner à tout le monde le temps voulu pour s’adapter après le confinement. C’est une raison valable et on a dû de notre côté être raisonnable et accepter une extension.

Vous avez donc fini par vous faire à l’idée…
L’extension donne amplement le temps à tout le monde. Il n’y aura personne qui sera resté derrière. Le gros du travail a été fait. On a eu un deuxième trimestre long. Le troisième trimestre sera consacré à la révision. On sait aussi qu’il y a le gros problème du mauvais temps, etc. Nous en avons discuté quand on s’est réuni pour établir les dates des examens du PSAC. Quand on a fixé ces dates, on a tenu compte des éventuels cyclones et mauvais temps pendant les examens. Si jamais il y a un problème, il y a des jours où on pourra reporter les examens.

Quelles sont les difficultés associées à ce changement ?
Il y a les imprévus comme le mauvais temps. Après, il n’y a pas de difficulté. La grande difficulté est de s’adapter.

Les élèves sortent tout juste d’une ambiance festive…
Certes, ils ont l’habitude d’arriver en début d’année avec de nouveaux uniformes. En général, une nouvelle cohorte d’élèves entre en Grade 1 avec la présence des parents… Cette année, il n’y a pas eu tout cela. Il y a un défi d’adaptation mais je sais que tout ira bien.

Après les fêtes, n’est-ce pas plus dur de reprendre avec ce troisième trimestre ? Les élèves ne sont-ils pas un peu rouillés ?
Non, les élèves n’ont pas eu de longues vacances. Normalement, les vacances commencent fin octobre ou début novembre. Or, les dernières vacances ont commencé le 27 novembre. Allons dire qu’on n’a eu que décembre, un mois. Certains mêmes se plaignent d’avoir eu des vacances très courtes !

De l’autre côté, démarrer le troisième trimestre demande peut-être moins de travail de la part des profs, étant donné qu’il s’agit d’un travail de continuité…
Non, il y a un travail de consolidation. Le prof est “accountable”. Il doit donner des résultats. Les parents iront le voir.

C’est un trimestre “challenging” ?
Je ne dirais pas “challenging”. Mais il y a un travail qui doit se faire. N’importe quel parent aurait aimé que son enfant ait trois ou quatre unités dans une matière. Donc, l’enseignant fera de son mieux pour que tout le monde ait de bons résultats avec des “flying colors”, surtout pour le PSAC. Il faut regarder les papiers d’examen précédents et voir quelles sont les fautes courantes. Donc, au contraire, il y a du travail.

Vous avez quand même des appréhensions ?
Non, je n’ai pas d’appréhension. Je suis toujours positif. On donne des chances égales à tout le monde. On fait un travail de révision. On consolide là où c’est difficile. On aide les enfants qui ont du retard. Que tous puissent avoir de bons résultats !

Quel message voudriez-vous faire passer ?
Nous avons eu un changement majeur et historique qui ne s’est pas produit depuis que l’éducation existe à Maurice. Nul ne savait qu’on allait avoir une pandémie pareille mais quand on a eu cela, on a dû s’adapter. La mission des enseignants est d’éduquer les enfants. C’est une mission noble. Allons ne pas oublier cette mission. Allons redoubler d’efforts pour que l’enfant sorte gagnant. Pour nous, le “end-product”, c’est l’enfant. Sans élève, il n’y a pas d’enseignant. Il faut continuellement, année après année, améliorer la qualité de l’éducation que l’on dispense dans le pays.

BASHIR TALEB (RECTEUR) : « Il faut créer ce “momentum” pour un travail sérieux »

Nous avons droit cette année à une rentrée des classes inhabituelle qui voit le début non du premier trimestre mais du troisième trimestre. Vous adaptez-vous facilement ?
D’abord, il a fallu faire comprendre à tout le monde – et les enseignants et les élèves – que ce n’est pas comme à chaque début d’année, que nous sommes au troisième trimestre et que ce trimestre sera très court. Le mois de février sera vite là sans compter que c’est un mois court et tout de suite après ce sera mars pendant lequel deux semaines seront consacrées aux examens de fin d’année – du moins tel qu’on les appelait – soit des examens très sérieux. Il faudra donc créer ce “mood” qui fait que tout le monde se mette au travail rapidement. Généralement, lorsqu’on commençait l’année en janvier, c’était un peu tièdement alors que cette année, il faut commencer rapidement.

C’est difficile pour les élèves qui sortent tout juste de l’ambiance festive ?
Effectivement, ce n’est pas évident d’autant que dans plusieurs familles, il y a toujours l’ambiance festive. Il y a encore des dîners et autres sorties. Il faudra changer ce “mindset”. Cela s’applique aux profs également.

Il y aura aussi les jours fériés et d’autres probables congés forcés pour cause de mauvais temps…
On espère qu’il n’y aura pas d’imprévu. Il faudra créer ce “momentum”. C’est la première préoccupation. On essaie de travailler dessus. Ensuite, il faudra rapidement travailler sur les examens de fin d’année. pour les Grades 7-10 et 12. C’est tout un travail de préparation. En même temps, il faudra faire le point sur ce que les élèves ont pu faire pendant les vacances pour organiser des papiers appropriés.

Ce sera donc un vrai challenge en ce début d’année ?
Oui, c’est un challenge. Il y a aussi le “momentum” qu’il faudra créer pour que les élèves révisent à la maison. C’est une autre paire de manches.

Certains recteurs ont soulevé le problème des candidats au SC et HSC et Grade 9 qui doivent prendre part aux examens à partir d’avril alors que les examens internes pour les autres classes se tiendront dès début mars. Ils se demandent si ces candidats devraient rester chez eux pendant le mois de mars…
Effectivement, cela va poser un peu problème. Il faudra s’organiser pour que nous soyons au moins deux à trois fois dans la semaine en contact avec ces élèves de Grades 11 et 13. On peut toujours avoir recours à Internet pour le Grade 13 mais pour le SC, il faudra essayer de demander aux candidats de venir au collège au moins trois fois par semaine.

De l’autre côté, démarrer le troisième trimestre demande peut-être moins de travail de la part des profs, étant donné qu’il s’agit d’un travail de continuité…
Oui, c’est vrai. Les profs ont leur programme qu’ils doivent terminer pour commencer les révisions. Le challenge est là. Si en février, il y a des jours de pluies torrentielles ou des cyclones, cela nous posera problème.

C’est un stress particulier, donc, en ce début d’année ?
Certainement, particulièrement pour les administrateurs.

Approuvez-vous ce nouveau calendrier scolaire qui commence l’année avec le troisième trimestre ou pensez-vous que l’ancien calendrier était plus adapté aux Mauriciens ?
Il faudra bien étudier les implications. Alors seulement, on pourra dire comment cela s’est passé. Ensuite, avec les résultats qui arriveront en août, il faudra voir combien de candidats au HSC pourront décrocher une place à l’université. Sinon, il faudra revoir.

C’est possible de revoir le système ?
C’est possible mais Cambridge n’organise des examens que deux fois par an. C’est soit juin, soit novembre. Ou juin et novembre. Il faudra peut-être réfléchir dans cette direction et permettre aux élèves qui sont prêts de composer en juin de le faire en juin et ceux qui sont prêts à composer en novembre de le faire en novembre. Toutefois, ce sont les bourses de lauréats qui poseront problème. Il y a à Maurice plein d’élèves qui ne prennent pas part à la compétition. Pour eux donc, il n’y a pas de problème. S’ils sont prêts en juin, ils composeront en juin. Sinon, ils composeront en novembre.

Mais concernant le calendrier scolaire lui-même, ne pourra-t-on revenir à ce qu’il était auparavant ?
Ce sera très difficile. À moins qu’on demande à un “batch” de perdre six mois. C’est-à-dire, on leur demande de composer en novembre au lieu de juin.

Quel message voudriez-vous faire passer ?
Je souhaite bon courage à tous mes confrères, à la population estudiantine. J’espère qu’on aura la sérénité qu’il faut pour mener à bien le projet éducatif de Maurice. On espère qu’il n’y aura pas de contradiction dans les directives qu’on aura. J’espère qu’on pourra fonctionner dans la sérénité.

PREETAM MOHITRAM (RECTEUR) « Il faudra être très créatif et inventif »

Nous avons droit cette année à une rentrée des classes inhabituelle qui voit le début non du premier trimestre mais du troisième trimestre. Vous adaptez-vous facilement ?
On s’y était préparés. Vu que la situation au niveau mondial est déjà compliquée, on a appris à s’adapter. Cela dit, le deuxième trimestre a été long et fatiguant pour les élèves comme pour les profs, entrecoupé par deux semaines de vacances bien méritées. Le travail a repris et aujourd’hui, c’est l’heure du bilan et de l’évaluation pour le deuxième trimestre. Le troisième trimestre s’avère très court avec les réalités du contexte mauricien. Il faudra être très créatif et inventif et avoir un planning extrêmement méticuleux et rigoureux. Autrement, en un clin d’œil, le trimestre s’envolera et on n’aura rien fait. En tant que recteur, j’ai réuni dès le premier jour tous mes profs pour discuter de la préparation du travail, de la remédiation scolaire, pour qu’on puisse s’attarder sur les élèves qui ont échoué et ceux qui ont très bien travaillé. Ensuite, on doit déjà penser aux examens du troisième trimestre qui aura lieu au mois de mars. Nous n’avons que janvier et février pour un enseignement intense. Il va donc falloir jongler entre enseignement et remédiation.

Et quel est l’état d’esprit des élèves ?
La crainte est là. À un moment donné, certains élèves, on l’a entendu dans les médias, ont décroché ; d’autres travaillent. Là, c’est le “wake up call”, un réveil difficile pour les élèves d’autant que s’ils ont mal travaillé au deuxième trimestre, ils devront mettre les bouchées doubles. Il y a cette angoisse de bien faire et de gérer le temps en même temps. Cela, c’est nouveau, dans le sens qu’ils vont devoir pour la première fois prendre un examen qu’ils ont l’habitude de prendre en novembre/décembre au mois de mars.

Quels sont les autres inconvénients ? Les élèves sont encore dans l’esprit festif. Les jours fériés et autres imprévus comme le mauvais temps durant ces trois premiers mois peuvent ralentir le travail…
Nous avons fini par intérioriser les contraintes et les accepter. Nous sommes conscients que tôt ou tard il peut y avoir des chamboulements, que ce soit dans le déroulement des activités mais tout passe par la communication. Les élèves et les profs sont informés. Au cas où il y aurait une interruption des cours, on sait comment s’y prendre. Nous avons un “Online School Management System”.

Par interruption de cours, voulez-vous dire un éventuel “lockdown” ?
Je veux dire les pluies torrentielles, etc. Je ne pense pas à un éventuel “lockdown”, sauf si je me trompe. La balle est partie. On doit se focaliser sur les examens. Il ne faut pas que ces milliers d’élèves ratent leurs examens car il y a beaucoup qui ont décroché, qui ont abandonné et qui cherchent du travail, mais c’est quand même un passeport ! Ils ont besoin de ces résultats du HSC pour pouvoir avancer.

De l’autre côté, démarrer le troisième trimestre demande peut-être moins de travail de la part des profs, étant donné qu’il s’agit d’un travail de continuité…
Ce n’est pas moins de travail. Le travail n’est pas le même. Il faudra là fournir plus d’efforts dans la qualification et la mise en œuvre. Ils doivent d’abord préparer leur “scheme of work”, s’occuper de la mise en œuvre de la pédagogie en classe et en même temps penser à concevoir les papiers d’examen pour l’évaluation interne. C’est beaucoup d’activités en si peu de temps. On a dix semaines de travail dont huit pour l’enseignement et du temps pour aider ceux qui ont mal travaillé de se rattraper.

Certains recteurs ont soulevé le problème des candidats au SC et HSC et Grade 9 qui doivent prendre part aux examens à partir d’avril alors que les examens internes pour les autres classes se tiendront dès début mars. Ils se demandent si ces candidats devraient rester chez eux pendant le mois de mars…
C’est la grande question. J’attends une communication du ministère. Il est vrai qu’implicitement, les élèves savent ce qu’il faut faire mais nous ne pouvons donner le mot d’ordre. La priorité, ce sont les examens de SC/HSC. Maintenant, c’est au ministère de définir tout cela.

Approuvez-vous ce nouveau calendrier scolaire ou pensez-vous que l’ancien calendrier était plus adapté aux Mauriciens ?
J’étais le premier à monter au créneau en tant que représentant de syndicat. Il y a des établissements qui avaient les moyens de sauver l’année scolaire. Nos membres ont essayé de demander à la ministre en juin dernier de sauver l’année scolaire pour qu’on n’ait pas cette situation qu’on est en train de vivre. Mais il y avait aussi ce dilemme : penser à ceux qui n’ont pas pu suivre les cours en ligne, leur donner l’occasion de se rattraper. C’est la raison qui nous a amenés où on en est aujourd’hui. Mais tout le monde est en train de subir. On va devoir faire avec.

Est-il toujours possible de revenir en arrière ?
Je pense fermement qu’il est toujours possible de revenir en arrière mais il faut qu’il y ait une volonté politique au niveau du ministère, des conseillers, des représentants de syndicat et de tous les partis concernés. Pour le moment, je ne vois pas cela venir.

Comment pourrait-on s’y prendre pour revenir à l’ancien calendrier ?
Cela prendrait quatre à cinq ans. Chaque calendrier scolaire se définit en au moins trois ans. Si un élève est en Grade 10 (Form IV), il sera en Grade 11 à la prochaine année scolaire et s’il décide de redoubler, cela fera trois ans. Pour revenir à la normale, il faudra encore trois à quatre ans.

L’ancien calendrier est-il mieux adapté au contexte mauricien ?
Bien sûr. Ce n’est pas un réflexe passéiste et traditionnel mais par rapport au contexte climatique et économique. Il y a un vécu culturel. Il y a une réalité mauricienne. Vous pensez demander à un enfant de sept ans de rester 8h à 15h30 en décembre dans une salle de classe…

Quel message voudriez-vous faire passer ?
On a toujours été courageux et forts dans les moments de défi. On commence cette année sur une note positive. Ce n’est pas l’heure d’être alarmiste ou défaitiste. C’est le moment de construire car il en va de 212 000 élèves. Et en tant que professionnels de l’éducation, il ne faut pas semer la peur mais les encourager et dédramatiser en demandant aux parents aussi de soutenir les enfants, de revenir aux valeurs de l’effort et du travail.

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