La confrontation politique à Maurice n’est pas un clivage idéologique, comme c’est le cas dans les grandes démocraties. Ici, c’est un jeu d’échecs à plusieurs et les coups peuvent venir frontalement, non des adversaires, mais des alliés. L’Histoire politique depuis 1983 et plus particulièrement depuis 1990 le démontre amplement.
Le paysage politique, tout autant pour la nature, a horreur du vide. Encore une fois, l’Histoire en témoigne. Comme en 1982, alors que la nouvelle opposition était laminée, le ciel du pouvoir semblait être complètement dégagé. Le bouleversement est vite arrivé, au bout de neuf mois seulement. À l’issue des élections de fin 2019, les oppositions des trois partis de l’Establishment étaient laminées.
Le Gouvernement, face à l’absence des oppositions parlementaires par ailleurs inaudibles, a cru avoir droit à tous les abus, tant sur le plan institutionnel que sur le plan économique et financier et tout aussi celui de la sécurité.
Comme tel est souvent le cas en politique, avec sa grosse part d’imprévisibilité et de surprise, rien n’est définitivement acquis.
Les oppositions sont désormais multiples. L’arrivée des super-héros a volé, du moins pour l’instant, la vedette aux figures habituelles de l’opposition parlementaire et les places sont limitées dans le cadre d’une opposition commune et élargie en vue des prochaines élections.
Au regard du calendrier électoral, Pravind Jugnauth a encore de la marge. Les élections ne devraient pas avoir lieu avant 2024.
Certains au sein même de l’opposition pourraient être tentés de rejoindre le Gouvernement, si ce dernier fait une offre séduisante. Notre Histoire politique n’est pas étrangère à l’intervention surprise d’un « administrateur politique du régime en faillite » venant des bancs de l’opposition. Cela s’est produit en 1990 et 2014 outre la tentative de 2010.
Le MMM de Paul Bérenger est habitué à tous les retournements, voire les doubles retournements, comme en 2014. Alors qu’il avait sauvé politiquement Pravind Jugnauth de l’affaire Medpoint (1er revirement à l’égard des valeurs du militantisme) et qu’il a remis sur pied le « Remake », ce partage du poste du Premier ministre avec son rival, le MSM des Jugnauth, il n’a pas hésité une seule seconde à venir en aide au régime de fin de règne de Navin Ramgoolam en 2014 (2e revirement, à l’égard des Jugnauth), parce qu’il était le plus offrant : une accession quasi-immédiate au poste de Premier ministre.
Face au trop-plein au sein de l’opposition réunie, Pravind Jugnauth pourrait, pour le besoin de sa survie politique, être contraint de faire une offre sérieuse à un des partenaires de l’opposition, particulièrement au MMM.
Concrètement, Pravind Jugnauth pourrait offrir le poste de Président de la République à Paul Bérenger, seul poste qui lui reste à occuper dans sa carrière politique. Certes, ce dernier n’a jamais été tenté par le peu de pouvoir que détient le Président. Mais rien n’empêche que le Premier ministre lui confère en sus le rôle, en tant que Président, comme c’est d’ailleurs le cas en France, de conduire la diplomatie aux côtés du ministre des Affaires étrangères et d’émerger ainsi comme un homme d’État à l’international. Le MMM caserait ainsi quelques-uns de ses députés au Gouvernement qui mettrait, par la même occasion un frein à l’accaparement pour justifier la nouvelle donne.
Ce n’est pas un scénario, mais une lucidité politique. Il faut s’attendre à tout chez eux pour le pouvoir !