Vengrasamy Rungasamy, un Mauricien hors pair

“Causer de la joie lorsqu’elle les rencontre et du regret quand on les quitte, telle est la nature des savants.” (Kural 394, De l’instruction, Chapitre 40, Traduit du tamoul par Mootoocomaren Sungeelee, 1988.)

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Né le 28 janvier 1931, Vengrasamy Rungasamy, Banga pour les intimes, est un enfant du grand sud de l’île Maurice. Originaire du village de Chemin-Grenier, il y a passé son enfance et a entrepris sa scolarité à l’école du gouvernement de la localité inaugurée en 1927 par le gouverneur Sir Herbert Read en présence de H.Lalhouette, Superintendent des écoles. Il a vécu plusieurs années dans ce village avant de venir s’installer à Souillac après son mariage. Banga se remémorait avec beaucoup d’émotion ces années-là et plus particulièrement son maître d’école, qui était connu pour son sens de la discipline. Pour lui, en sus du côté académique, l’école doit dépasser le cadre des murs d’une classe et s’orienter vers une éducation qui soit en harmonie avec la nature. C’est à ce moment-là que l’enfant aura une éducation complète. « Autrefois, les enseignants cultivaient des légumes dans l’arrière-cour de l’école et se les partageaient entre collègues et même avec les élèves. Il faut que les enfants d’aujourd’hui retournent vers la terre nourricière ». Toujours élégamment vêtu, Banga avait le verbe facile.

Lorsque nous le croisions au croisement des rues Telfair et Dr Sauzier, à Souillac, sous l’ombre d’un grand manguier, Banga refaisait le monde et caressait chaque détail en contant l’histoire, surtout celle de la politique du pays Maurice. Il donnait son opinion sur les sujets de portée nationale lorsqu’il était sollicité et apportait ainsi sa grande expérience aux débats. Candidat battu aux élections de l’indépendance en 1967 sous la bannière du Parti Mauricien Social Démocrate (PMSD), Banga a réalisé le score de 4981 votes dans la circonscription numéro 12 (Mahébourg et Plaine-Magnien). Il tentera de nouveau sa chance en 1976 avec le PMSD à Vacoas/Floréal (No. 16), améliorant son score à 5618 voix sans avoir toutefois pu être élu.

Banga s’est motivé davantage pour apporter sa pierre à la construction de la nation mauricienne. Pour son fils, Manogaren Rungasamy, la devise de son père a toujours été de « put people first ». « Il ne garde pas rancune vis-à-vis de ses adversaires et était toujours disponible pour prodiguer de bons conseils. Pour lui, les gens et le pays passaient toujours avant tout. »

En effet, Banga a porté plusieurs chapeaux lors d’une longue et riche carrière pendant laquelle il a dédié 40 ans au judiciaire en tant que clerc de notaire; ensuite au service de l’administration régionale au poste de membre de la Local Government Services Commission; comme conseiller de village et par la suite Président du conseil de district de Grand-Port/Savanne, ainsi qu’au sein de plusieurs comités dont le Probation Committee de la Sécurité sociale. Il faut souligner qu’il a été l’une des chevilles ouvrières pour la tenue de la conférence de l’Organisation commune africaine, malgache et mauricienne (l’OCAM) sur le sol mauricien en 1973.

 

Sur le plan social, Banga s’est dévoué corps et âme pour la communauté tamoule au sein de plusieurs instances, notamment la Mauritius Tamil Temples Federation (MTTF), l’Union Tamoule de Maurice, divers korvils dans le district de Savanne et l’International Movement for Tamil Culture. C’est en sa qualité de secrétaire du mouvement qu’il a prononcé le discours d’accueil lors du dévoilement du monument Silambu érigé pour commémorer les 250 ans de l’arrivée des tamouls bâtisseurs à l’île Maurice. Il dit espérer dans un magazine commémoratif, paru pour l’occasion, que cette architecture « convient à ces hommes et à ces femmes qui ont tout bravé pour nous enseigner, de par leurs œuvres, à nous tous Mauriciens, l’ardeur d’un labeur franc et honorable que nous devons suivre pour le bonheur de notre pays ».

Membre fondateur du Senior Citizens Council en 2001 et oeuvrant au sein de l’Elderly Watch pour la région de Savanne, Banga, à 90 ans, était encore animé de l’envie de servir. Une idée dont il nous avait fait part avant son grand départ pour l’au-delà, c’était d’organiser des causeries sur les personnes ayant aidé à bâtir l’île Maurice mais qui sont hélas tombées dans l’oubli, en l’occurrence les frères Bissoondoyal, Emmanuel Anquetil, Guy Rozemont, Renganaden Seeneevassen pour ne mentionner qu’eux. Souhaitons que d’autres reprennent le bâton de pèlerin de Banga pour mener à bon port ce projet fort louable.

Lors de l’une de nos dernières conversations, on s’est enquis de ses nouvelles. Sa réponse : « Nou fer ale ziska Gran Papa la apel nou. » Il partit sur la pointe des pieds le 6 décembre 2021 laissant un riche héritage et surtout des idées qu’il faut aider à faire germer pour la prochaine génération. Au revoir et merci Mame Banga !

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