Le contrat de travail est un document qui rassemble les conditions d’emploi par rapport à un poste. C’est un contrat qui est qualifié de contrat d’adhésion car les deux parties au contrat ne disposent pas du même pouvoir pour décider des conditions qui y figureront. L’employeur décide du poste et du salaire qu’il propose au candidat. Le consentement du postulant repose généralement sur le principal, c’est-à-dire, le poste. L’horaire de travail, le lieu où l’employé devra se présenter quotidiennement pour effectuer les tâches qui incombent à son poste, tout comme le salaire, sont des conditions qui, dépendant du type d’emploi, pourront ou pas être négociées; ce sont des conditions accessoires au poste. Le candidat, qui possède des qualifications ou des compétences rares, pourra même négocier le montant de sa rémunération.
Le poste serait donc l’élément essentiel du contrat sur lequel l’employé s’appuie pour accepter ou non un emploi. D’ailleurs, la loi considère que modifier la nature du poste d’un employé sans son consentement équivaut à une fin de contrat injustifiée. Les conditions accessoires concernées par des changements postérieurs à la signature peuvent également être considérées comme essentielles lorsqu’elles ont été déterminantes pour l’acceptation du contrat. La modification des horaires de travail, par exemple, requiert le consentement de l’employé ou de son syndicat.
Situer le cadre légal du contrat de travail a pour but de faire ressortir que l’employeur, bien que disposant de pouvoir, ne peut chambouler le contrat de travail de manière substantielle sans le consentement de l’employé ou de son syndicat. C’est pour protéger ces conditions qu’il est primordial de se syndiquer pour négocier et revoir les conditions collectives d’embauche.
C’est ce qui vient de se passer à la CEB avec la volonté du management d’imposer arbitrairement une carte RFID pour comptabiliser les heures de travail. Le management a été obligé le 13 septembre dernier de discuter des conditions d’implémentation de son nouveau système de « Time Attendance Recording ».
La ponctualité est une condition accessoire du contrat de travail et devrait normalement faire l’objet de procédure disciplinaire lorsqu’elle n’est pas respectée. Ce qui est grave, c’est que subrepticement le « Time Attendance Recording » vient d’inverser la charge de la responsabilité en ce qu’il s’agit de comptabiliser les heures de travail effectives. C’est maintenant à l’employé de prouver sa présence alors que son contrat prévoit les horaires de présence contractuellement admis.
La réalité, c’est que le « Time Attendance Recording » est vicié dans son mode de fonctionnement. Ne serait-il pas plus normal de mettre à la disposition des travailleurs cet appareil afin qu’ils y entrent leurs retards, leurs absences et les heures supplémentaires ? À ce jour, les systèmes d’exploitation utilisés par les entreprises ne mettent pas les employés à l’abri d’erreur. Au contraire, il est générateur d’erreurs, ne sachant pas gérer convenablement les anomalies liées à l’utilisation normale de l’appareil. Lorsqu’un employé oublie d’entrer son heure d’arrivée ou de départ, cela génère une anomalie qui doit être traitée a posteriori. Divers mécanismes sont d’ailleurs utilisés pour s’assurer que les employés de bonne foi n’oublient pas de faire leur entrée numérique sans pour autant atteindre le 0% d’oubli. Par contre, des milliers de travailleurs trouvent des déductions qui ne s’expliquent pas sur leur fiche de paie. Il en est ainsi parce que le système ne connaît pas le contrat de travail de l’employé et, au lieu de défendre les conditions contractuellement établies, le logiciel présumera de l’absence de ce dernier à moins qu’une opération soit effectuée pour expliquer l’anomalie.
Est-ce normal que l’employeur utilise le « Time Attendance Recording » comme un moyen de coercition pour accabler le travailleur sur une présomption de non-respect d’une obligation corollaire du contrat de travail ? D’autant plus que les milliers d’anomalies enregistrées quotidiennement nécessitent obligatoirement l’intervention humaine, ne serait-il pas plus normal de mettre à disposition ce système pour responsabiliser le travailleur et de le mettre face à ses responsabilités de ponctualité et de présence ?
De mon point de vue, le système devrait être inversé et ce n’est qu’en cas de retard ou d’absence que l’employé devrait faire une entrée sur le système pour justifier ses retards ou ses absences. Ce faisant, l’employeur n’obligerait pas l’employé à se justifier lorsqu’il y a une anomalie. Toutefois, il serait normal dans ce contexte, d’appliquer les sanctions disciplinaires les plus adaptées à l’encontre de ceux qui tenteraient volontairement de tromper le système.
À ce jour concernant les retards, le logiciel fait le total des heures, des minutes et des secondes pour le calcul du salaire. Pourtant, il est impossible que tout le monde soit à l’heure, si une entreprise emploie 50 personnes où il n’y a qu’un terminal. Imaginons que tous les travailleurs se présentent devant la machine à l’heure et qu’il faille cinq secondes pour valider sa présence. Le cinquantième employé aura environ 4 minutes de retard. L’employé de bonne foi se trouve donc dans l’incapacité de prouver sa ponctualité pour une raison technique.
La question soulevée par le « Time Attendance Recording » sur le quotidien du travailleur est de savoir entre les heures de travail louées ou la productivité, laquelle forme l’élément essentiel pour le recruteur. Le patronat, pour justifier l’impératif d’un tel système, explique que cela simplifie la comptabilisation des salaires. Il ne vous dira pas que cela déshumanise les relations au sein de l’entreprise car un travailleur, qui est en retard tous les jours, se sentira coupable à chaque fois que la machine le lui fera remarquer. Cette même culpabilité fera que l’employé ne rechignera pas lorsqu’il verra qu’un “local leave” a été déduit pour cause d’absence. Pour autant, la performance de l’employé a-t-elle été moindre en raison de ses retards ? Alors pourquoi doit-il être sanctionné par la perte d’une partie de ses “local leaves”? À l’inverse, l’employé qui quitte son lieu de travail quelques minutes plus tard quotidiennement, obtient-il des heures ou des jours de congé en plus?
C’est pour cela que je dénonce l’usage abusif qui est fait du système de « Time Attendance Recording », car ce système ne considère pas le contrat de travail. Pourtant, c’est ce système qui sert de base au calcul du temps de travail afin de déterminer la rémunération de l’employé.