CONFINEMENT – J 1 à J 10

RAMANUJAM SOORIAMOORTHY

CONFINEMENT – J 1

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Depuis ce matin, il fait un temps merveilleux invitant à la fête, à des promenades en pleine nature, mais pas un bruit, pas un souffle, même les oiseaux sont invisibles et tout silencieux, sans doute parce qu’ils savent que le pays est verrouillé, refermé sur lui-même, ne permettant à personne d’y entrer, à personne d’en sortir, mais on ne sait pour sûr qui est responsable de cette incarcération, si c’est la menace d’une épidémie, l’épidémie elle-même, ou l’imprévoyance d’un gouvernement irresponsable qui aura été incapable de faire éviter ce que l’on aurait pu éviter, parce que c’est tout le pays qui semble en cimetière transformé et c’est tout juste si on n’a pas déjà comme la sensation d’être entouré de fantômes, car où que l’on se trouve, où que l’on aille, on est comme au cimetière, à un cimetière total, où l’on n’entend rien qui indiquerait quelque présence vivante, humaine surtout: c’est le silence total du pays des morts, mais le soleil brille dans un ciel tout bleu et une brise légère dans l’air flotte, demain peut-être…, bientôt…, les survivants pourront alors raconter l’incroyable événement auquel ils auront survécu, peut-être…

CONFINEMENT – J 2

Le pays, une île, une toute petite île qui, de l’extérieur, aux yeux des étrangers, de ceux qui ne connaissent pas les îles, les petites îles surtout, qui n’y vivent pas et qui, quand ils s’y rendent pour tel ou tel motif, pour des vacances, conquis et séduits par les documentaires vantant la superlative beauté des îles, en voyage d’affaires, car on a promis aux investisseurs des fortunes colossales, un peu comme, au 19e siècle, on avait fait croire à des travailleurs « engagés » crédules qu’il leur suffirait, une fois sur l’île de destination, de retourner et de soulever la première grosse pierre rencontrée pour trouver de l’or, sauf que, pour les investisseurs que parfois des ministres ou de hauts fonctionnaires, à ce qu’on dit, allaient supplier de venir y faire des affaires, l’or était, est toujours bien réel, dans le but de rendre visite à des amis très souvent rencontrés durant leurs années d’études, surtout en Europe et qui leur en ont pourtant parlé en n’ayant que des hyperboles à la bouche, ou à de lointains parents dont ils ont entendu parler depuis leur enfance, dont ils ne savent encore rien, qu’ils ont souvent, toujours rêvé de rencontrer et que parfois ils rencontrent quelque peu déçus ou alors absolument ravis et enchantés, est, tout naturellement, même quand ils sont toujours contents de leur séjour, verrouillée sur elle-même, comme un lieu d’enfermement d’où l’on ne s’échappe point, en raison de ces murs terrifiants encerclant l’île que sont les vagues s’étendant à l’infini, un lieu fermé qui leur fait éprouver une sensation d’étouffement, d’asphyxie, presque un lieu de mort, mais qui, pour ceux qui y sont nés et qui y vivent, est un pays tout comme un autre, quoique avec ses différences, ses spécificités, et qui depuis hier, depuis à peine vingt-quatre heures, lentement, graduellement se transforme, devient comme étrange, comme un lieu étranger à lui-même, comme si l’île allait être envahie, avec ses rues presque toutes désertées, ses restaurants et magasins fermés presque tous, ses centres commerciaux pris d’assaut comme si l’île allait être envahie ou frappée de sanctions, avec d’interminables queues à l’entrée des pharmacies, car menace un virus, car le virus est presque là, la peste arrive et bientôt viendra la mort, elle aussi, et tout le monde de se préparer non pas à affronter, mais à éviter, à contourner, peut-être même à subir, encore que dans les conditions les moins inconfortables possibles, les effets de l’épidémie imminente, en s’approvisionnant en vivres, en médicaments, en produits de première nécessité pour des mois au moins avant de se barricader, chacun chez soi, confinement dans le confinement que presque tous ceux qui se trouvent dans l’île s’imposent sans même s’en apercevoir, non pas tant pour se conformer aux consignes des Autorités qu’ils ne respectent presque plus déjà, ni pour ne pas être inquiétés par les flics qui, très bientôt, devront, eux aussi, songer à faire comme les autres, à s’aller barricader chez eux, que pour se protéger contre le fléau qui bientôt envahira et assiégera l’île tout entière, et pourtant l’île n’est, à l’instant même où j’écris n’est fermée, verrouillée que depuis vingt-quatre heures, et personne ne sait combien de temps cela va durer, certains espérant un miracle, faisant confiance à la Providence ou encore feignant de traiter avec une prodigieuse désinvolture toute perspective de catastrophe, quand leur désinvolture ne serait point factice et qu’ils tiennent à continuer de vivre comme devant, incitant ainsi d’autres à en faire autant, pour quelque temps encore, pour aussi longtemps que possible, cependant que les autres (la majorité sans doute), qu’ils rejoindront certainement bientôt, eux aussi, vivent ou survivent dans la crainte et l’espoir, démontrant qu’ils savent, même si c’est probablement sans le savoir, sans savoir qu’ils savent, que c’est dans les moments où tout espoir semble perdu, qu’il faut espérer, surtout que l’île n’est confinée que depuis hier et qu’il va certainement falloir attendre longuement, très longuement…

CONFINEMENT – J 3

A l’heure qu’il est, ce n’est pas encore le troisième jour, mais on y est presque, on avance, plus ou moins lentement, plus ou moins rapidement vers l’aube de ce troisième jour de confinement, le troisième déjà pour certains, un peu comme si le verrouillage de l’île allait bientôt, très bientôt être chose du passé; à peine plus qu’un mauvais souvenir vite éteint, un souvenir déjà lointain peut-être et dont tout le monde parlerait presque comme d’un fait irréel, comme d’un événement qui n’aurait pas vraiment eu lieu et dont on voudrait presque le retour, la répétition, histoire de revivre, sinon de vivre vraiment ce qui se sera passé et à quoi on ne comprenait grand-chose, se contentant tout au plus de faire comme les autres, comme si les autres, en l’occurrence (presque) tous les autres, la foule, la majorité (adhésion implicite et inconsciente à une croyance ou à un préjugé, à un lieu commun qu’on aurait, en temps normal, comme on croit pouvoir le dire, honte à, par crainte du ridicule, d’avouer), comme si la majorité ne pouvait qu’avoir toujours raison, ce que régulièrement, en tout cas souvent, contredisent les résultats des élections, le comportement général à l’occasion de toute manifestation populaire, et que la plupart des gens eux-mêmes se refusent, dans le calme revenu d’après le sommeil de leurs sens engourdis et de leur entendement étourdi, à admettre, se demandant ce qui avait bien pu leur arriver, à quel sortilège ils avaient pu succomber, jurant qu’on ne les y reprendrait plus jamais, comme d’habitude, cependant que pour d’autres, la vraie majorité peut-être, celle qui, silencieuse et timide, souvent hésitante et toujours indécise, ce n’est que, ce ne sera que, dans moins d’une demi-heure maintenant, le début d’un troisième jour d’incarcération forcée qui vient s’ajouter à l’incarcération de la vie de tous les jours, celle de la routine, des habitudes acquises ou développées au fil des années, non moins que de celles qui, d’abord imposées de l’extérieur par les mœurs, la tradition, les lois, bref par toutes sortes de superstitions, les unes plus débiles que les autres, sont bien vite, toujours trop vite, même quand ce n’est que graduellement, intériorisées avant d’être énergiquement justifiées et farouchement revendiquées même, comme si cela pouvait équivaloir à la rédemption d’attitudes honteuses de soumission, de lâcheté, de démission de soi , dont ils n’ont pas conscience, pas plus que ceux qui croient, parce qu’ils le souhaitent, imminente, pour demain, la fin du confinement, la levée du siège, et que la nouvelle incarcération, si l’on peut dire, ne leur permet pas de considérer, d’examiner, compte tenu des urgences, réelles et imaginaires, qu’elle suppose et implique, des contraintes auxquelles elle condamne, des craintes qu’elle suscite et compte tenu surtout, peut-être, du déséquilibre, du bouleversement fondamental, que bientôt tous les habitants de l’île ne pourront plus faire semblant d’ignorer, unis, malgré eux, dans le malheur, introduit qui, modifiant leurs comportements, leurs actions, leur langage même, menace de faire d’eux-mêmes des êtres qui ne se reconnaissent plus, qui sont devenus comme étrangers à eux-mêmes, qui craignent déjà de finir par être complètement différents d’eux-mêmes, mais ne ressemblant même à l’image qu’ils se faisaient d’eux dans leur rêves les plus délirants, eux qui n’ignorent qu’on n’en est qu’au troisième jour du confinement, qui ne croient pas une seconde que c’en sera fini avec demain et qui savent ou se disent, tout tremblants d’inquiétude, que les jours qui viennent seront graduellement toujours pires, toujours plus durs, toujours plus insoutenables, toujours plus terribles, surtout que l’on n’a pas encore pris la mesure réelle du confinement, et peut-être même ne la prendra-t- on jamais, à moins que, à moins que…

CONFINEMENT – J 4

En ce matin du quatrième jour, on aurait l’impression que cela fait longtemps déjà que le virus a fait on ne sait trop comment irruption dans l’île, mais en même temps tout se passe comme si le virus n’était pas encore vraiment arrivé jusqu’ici, d’où les réactions contradictoires, les comportements ambivalents, face au virus certes, mais bien plus encore, en raison de l’incertitude qui règne dans l’esprit de la plupart des gens qui, comme presque tous les autres, ne comprennent rien au virus—il est quand même étonnant, en fait scandaleux que, ni du côté des Autorités, ni d’ailleurs, on ne soit venu expliquer publiquement ce qu’est le Coronavirus, le COVID-19, on n’ait expliqué en quoi il diffère du SARS, ou CoV-2 (SRAS en français,) syndrome respiratoire aigu et sévère apparu en Chine au début du siècle présent (en 2003) ayant pour cause un virus d’origine animale, on n’ait exposé ce qui le distingue du MERS (SRME en français, syndrome respiratoire du Moyen-Orient, pathologie nouvelle apparue on devine où, si on ne le savait immédiatement en entendant l’acronyme, quelques années plus tard en 2012, on ne soit surtout venu exposer en quoi le COVID 19 est plus dangereux que le SRAS, que le SRME, que la grippe espagnole qui, en 1918, causa des millions de morts, qu’une grippe ordinaire, si tant est que toute grippe ne soit pas ordinaire, et, s’il y en a qui ordinaires ne le sont, pourquoi ne pas le dire? à moins qu’il n’y ait d’autres raisons que l’on n’ose évoquer?—, et qui voudraient bien savoir plus, alors que les Autorités, au lieu d’apaiser les craintes, de rassurer, provoquent des réactions d’incompréhension et aggravent non seulement le sentiment, mais, pire encore, la sensation de panique chez les uns et les autres, en encourageant la population à penser qu’elles ne maîtrisent pas la situation, n’ayant ni directement (elles-mêmes) ni indirectement (les personnes par elles recrutées) les compétences requises pour cela, qu’elles ont recours à la dissimulation (non sans raison peut-être, car bien souvent, la transparence, surtout malavisée, peut produire des effets dévastateurs et, même, dangereux), qu’elles mentent de manière éhontée quand rien ne justifierait le mensonge, que, surtout, elles choisissent de décréter l’urgence médicale en adoptant des mesures propres à leur (aux gens) fournir des motifs pour qu’ils s’interrogent et se demandent comment il sied d’interpréter cette militarisation de la société que l’on est en train de mettre en place, d’implémenter, comme on dit maintenant, sous leurs propres yeux impuissants, avec la bénédiction complaisante et complice des bien-pensants, cependant les autres s’indignent en silence, quand ils ne haussent les épaules pour simuler une indifférence qui cache à peine une colère qu’ils contrôlent difficilement, comment surtout il faudrait pouvoir réagir, vu qu’ils ne le peuvent, réagir contre ce qui a tout l’air de constituer le prélude possible à une société de surveillance quasi totale, étape décisive éventuellement pour toute dictature en marche, solution ultime de tout gouvernement aux abois qui, au lieu de solliciter la collaboration de la population pour éliminer un problème particulièrement complexe, voire insoluble, opte pour la voie la moins susceptible de rassembler et de réussir en privilégiant le recours à la force, une force aveugle et ignorante qui traite toutes les composantes d’une population comme si elles étaient toutes identiques, une force bête donc et inimaginablement obtuse, et dangereuse aussi, alors qu’il suffirait d’explorer le problème, de le disséquer, de convaincre de la nécessité des précautions à prendre et de la validité des traitements à sélectionner, ce qui, pour ne pas entraîner la disparition certaine ni du virus, ni même de la menace qu’il représente, contribuera sans aucun doute à réduire, à contenir les effets du virus et, conséquence encore plus importante, à rationaliser l’approche jusqu’ici entérinée pour combattre un fléau que l’île, parce qu’elle est verrouillée, fût-ce un peu tardivement, a encore des chances de ne pas subir aussi dramatiquement qu’on le pourrait craindre, mais ça, on ne le saura, si jamais on le sait, que plus tard, et, il le faut espérer, pas trop tard…

CONFINEMENT – J 5

Les jours se suivent et, jusqu’à un certain point, continuent de se ressembler, quoique pas entièrement, certes, ce en quoi ils diffèrent, les uns des autres, étant aussi évident que surprenant, et il ne s’agit pas que, comme les nigauds ne manquent jamais de l’affirmer, d’une question de points de vue, lesquels seraient aussi nombreux et variés qu’il y aurait de subjectivités, mais toujours est-il qu’ils se ressemblent étrangement, vu que, pour l’heure du moins, il ne semble pas que la population de l’île, qui n’est pas encore entrée, si l’on peut dire, en coronavirus, un peu comme d’aucuns entreraient en religion, dans les ordres, sauf qu’ici, il sera, le moment tant redouté, et nié d’un revers de main dont on ne saurait dire s’il relève plus de l’inconscience que de la sottise, pour l’instant parfois, venu, question de l’entrée de tous, et surtout pas volontaire, en coronavirus, tous enfin réunis pour le pire dans l’affreux communisme d’une épidémie aux mouvements d’une danse macabre avant l’union de tous dans le communisme final de la mort, laid, non pas comme la mort elle-même, mais, peut-être pire encore, comme l’image qu’on s’en fait dans un délire de l’imagination que rien ne permettait de soupçonner qu’il fût possible, sombre et inattendue mésaventure du communisme détourné par la folie des hommes des voies que lui ouvraient des précurseurs confiants en la réalisation des prophéties glorieuses formulées par des

maîtres tout pleins d’un optimisme contagieux que justifiait leur inlassable ardeur au travail, mais que démentait impitoyablement la réalité des faits avec Freud niant, malgré les efforts de Marcuse, la leçon pourtant généreuse et sereine de Marx, mais si toute la population de l’île, d’une île naturellement, comme toutes les très petites îles, verrouillée, fermée sur elle-même de toujours, à tel point qu’on l’eût pu dire en confinement de toujours, même si l’on n’y songeait nullement, bien que toute personne se rendant sur n’importe quelle plage, dès l’époque hollandaise déjà, sinon depuis que vinrent des Arabes, ait dû avoir le sentiment d’être enfermée sur l’île, coupée du reste du monde peut-être pour toujours, en tout cas jusqu’à la mort— les colons avaient parfaitement compris que les îles, surtout lointaines, même si elles n’étaient pas toujours forcément petites, étaient des lieux de confinement, de mort, et si on y condamnait ou transportait (comme ce fut le cas surtout en Australie) des prisonniers, des travailleurs, des esclaves, c’était pour qu’ils y travaillassent sans doute, encore pas beaucoup, pas pendant longtemps, et qu’ils y mourussent, n’est pas encore entrée en coronavirus, la population n’est pas toute, bien que le confinement naturel de l’île l’y eût peut-être déjà préparée, voire prédisposée, mais seuls le diront ceux qui ne savent que les habitants de l’île ne s’y sont, malgré le désir, chez d’aucuns, sinon de tous, de voyager, de se

rendre ailleurs, de voir ou de revoir la terre, le pays de l’ancêtre, de fuir pour diverses raisons, bonnes et mauvaises, jamais sentis confinés, enfermés, déjà entrée en confinement, n’a pas, dans sa totalité, accepté, malgré les avis et explications des médecins et des Autorités politiques, malgré les mesures prises et les sanctions promises et, même, malgré les risques bien réels d’épidémie, les dangers encore plus réels de propagation du virus et, au bout du compte, de mort, très bientôt pour tous sans exception si on persiste, et il suffirait là rien que d’une poignée pour que l’île se vite transformât en une île des morts, à ne pas prendre au sérieux un virus, dont on sait pourtant qu’il a déjà fait des milliers de morts ailleurs—cependant, ils sont très nombreux à ne pas se sentir concernés par ce qui se passe ailleurs et arrive aux autres, qui, parce que ça se passe ailleurs et arrive aux autres ne saurait, d’après eux, se passer chez eux, dans l’île, ne saurait leur arriver à eux— et qu’il ne laisse, si l’on peut dire, rien au hasard, capable qu’il est, de surcroît, de s’attaquer à tous, de décimer des populations entières, d’entrer en confinement, n’a pas encore accepté l’idée même de confinement, et ce n’est pas simplement ni seulement par irresponsabilité, bien qu’il y aille également de cela, ce n’est pas non plus en raison de l’unique volonté d’effectuer des achats compulsifs et irrationnels, bien qu’il y aille également de cela, ni à cause du seul désir de faire

la fête du matin au soir, bien qu’il faille bien tenir compte de cela aussi, ni même pour satisfaire tout spécialement certaine inclination à la transgression (des lois surtout, bien sûr) ou, encore, à la confrontation (avec les Autorités, politiques bien sûr, mais peut-être plus encore policières), même s’il n’y a pas que cela qui soit en jeu, il s’agit de tout cela aussi bien évidemment, mais il s’agit, à travers ce refus, inconscient ou conscient, du confinement, d’autre chose, il s’agit d’une manière, inconsciente et rien qu’inconsciente cette fois-ci, de combattre le virus, d’en nier l’existence, de le conjurer hors du réel, de le tuer en d’autres mots, et la négation, ou le meurtre, à laquelle d’aucuns se livrent ainsi, négation symbolique qui rappelle les rituels apotropaïques et propitiatoires d’antan, et qui n’ont jamais entièrement disparu, persistera encore sous différentes formes, éventuellement chez, voire en cachette, jusqu’à ce que…

CONFINEMENT – J 6

Dès les commencements, depuis le mois de décembre au moins, on avait, du moins d’après certaines personnes, les moyens de savoir, on pouvait, toujours d’après ces mêmes personnes et leurs disciples, savoir, on savait déjà, d’après presque tous, apparemment, qu’on allait devoir, non pas

vivre avec le virus (le COVID-19), comme l’ont tout bêtement cru et fort maladroitement dit d’aucuns, mais tenir au loin le virus, le plus loin possible et le plus longtemps possible, en recourant à toutes les astuces et en exploitant toutes les ruses concevables, en sollicitant l’aide, la coopération et le soutien de tous ceux, individus, experts et spécialistes ou simples bénévoles, institutions, gouvernements, capables d’en être les pourvoyeurs, le but ultime étant d’identifier la nature du virus et de son mode opératoire, de comprendre la genèse et l’évolution de la pathologie dont il est porteur, de découvrir ou / et d’inventer, en fonction de la dangerosité reconnue, les modèles de prévention à préconiser et les systèmes de guérison à adopter, s’il y en a ou que l’on en trouve et, dans le pire des cas, de réduire la virulence, c’est le cas de le dire, du virus au point de le rendre inoffensif ou, du moins, contrôlable, et, surtout, d’abord, avant d’en arriver là, de tout mettre en œuvre pour empêcher le virus d’arriver chez nous, d’aborder, d’atterrir chez nous par quelque moyen que ce soit, délibéré ou non, de se glisser chez nous, sur une île qui, comme toute autre île et comme les plus petites d’entre elles pour commencer, est particulièrement vulnérable du fait d’être exposée aux éléments porteurs de virus en général, du corona virus (du COVID- 19) en la conjoncture, de n’être pas protégée contre les éventuels facteurs (au sens de la personne qui

vient vous remettre votre courrier aussi bien qu’au sens de fabricant) et agents (terme dont ne peut qu’apprécier la diversité des connotations dans la situation présente) qui pourraient être, sans le savoir, responsables de la présence et de la propagation du virus dans l’île, car il est bien connu que le virus, que tout virus est, par vocation, d’origine étrangère, même quand il est d’origine locale, vu qu’il vient bouleverser l’équilibre, réel et imaginaire, du lieu où il élit domicile, qu’il en dérange les habitudes, désorganise la vie collective non moins qu’individuelle, introduit le chaos là où on voudrait croire que régnaient la paix et la convivialité avant l’apparition, avant l’irruption du virus, de l’extérieur, de l’étranger et, donc, d’autant plus étrange et dangereux, surtout qu’il est invisible à l’œil nu, aux sens en général, à la perception sensible aussi bien qu’intelligible, et qu’il faut, pour l’affronter, le confronter et, éventuellement l’éliminer, le secours de la technique, si redoutable est-il qu’il le faut toujours, de préférence, considérer, qu’il soit béni ou malin, comme un ennemi, et se rappeler qu’il est, mortel, mais de tout cela, qui, soit dit au passage, m’est même pas exhaustif et que l’on savait depuis décembre dernier au moins, d’aucuns n’ont rien voulu savoir, ont feint de ne rien savoir et ont, ici et ailleurs, tout fait pour que l’on n’en sût rien, mentant à outrance peut-être, bien naïvement, sans doute, et contre l’évidence la moins réfutable, pour que l’on crût qu’il n’y

avait de crainte à éprouver, qu’aucun danger ne menaçait, alors que le ver était déjà dans le fruit ou plutôt le virus dans l’île, et ce n’était même pas pour apaiser les appréhensions d’une population qui n’en demandait pas tant, ni non plus dans le but de démontrer à la face du monde que l’île allait être épargnée, grâce à la politique saine et judicieuse d’un gouvernement compétent et responsable, alors que même à Singapour et en Malaisie, pays réputés pour l’extrême rigueur avec laquelle ils traitent toutes les questions ayant trait à l’hygiène publique et se rapportant à la santé et au bien-être de la population, le corona virus avait osé faire irruption, mais parce qu’il ne fallait, en toute bonne foi, mettre en péril l’industrie du tourisme, parce que le pays, l’île risquait de subir des pertes irréparables au cas où l’on fermerait les voies d’accès de l’étranger, des étrangers et on laissa alors les frontières grandes ouvertes pour souhaiter, sans le vouloir, la bienvenue à Son Excellence COVID-19, le Virus couronné, Corona Virus, le deuxième de sa dynastie après le SRAS, qui s’attendait probablement à tout, sauf à ça, mais sans doute Son Excellence ne savait-elle, elle qui avait dû fuir Wuhan, où elle se trouvait…

CONFINEMENT – J 7

Depuis maintenant deux jours, le confinement a pris un nouveau tour, un tour de plus, pas tout à fait, c’est l’évidence, la maladie elle-même, ni le traitement même, par définition, médical de la maladie, mais le confinement, pas la séparation, dont on voit bien qu’elle en est une sœur point trop éloignée, ni l’isolement, que l’on ne confondra pas avec l’isolation psychanalytique, si différente de l’isolation psychiatrique bien qu’elles aient parfois l’air de jumelles, ne serait-ce que parce qu’elles seraient avant tout des étapes dans le processus de la cure, ni même la quarantaine, la mise à l’écart des personnes infectées et contagieuses dans un souci de protection de ceux qui ne sont pas encore atteints, pas encore infectés et qu’elles risquent, si elles ne sont séparées d’eux, si on n’empêche pas tout contact entre elles et les autres, d’infecter—un jour futur, on parlera, s’agissant de cette séparation, de cette mise à l’écart, de cette division de l’espace social qui alloue un territoire plus vaste, au cœur même de la Cité, parfaitement visible et accessible, du moins à ceux qui ne sont pas malades, libre, aéré, ensoleillé, joyeux, bruyant, sain à ceux qui sont, eux-mêmes sains, ou réputés tels, qui sont, comme on dit, normaux, et un autre à peine visible, distant, éloigné, très éloigné, dont il est interdit presque à tous de s’approcher, sous peine de devoir se joindre à ceux qui déjà s’y trouvent, sombre, silencieux où il semble qu’on ait disposés, hors de la vue des autres, hors de tout contact avec le dehors que leur seule présence pourrait corrompre, dangereux malades porteurs de mort, languissant dans un silence de mort, on dira de cette ségrégation entre les enfants de Dieu, qui, eux, ne sont pas malades, et les enfants du Diable, qui ne peuvent qu’être (malédiction divine?) frappés par la maladie, entre les bons et les méchants donc, entre, plus tard, ceux qui se soumettent à la norme, à l’orthodoxie et ceux qui la transgressent, qu’elles auront été des formes d’apartheid avant la lettre, mot horrible dont seul le mot (le mot de ce mot) demeure horrible, mais pas le concept dont on s’accommode bien, ni les pratiques qui en relèvent et qui le rappellent aujourd’hui encore (il faudrait, ici, pouvoir rendre hommage à Foucault qui, le premier et mieux que personne jusqu’ici, a su démontrer que cette pratique de la mise à l’écart, dont la Bible fait déjà mention, relève, à partir du 17e, d’une collaboration, sinon d’une conspiration réunissant le pouvoir royal, l’autorité de l’Eglise, celle de la nouvelle science médicale naissante, dans un but d’affermissement et d’assainissement de l’espace social)—, mais le confinement lui-même, l’incarcération, l’enfermement, le renfermement, le repli sur soi, ce nouveau tour, ce tour de plus, c’est un tour, au moins un, supplémentaire de confinement par le confinement, une sorte de démultiplication, du moins virtuelle, du confinement, du principe, et un principe, ça s’applique, ça ne se démontre pas, d’où la facilité d’appliquer et de faire appliquer, surtout quand on dispose de la puissance du pouvoir, tout principe, si sot, si néfaste, si dangereux soit-il, de confinement, de son extension à tous les aspects de la vie sociale et, même, à tous les coins de la vie sociale, c’est la probabilité de toujours plus de confinement, autrement dit d’enfermement, autrement dit de mort social, de la mort du lien social qui ne peut, sans même qu’on ait à évoquer les innombrables pathologies d’ordre psychologiques qui en peuvent découler, que conduire à la mort, celle, si le principe de confinement, le tour supplémentaire de plus de confinement, si le principe de plus de confinement et de toujours plus de confinement, devait être universellement accepté ou imposé (pour le bien de tous, bien évidemment, non moins que pour le salut de la planète) de tous les animaux humains, suivie de celle de la mort totale, dans le délire thanatophilique finale dont les hommes ont probablement depuis toujours rêvé, partagés entre l’attirance et la répulsion, non qu’il s’agisse de récuser, de condamner toute forme de confinement, surtout pas celle qui se veut une auxiliaire de la cure (médicale) et l’est effectivement, mais il faut garder à l’esprit que tout ce qui n’obéit, en fait, malgré les protestations de bonne volonté et de bonne foi maintes fois réitérées, qu’à des considérations d’ordre pratique et utilitaire, et qui, donc, doit provisoire être— ça ne s’applique pas qu’à telle politique de confinement—, risque toujours de perdurer, se pérenniser, sans même qu’on s’en rende compte, et de s’éterniser, et, si d’aventure on devait songer à réagir, ce qui est loin d’être sûr, il serait alors…

CONFINEMENT – J 8

Le confinement, dont il est impératif que l’on comprenne la dimension plurielle, surtout que la plupart des gens, à commencer par certains médecins eux-mêmes et bien des paramédicaux aussi, bien évidemment, ont l’air de l’ignorer, plus ou moins passivement, il est vrai, faisant fi, inconsciemment, en examinant, en diagnostiquant la pathologie pour en trouver le remède, la thérapeutique idoine, des différences caractérisant chaque cas clinique et entourant le patient atteint de telle ou telle maladie que l’on n’aura pas la simplicité d’identifier avec la maladie même, en abordant chaque pathologie considérée selon un modèle unique renvoyant à la taxinomie canonique qui établit en les distinguant les diverses manifestations de ce qu’on pourrait appeler une même affection, une même maladie, ce qui constituerait un progrès absolument remarquable au regard de la taxinomie rigide des origines, du 18e siècle, qui voit l’émergence d’une médecine moderne dont la médecine contemporaine demeure toujours plus ou moins, et plus ou moins secrètement,

prisonnière, si l’on ne traitait tout nouveau patient en faisant implicitement référence à un modèle unique, rencontrant toujours le même patient au bout de vingt consultations, traitant, malgré une attention certaine à chaque cas, toujours un même cas, trahissant ainsi, suite à une confusion qui, pour être peut-être inévitable, n’en est pas moins regrettable, entre ce qui relève de la phylogenèse et ce qui est du domaine de l’ontogenèse, quelque mépris à l’endroit des spécificités de chaque occurrence d’une même maladie, aussi bien parfois qu’à propos de l’évolution de la maladie chez un même malade, surtout s’il tarde à guérir, et il faut déplorer ici une certaine indifférence aux leçons que l’on doit aux médecins soignant les maladies mentales ou, même, nerveuses, aux psychiatres, aux psychanalystes qui ont, eux, assez vite compris qu’il n’y a pas LA névrose par exemple, mais toujours des névroses—- soit dit sans référence aux différentes formes bien connues de névrose, vu qu’il n’y a pas non plus LA névrose d’angoisse (ou hystérie), mais toujours des hystéries—-et qu’il s’agit de traiter différemment non seulement d’un patient à l’autre, mais chez le même patient parfois, voire souvent, et tout ceci complique la tâche (énorme déjà) du médecin, non moins que le drame du malade, d’autant plus que comme on commençait à le dire, le confinement, lui-même, n’est pas un traitement, une cure, n’en sera jamais une, même

s’il n’est pas exclu qu’il y puisse contribuer, mais il (le confinement) ne sera jamais, dans le meilleur des cas, qu’un prétraitement, ou plutôt une forme de prévention, dont la nécessité s’impose et la rationalité se précise, alors que l’ancien confinement qui remonte au moins aux temps bibliques était du domaine de la superstition, renvoyait à des croyances douteuses, impliquait une autre vision et une autre pratique du rituel thérapeutique, d’une médecine qui, curieusement, n’était pas toujours sans effets positifs, avec la découverte du virus en tant que vecteur d’infection et la naissance de la virologie, et le problème, ce n’est pas qu’on le considère comme n’étant qu’une mesure visant à éviter la propagation de toute infection et à faciliter le traitement propre à éradiquer, si possible, le virus—ce qu’il est sera appelé à être sans doute pendant assez longtemps encore, perspective bien plus étonnante que terrifiante quand on songe qu’on pouvait, à partir du dernier quart du dernier siècle surtout, mais avant le sida et l’Ebola, des virus tous les deux, prophétiser, sans ridicule, la mort prochaine de la maladie, sinon celle de la mort elle-même—, mais qu’on a fini, sans s’en rendre compte même, par tenir le confinement (l’isolement, l’enfermement, l’incarcération, voire l’incarcération en masse) pour un équivalent du traitement médical doublé d’une décision politique qui, en fait, non pas le traitement, mais le confinement en tant que traitement, précède,

l’autorise, le valide, le légitime et l’aggrave en en confiant l’application (le terme anglais enforcement serait plus approprié ici) à des policiers disposant d’un blanc-seing qui les transforme, dans l’esprit de bien des gens, en soldats d’une armée d’occupation ayant pour mission d’assurer, dans un but de paix et de sécurité sans doute, la quasi-permanence d’un état de siège, dont on se peut demander si ce n’est point là le virus dont il se faudrait le plus protéger, et si, et comme cela est probablement contraire à la réalité des faits, alors nul doute que ce soit encore plus grave, car malgré tout, ce n’est pas le confinement lui-même qu’il faut condamner, ni la volonté de confinement, ni même la décision qui s’y rapporte, mais les modalités plus maladroites que malveillantes de sa mise en œuvre, encore que…

CONFINEMENT- J 9

Le neuvième jour, déjà le neuvième jour, le jour neuf, un jour neuf pas si neuf, pas si nouveau, pas aussi nouveau que devrait l’être, que l’est en principe tout nouveau jour, quand ce jour neuf, qui est bien neuf, n’est—-prodigieux exploit!—- que la répétition du même à l’identique, une répétition de l’ancien, qui sent le rance, le moisi, qui pue, qui exhale une odeur dont on ne manque pas de trouver qu’elle est celle de la maladie, de toute maladie, mais surtout de la généralisation de la maladie, en période d’épidémie par exemple, ou , pire, en temps de peste, une odeur dont dirait bien qu’elle doit être celle de la vieillesse (et non des vieux), si cela avait un sens, mais, comme on ne sait pas ce qu’est l’odeur de la vieillesse, on dit alors qu’elle, cette odeur, a l’odeur de l’odeur qu’on s’imagine être de la vieillesse, une odeur dont croit pouvoir affirmer pressentir qu’elle doit être celle, non pas des morts, des cadavres qui, eux, dégagent bien une odeur, une odeur suffocante, insoutenable, pestilentielle, surtout quand ils s’amoncellent, les cadavres, comme au temps de la peste, mais de la mort qui, elle, n’a pas d’odeur sauf celle imaginaire que l’imagination défaillante des hommes croit devoir lui attribuer et d’autant plus accablante qu’irréelle, un jour neuf dont on espérait qu’il allait apporter, dont on espère encore, mais sans trop y croire, sans y croire du tout, qu’il va apporter du neuf, du nouveau, mais quand le nouveau n’est que la répétition et la confirmation de l’ancien, fût-ce, comme c’est le cas, vu que le nombre de personnes atteintes ne cesse d’augmenter, cependant que s’intensifient les effets d’un nouveau virus, d’un autre virus, celui du confinement qui, virus produit par l’autre virus, le coronavirus, et qui, depuis, s’est comme introduit en son sein, mais non sans l’apport pernicieux d’aucuns qui, croyant bien faire peut-être, l’ont transformé pour en faire un virus d’un genre nouveau, car ce virus-là, qui n’est pas naturel et dont l’idée n’a pu germer que dans le cerveau humain, est (presque) totalement impartial, frappant sans discrimination, ciblant toutes les composantes de la population, à l’exception de quelques-uns (on sait qui), les architectes du confinement qui, eux, n’en doivent, apparemment, subir les conséquences qu’il peut entraîner, les blessures qu’il peut provoquer, mais le virus du confinement, virus conçu et créé dans des salles où ne se réunissent que des experts, les vrais et les faux confondus, pour contenir, pour seulement contenir, et non pour prévenir (au sens que prend ce verbe en médecine préventive), ni pour guérir, les effets dus à la propagation de l’autre virus, du coronavirus, ne laisse pas d’être aussi inquiétant, sinon plus inquiétant que l’autre, les bonnes intentions ayant présidé à sa production nonobstant, non seulement parce qu’il ne guérit, ni (même) ne parvient à limiter les effets de l’autre virus, ni , plus grave encore, parce qu’il risque de condamner à la famine presque toute une population, ceux bénis des dieux exceptés, et, ce faisant de favoriser la naissance de foyers de révolte qui, en la conjoncture présente, peuvent conduire au pire pour tous, à commencer peut-être par ceux qui sont bénis des dieux et leurs admirateurs, mais tout d’abord, parce que le virus du confinement, virus à l’intérieur du coronavirus ou excroissance du coronavirus, dont il se distingue en ce sens qu’il n’a pas vraiment besoin d’hôte pour se propager, peut et va, au bout d’un moment, s’en prendre à toute une population, à toute la population sans distinction, le confinement mis en œuvre, à bon droit, pour combattre la possible propagation du coronavirus, s’avérant plus dangereux que le virus qu’il est censé aider à repousser—-on se pourrait croire dans un ouvrage littéraire ou dans un film, peut-être même dans une série télévisée dont on suivrait compulsivement les épisodes avec un intérêt quasi morbide, si ce n’était pas démesurément effrayant—-, en tout cas, promettant de l’être, si l’on ne s’empressait dès maintenant, rapidement, mais non hâtivement, de revoir la politique du confinement mise en place, ce qui est parfaitement possible et il n’est pas encore trop tard pour redresser la situation, mais si l’on persiste dans la voie choisie, dans un moment d’égarement peut-être, eh bien, …

CONFINEMENT – J 10

A l’épidémie, à la peste comme figures allégoriques de la guerre, elle-même préfiguration, annonciatrice de la mort, « l’horreur absolue », quand elle n’en fut considérée comme étant le synonyme, telle étant l’aversion que l’animal humain éprouve à regarder la mort en face, non sans raison, vu qu’elle n’est pas sans rappeler, si l’on peut dire (peut-on?, le soleil de La Rochefoucauld), avant Hiroshima déjà pourtant, avant Nagasaki, avant la guerre américaine en Corée, avant celle, également américaine, au Vietnam, avant tant d’autres guerres bien plus horribles que les Première et Deuxième Guerre mondiales, des sommets dans l’horreur à l’époque et qui fournirent à juste titre des prétextes ou des opportunités pour évoquer, surtout dans des textes littéraires, la guerre, donc sans en parler directement, a pu (curieusement?) succéder la guerre comme métaphore de l’épidémie, de la peste, car désormais, il semblerait que ce fût le mot « guerre » qui permît de faire allusion discrète à l’épidémie, au virus, quand on ne fût convaincu que l’épidémie, qui a pour origine le virus, que le virus lui-même fût le vrai visage, et le vrai nom aussi, de la guerre, et c’est, contrairement à ce que l’on pourrait croire, bien moins le virus, dont la réalité est indéniable, bien moins sa virulence, sa force destructrice et meurtrière qui expliquent cette substitution métaphorique ou litotique, comme si la guerre était un euphémisme de l’épidémie, et non l’inverse, qu’une confusion langagière (délibérée?) qui, inversant les rapports entre la réalité et la fiction, fait du virus un ennemi à abattre, ce qu’il est sans doute, et de l’épidémie bien plus qu’un événement comparable à un acte de guerre, un véritable acte de guerre qui nécessite une réaction dont la violence devra être plus terrible que celle de l’agression, non moins que celle de l’agresseur, ici le virus, le COVID-19, qui identifie tout un territoire à un lieu où domine la guerre, qui requiert la mobilisation de toute une population, comme en temps de guerre et exige que soit décrété l’état d’exception, occasion suprême pour permettre à tous ceux qui n’ont pas vécu de près, directement les abominations de la guerre, d’en faire l’expérience, mais surtout prétexte inespéré pour imposer, dans le but officiel avoué de protéger la population, des mesures qui, créant une situation de guerre, d’autant plus éprouvante que factice, font vivre à la population le cauchemar de la guerre, alors qu’il n’y a pas véritablement de guerre, sauf en Syrie, en Lybie, en Irak, au Yémen, peut-être également en Iran déjà—-on saura plus tard les causes réelles du coronavirus en Iran, peut-être—–, au Venezuela sans aucun doute, mais pas en Italie, où le virus fait de véritables ravages, ni en Espagne, ni en France, ni à Maurice, où l’emploi du terme « guerre » relève presque de la catachrèse, et, s’il n’y a pas de situation de guerre au sens propre, il n’y a aucun sens à contraindre une population à vivre, à adopter des comportements, comme si l’on était en situation de guerre, même si des mesures sont assurément indispensables pour garantir la protection de tous, mais, le confinement (lequel? c’est de l’irresponsabilité et de la sottise que d’agir et de réagir comme si le confinement ne pouvait, ne peut que prendre la forme d’un enfermement, d’une incarcération de toute une population), fût-il indispensable, ne sera pas moins futile, s’il entraîne la mort de l’économie, notamment en réduisant une majorité de la population à vivre d’expédients, la privant de vivres, en aggravant le désespoir de gens dont les conditions de vie sont bien trop atroces déjà, sans même que s’y ajoute le fléau du confinement, car le confinement, le virus du confinement est un réel fléau dont on n’a pas encore commencé à apprécier la perniciosité et, si jamais on devait le faire, un jour, les conséquences dramatiques, sinon mortelles, de ces quelques de confinement irréfléchi, il sera alors beaucoup trop tard, car ce n’est pas ni le concept, ni la politique, ni même la pratique du confinement qui sont en cause et qu’il faudrait rejeter en bloc, c’en sont les modalités irrationnelles et cruelles entérinées par des individus qui, confinés dans le confort de leur quotidien que pourraient leur envier les rois fainéants d’antan, non moins que les adeptes d’un sybaritisme enragé, ne s’aventurant jamais hors des confins de leurs propriétés acquises de manière fort louche et dans des conditions absolument douteuses, n’ont ni les moyens intellectuels, ni la volonté compassionnelle de comprendre l’insondable détresse de ces gens qui se priveraient volontiers de nourriture pourvu qu’ils puissent nourrir leurs enfants, des bébés souvent, mais qui ne peuvent même pas s’offrir ce luxe, car confinés dans la misère de leurs cabanes, où ne pénètre que rarement le moindre rayon de soleil, par l’inactivité à laquelle les contraint le confinement (dit) sanitaire qui, après leur avoir fait subir les affres de la faim, d’une inanition quasi totale même, les voue à la mort pour les sauver, non sans s’être assuré que, propagateurs possibles du coronavirus, ils n’aient eu la possibilité de contaminer qui que ce soit, et entre-temps, la vie continue (ou est-ce la mort qui persiste à triompher?), et les rois fainéants continuent, convaincus que leur conception, que leur conceptualisation du confinement est, bien évidemment, la seule possible, eux qui sont incapables de sortir des confins où les confinent leurs préjugés, de bâfrer, indifférents, comme d’habitude, à…

 

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