Lettre ouverte aux députés de Pointe-aux-Sables…

ROBERT WALTER

- Publicité -

Chers députés,

Je m’adresse à vous en toute humilité et en mon nom personnel. Je ne prétends pas représenter vos précieux mandants et je ne vous promets pas mon vote aux prochaines législatives. Il n’y a d’ailleurs jamais eu et il n’y en aura jamais, entre vous et moi, le moindre atome crochu. Je vous fais simplement part de mes angoisses au sujet de l’implantation d’une unité de traitement et d’entreposage de fertilisants NPK par Desbro Trading à Pointe-aux-Sables, à moins de 50 mètres des habitations de Morcellement Rey. Nous craignons pour notre santé et surtout pour celle de nos enfants. Si Landscope Mauritius et le ministère de l’Environnement affichent une satisfaction béate devant les arguments de Desbro Trading concernant la qualité écologique du projet, tel ne semble pas être le cas pour les riverains.

Nous avons des raisons de croire que c’est une poudrière qui s’installe chez nous. Le rapport EIA de Desbro nous indique, en une phrase lourde de sens, que sa délocalisation de Saint-Pierre est en partie « due to the growing population in St Pierre ». Devrions-nous comprendre que la population, « aussi growing » de Pointe-aux-Sables serait plus apte à vivre à l’ombre d’une bombe à retardement ? Est-ce parce que nos députés seraient de moindre importance ?
Selon le journaliste environnemental américain Marc Lallanilla (what causes fertilizer explosions – LiveScience.com), « a fire anywhere is cause for concern, but a fire at a fertilizer plant is a potential catastrophe ». Cela, en raison de la présence du nitrate d’ammonium responsable entre autres de l’explosion de West Fertilizer Company qui a tué 14 personnes en avril 2013 au Texas. Ce même produit avait été utilisé par Timothy McVeigh pour le camion piégé à Oklahoma City en avril 1995, tuant 168  personnes et blessant 700.

D’après un rapport de l’ENSOSP (École Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs Pompiers (France) (http://crd.ensosp.fr/doc_num.php?explnum_id=8104 ), une formulation NP, NPK, avec du nitrate d’ammonium serait sensible au phénomène de DAE (décomposition thermique auto-entretenue) et pourrait dégager des fumées épaisses chargées de vapeur d’eau, de gaz toxiques et corrosifs. Ce même rapport fait état des accidents survenus dans des entrepôts de NPK :

« France – Nantes – 1987 – Réf BARPI 5009:

850 T d’engrais NPK 15-8-22, stockés dans un entrepôt du port, ont fait l’objet d’une DAE, initiée par une source électrique, pendant plusieurs heures. Le développement d’un épais nuage toxique jaune, sur 10 km, a incité le préfet à faire évacuer 70 000 personnes.

France St Nazaire – 2002 – Réf. BARPI 23155:

Le chargement de 2 700 T d’engrais NPK 15-12-24 du cargo « DENEB », apponté au port de St Nazaire, a fait l’objet d’un phénomène de DAE, initié par un projecteur. Le développement d’une épaisse fumée blanchâtre a incité le Préfet à faire confiner 10 000 personnes.

Espagne – (2007) – Réf. BARPI 32752:

Le chargement de 6 000 T d’engrais NPK 15-15-15 du cargo hollandais « Ostedijk » a fait l’objet d’un phénomène de DAE, initié par point chaud (serpentin chauffant), au large des côtes espagnoles. La décomposition a duré plusieurs jours, le cargo a fait l’objet d’une quarantaine au large avant d’être autorisé à accoster au port de Bilbao.

Brésil – (2013) – Noticias.Terra.com.br :

Le 24 septembre un stockage de 10 000 T d’engrais à base de nitrate d’ammonium, dans le dépôt du terminal ferry de São Francisco do Sul, a fait l’objet d’un phénomène de DAE. L’émission d’un nuage jaune orangé épais pendant plusieurs heures a nécessité l’évacuation de plusieurs quartiers exposés aux fumées, puis de la ville entière. »

Ma démarche n’est que citoyenne. Je suis un profane en la matière et je n’ai aucune formation qui me permet de comprendre les aspects techniques des méthodes de production et de stockage de Desbro Trading. Cependant, j’exige de vous et des promoteurs du projet bien plus que quelques belles paroles pour apaiser nos craintes. Nous avons besoin de garanties formelles des engagements pris par le gouvernement et la compagnie pour dédommager les riverains en cas de catastrophe. Nous demandons voix au chapitre. Tout comme le Titanic que, selon un de ses ingénieurs, même Dieu ne pouvait couler, ce même Dieu sait si notre histoire contemporaine pullule de catastrophes jugées impossibles à se produire. Bhopal, AZF, Exxon Valdez, l’effondrement du pont Morandi de Gênes…la liste est longue.

Les habitants de Pointe-aux-Sables sont devenus, en quelques années, les parias de la République. Sous vos yeux impassibles, nos différents gouvernements, dans lesquels vous avez été à un moment, de près ou de loin, partie prenante, ont décidé de nous emmerder. Au milieu des eaux colorées des teintureries, des effluves d’une station de traitement, de la poussière d’une concasseuse, des fumées toxiques d’une fonderie, sans compter la menace d’un Petroleum Hub en remplacement du CT Power de triste mémoire, nous ne savons plus à quel saint nous vouer. Comme un cancer, la zone industrielle, qui a pris sa source à La Tour Koenig, étend ses tentacules destructeurs jusqu’aux morcellements Rey et Ghurburrun.

Chers députés, la saison des mamours préélectoraux est déjà là et certains d’entre vous se sont déjà maquillés pour faire la zoli mamzel pou atir pwinter  ek gagn pouvwar. Je désespère de vous voir vous engager sur l’honneur, mais mettez au moins un peu d’honneur dans votre engagement. Faites le boulot pour lequel vous êtes payés. Si vous n’avez pas la possibilité de le faire convenablement au cirque du sommeil qu’est notre parlement, sachez que de belles victoires se gagnent dans la rue.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour