VIOLENCE. Quoi faire?

Mélanie Vigier de Latour-Bérenger
Psychosociologue
Membre du Kolektif Drwa Zanfan Morisien (KDZM)
Membre de la Société des Professionnels en Psychologie (SPP)

Pour une prise en charge de la violence, il s’agira d’adopter une vision globale sur les plans: individuel, familial, institutionnel, scolaire, judiciaire, etc.

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Et d’agir sur les plans individuel, institutionnel et national.

Nous sommes chacun.e, tenus.es d’agir, de prendre position, d’apporter notre pierre à l’édifice d’une société qui trouve et met en place des alternatives à la violence.

L’Etat, les institutions et NOUS !

Alors soyons acteurs.trices !

Deux moyens principaux d’action sont essentiels :

La prévention en posant des actes éducatifs qui participeront à l’étayage et à la construction psychique et sociale des enfants et des adolescents ET l’intervention pour protéger les personnes victimes.

S’opposer à la violence revient à AGIR sans violence.

Cela revient donc à éviter de prôner la peine de mort, forme de violence ultime et meurtrière préméditée.

Cela revient à éviter de dire ou écrire et encore moins de le mettre en action de frapper les auteurs.es de vols, de violence. Ou ceux. Celles qui sortent de leur maison en temps de confinement.

Cela revient à éviter de frapper un enfant ou de lui hurler dessus s’il frappe un autre ou s’il crie.

Cela revient donc à tenter d’être un témoin de non-violence. A faire notre maximum pour éviter d’adopter des comportements agressifs.

Et si nous y avons recours, si nous l’avons eu dans le passé, nous apprenons à nous excuser pour la souffrance causée.

Car oui, la violence est source de souffrance. Et toute forme de violence !

L’impact psychologique est étudié depuis plusieurs années : image de soi fragilisée, manque de confiance en soi, dépression, hypervigilance, troubles de stress post-traumatique…la liste est longue.

Les avancées scientifiques permettent d’observer grâce aux IRM, entre autres, l’impact des actes d’agression sur le cerveau des personnes victimes, sur la compréhension du langage (Choi, 2009), sur la capacité de sentir et de comprendre les autres, de réfléchir sur nos actes vu l’impact sur la zone la plus antérieure du cortex préfrontal, essentielle pour la vie sociale, impliquée dans la connaissance de soi et ayant un rôle dans l’attention et la mémoire de travail. (Tomoda, 2009)

Les dernières recherches montrent que les paroles humiliantes peuvent détruire les neurones, selon Dre Catherine Gueguen (2015).

Le lien est fait entre les punitions corporelles reçues durant l’enfance et le développement chez l’adulte de troubles de l’humeur, de dépression, de manie, de troubles anxieux, d’une dépendance à l’alcool et aux drogues et de troubles de la personnalité, en particulier des troubles dissociatifs. (Afifi T.O & al, 2012).

On observe, chez les personnes victimes, une diminution de volume du cortex orbito-frontal. Or cette région joue un rôle primordial dans nos capacités d’affection, d’empathie et dans notre sens moral et participe à la régulation de nos émotions : difficultés dans la vie relationnelle. (Hanson, 2010)

En 2014, les chercheurs de l’Université de Genève ont pu observer des modifications chimiques de l’ADN suite aux maltraitances et agressions subies dans l’enfance !

Toute forme de violence qu’elle soit psychologique, émotionnelle, verbale, sexuelle ou physique, outre le fait d’être inutile, inefficace (non, une claque ne corrige pas !) et injustifiée, laisse des traces importantes dans la vie, le cœur, les corps et les relations de toute personne victime.

Ce n’est pas facile de revoir nos comportements. Pas facile de remettre en question l’éducation reçue car beaucoup d’entre nous adultes ont été frappés, humiliés sous prétexte d’être « corrigés » ou victimes d’une forme de violence.

Nos parents et enseignants ont cru bien faire peut-être avec l’emploi de châtiments corporels. Peut-être. Les recherches nous permettent aujourd’hui de bien mesurer l’impact des violences éducatives ordinaires, de toute violence.

Alors oui, ils ont fait de leur mieux mais cela doit être revu aujourd’hui. Il n’y a pas de petite claque ou de petite injure. Nous sommes responsables de développer des alternatives pour éviter le recours aux comportements agressifs.

Certes ce n’est pas facile. Rien de l’est. Mais c’est à nous adultes, parents, éducateurs.trices d’agir, de montrer les alternatives à ces actes agressifs.

L’OMS a reconnu en 2010 que le facteur principal pour subir ou commettre des violences est d’en avoir déjà subi, selon Dre Muriel Salmona (2014).

Regardons-nous, adultes, fonctionner. Dans nos paroles, nos gestes, nos regards. Prenons soin de nous et continuons d’enrichir notre répertoire d’alternatives !

En ces temps de confinement, plusieurs facteurs de risque de violence sont à l’œuvre, densité sociale, densité spatiale pour certaines familles, difficulté à gérer le stress, isolement social, précarité économique, etc.

Nous devons être vigilant.e pour éviter le recours à la violence et aussi ne pas être témoin passif des situations de violence chez nous ou près de chez nous.

Quelques pistes qui peuvent aider:

  • Bien garder en tête qu’un enfant a besoin de jouer, courir, sauter, de s’exprimer, d’être vu, entendu, reconnu. Demander à un enfant de rester « sage », immobile et calme pendant toute une journée n’est pas juste, ni approprié. Prenons donc soin de nous pour avoir de la bienveillance et la patience de lui donner aussi cet espace.
  • Oser dire STOP et arrêter toute situation de violence à laquelle on est témoin ou qu’on subit : Intervenir quand 2 enfants se frappent, s’humilient. Dire d’arrêter sans intervenir physiquement quand 2 adultes se frappent. Ne pas être un témoin passif mais aller taper sur la porte des voisins si vous entendez des cris, des coups. Car se taire, c’est laisser-faire. Et plus les conséquences perdurent, plus l’impact est important.
  • Demander de l’aide et appelez les numéros qui peuvent aider

Police:

Maurice : 148/ 208 12 12/ 208 00 34/208 00 35

Rodrigues : 831 15 36

Enfants :

Maurice : Child Development Unit (CDU) du Ministère de l’Egalité du Genre, du Développement de l’Enfant et Du Bien- être de la Famille. Tel: 113

Rodrigues : 8324118/ 8324183

Violence domestique :

Maurice : Family Support Bureau : 139

Rodrigues: PFPU: 8324119

Aide thérapeutique :

– Ministère : 139 ou 113 v en libéral. SPP. www.sppmaurice.com. Par mail : contact@spp-maurice.com ou facebook

– Thérapeutes de l’APACP sur Facebook.

– Hotline en temps de confinement pour un accompagnement thérapeutique en ligne ou par téléphone, par des professionnels.les en psychologie de la SPP et l’APACP : 5 455 31 69

  • Faire attention à soi quand on sent qu’on va déraper et agir en étant agressif.ve dans nos mots, notre regard, nos mimiques ou nos actes. Cette situation de confinement nous fragilise plus, tous.tes

-S’arrêter, prendre conscience de ce qui est en train de se passer en quelques secondes, nous connecter avec ce que nous ressentons, respirer et s’éloigner quelques minutes. Aller boire un verre d’eau et se calmer. 5 grandes respirations permettent déjà de réduire le rythme cardiaque et nous commencer à nous calmer.

– Apprendre à mettre en mots ce que l’on ressent, comment cela se manifeste dans mon corps et mes pensées. Apprendre à le communiquer en disant JE et dans le respect de moi, des autres et de l’environnement. Apprendre à mettre en mots plutôt qu’en actes mes ressentis, souffrances.

Dire que je suis en colère sans frapper, hurler, jurer ou humilier l’autre, ou casser des objets. Selon Cyrulnik (2006), mettre son vécu en mots pour les raconter à un autre est lié à l’aire cingulaire du cerveau, provoquant donc un soulagement. Parler de ce que nous ressentons est donc très important.

Selon Daniel Siegel, professeur de psychiatrie et expert sur le cerveau, pour faire collaborer les deux hémisphères de notre cerveau, il faut apprendre à mettre des mots sur ce que l’on ressent. Cela contribue à avoir une bonne santé mentale.

  • Si j’ai des comportements agressifs ou paroles agressives, je m’excuse et je suis responsable d’apprendre d’autres alternatives. Demander pardon montre aussi aux enfants qu’on peut, en tant que parent, faire des erreurs et qu’on sait s’excuser. Précieux exemple.
  • Prendre soin de soi en consacrant quelques minutes par jour aux activités qui nous font plaisir : prendre une tasse de thé, sentir l’odeur de l’herbe mouillée, écouter une chanson qu’on aime, lire, faire un câlin à notre enfant, etc. Des petits gestes qui font une réelle différence dans notre vie. Au moins 5 choses par jour à mettre en place pour nous aider à nous sentir bien et être dans la gratitude pour cela.
  •  Apprendre à gérer son stress et sa colère.
  •  S’adonner aux activités physiques et d’expression pour nous et faire les enfants se dépenser. Le yoga, méditation, relaxation sont des pistes très importantes et qui ont fait leur preuve en termes de régulation d’émotions.

La liste d’outils de prévention est plus exhaustive et en amont devrait aussi être mise en place : l’accompagnement des parents depuis la grossesse et à la maternité pour les aider à prendre conscience des enjeux, du développement de l’enfant, donner des outils de discipline positive, non-violente, etc.

Agissons déjà sur le plan individuel pour prendre soin de nous et des autres ! Ces actions permettront d’éviter des dégâts psychologiques et sociaux, des conséquences graves, des meurtres …Un pas pour faire une grande différence !

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