Bouloute Beats à Cité-la-Cure : la petite école aux grands beats

Quelques mètres carrés suffisent à Frédéric Emmanuel Dorlin, alias Bouloute, pour enseigner aux générations montantes les secrets de la batterie. Une éducation de qualité, mélangeant théorie et pratique, distillée par le showman des Anonym et de Zulu. De : Joel Achille

La table à manger a été poussée contre le mur. Sur elle s’entassent des fiches de partition, des cahiers, des dessins. Au milieu des buffets d’argenterie et de bibelots, de la place a été faite pour des instruments de pratique, fabriqués par Frédéric Emmanuel Dorlin. Ses élèves s’y échauffent et perfectionnent leurs mouvements, avant de prendre place devant la batterie installée au coin de la pièce, qui jouxte le salon.

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Aménagé dans la maison familiale, à Cité-la-Cure, l’école de percussions Bouloute Beats a vu le jour dans la tempête du confinement, il y a deux ans, « pou gagn enn viv ». Y sont enseignés la batterie, le djembé, le tambour, les congas… « A l’époque je donnais des cours jusqu’à 20h », relate le batteur du groupe Anonym. « Maintenant je m’arrête à 19h. Je ne peux pas faire de bruits parce que la chambre de mon voisin se trouve juste derrière ce mur », ajoute-t-il.

Gary Victor et Zulu.

« J’avais tout le temps envie de vivre de la musique », explique le jeune homme de 26 ans, qui accompagne également Zulu, le chanteur de Mahébourg. Son engouement pour les percussions remonte à l’enfance, bercé par les rythmes du djembé. Une ironie, car « personne dans ma famille ne joue de la musique ».

Aux portes de l’adolescence naquit la passion pour la batterie, qu’il apprit à dompter « par moi-même ». L’Atelier Mo’Zar vers la Form 5 et des professeurs au privé l’aidèrent à se perfectionner. Frédéric Emmanuel Dorlin accompagna Gary Victor, qui connaissait alors le succès avec Zoli Mamzel. Un passage de deux années au conservatoire lui permit de compléter la Grade 8. « Je savais déjà jouer. Et puis j’ai appris à lire les partitions », précise-t-il.

Ses élèves commencent leur session attablés. Plumes en mains, ils écrivent et corrigent des partitions. « Cette ligne doit être alignée juste en dessous de celle-là. Ils prendront cela en compte pour les examens », indique Frédéric Emmanuel Dorlin à un jeune de 17 ans. « S’ils ne connaissent pas lire les partitions, plus tard ça deviendra un handicap », poursuit-il.

Tandis que deux de ses élèves prennent place sur les instruments de pratique – pour la deuxièle partie du cours -, un timide cognement résonne à la porte. « Tu as envie de jouer à la batterie? Vas-y entre », lance Frédéric Emmanuel Dorlin à un petit curieux de sept ans, qui vient « souvent » assister à ces cours. « Ce n’est pas un de mes élèves, mais il se débrouille et aime jouer. Donc je le laisse ». Le petit s’assied patiemment et attend son tour, en regardant les grands d’un air émerveillé.

Bouloute des îles.

Ces derniers rêvent de connaître les grandes scènes. Comme celle qu’arpentera Frédéric Emmanuel Dorlin en France, le mois prochain. Le chanteur français Christophe Maé accueillera Anonym en première partie à l’Olympia, prestigieuse salle de spectacle de Paris. Un mois particulièrement chargé attend la formation produite par Culture Events. Car des échanges musicaux sont également prévus à la Réunion.

Sur scène, Frédéric Emmanuel Dorlin abandonne sa quiétude d’enseignant pour devenir Bouloute. Un showman endiablé, qui s’époumone à la batterie. Tant et si bien que tombe naturellement son haut pour libérer les muscles qu’il sculpte à la gym. L’énergie sulfureuse dégagée fait de lui un briseur… de baguettes, qui ne peuvent résister à la violence d’être cognées contre tout ce qui dégage un son. Bouloute fait le show. Une démesure dans les mouvements qui enfièvre les foules.

Du dessin à la batterie.

« Tu dois exagérer tes mouvements quand tu joues lentement », préconise Frédéric Emmanuel Dorlin d’une voix calme à l’adolescent, installé finalement devant la batterie. « Parce que quand tu accélèreras le rythme, le son sera beaucoup trop faible si tu n’exagères pas ta gestuelle ».

Après quarante-cinq minutes avec des adolescents, des enfants de cinq à sept ans prennent place à la table. Ils colorient des images de clefs de Fa, entre autres. « Pour les petits, au lieu que je leur dise ‘ça c’est une clef de sol’, je leur demande de la dessiner. Après, je leur fais rédiger cela sur deux ou trois colonnes pour qu’ils aient l’habitude d’écrire les notes. Ils ont ainsi un premier contact avec elles », souligne-t-il.

Dans sa maison de Cité-la-Cure, Frédéric Emmanuel Dorlin rêve « d’avoir mon propre établissement. Une vraie classe avec de vrais équipements ». L’ambition que cultive le plus jeune de sa fratrie permet à plusieurs enfants de cette région de grandir avec la musique.

« Quand j’ai commencé à donner des cours, j’ai découvert quelque chose qui dépasse ce à quoi je m’attendais », explique-t-il posément. « J’aide les petits grâce à la musique. Quand on partage, qu’on rit, kan mo trouv lazwa dan zot, je me sens heureux ».

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