Décès de Jacques Rivet : Un grand homme s’en est allé

« Les vrais repères d’une nation ne se mesurent pas toujours à son seul taux de croissance, ou à son degré de démocratie, ou encore à ses ronds-points neufs ! Faut-il encore qu’elle sache sourire et rêver un peu, en dehors de cet affairisme qui s’installe de plus en plus, pour ne pas avancer follement dans le vide. »

- Publicité -

C’est sur cette note que Jacques Rivet terminait le premier éditorial de Week-End/Scope qu’il lançait en novembre/décembre 1988. Plus d’une décennie après un « premier combat un peu raté », il reprenait ses “gants” pour offrir à Maurice ce qui deviendrait rapidement un de ses principaux magazines. Après avoir lancé Week-End, le directeur du Mauricien Ltd voulait « combler ce fossé qui existe entre ceux qui font la vie artistique et culturelle du pays et le grand public. »

Homme de terrain, Jacques Rivet est ici les champs de cannes à Quartier Militaire pour l’enregistrement du CD du Tifrer

Le défi était de taille, mais pour un homme habitué aux grands combats c’était une bataille qui se devait d’être menée afin que les Mauriciens puissent voir « tout ce qui se fait d’intéressant hors du bouillonnement incessant de la vie politique et économique de l’île Maurice. »

Cette vision Jacques Rivet l’avait léguée aux différentes équipes qui ont animé Week-End/Scope au fil des décennies. 1730 numéros plus tard c’est le même esprit qui habite le magazine qui, comme ce fut le cas en 1988, s’est réadapté pour mieux répondre aux besoins du marché en considérant les changements et évolutions qui sont intervenus dans le monde de la presse.

La liberté accordée à ses équipes a permis à Scope d’être sur différents fronts et d’accompagner plusieurs projets qui ont contribué à structurer le pays durant ces dernières décennies. Ceux qui ont bénéficié de la visibilité que leur a accordé le magazine tout comme ceux qui sont restés informés de cette autre actualité du pays le doivent à la vision de cet homme hors du commun qui, tout en aimant l’opéra, la musique française, entre autres comprenait et appréciait la culture mauricienne dans son sens le plus profond et dans sa diversité.

Jacques Rivet a connu nombreux de ceux qui ont marqué la scène culturelle du pays et se plaisait souvent à nous remémorer les souvenirs qu’il avait partagé avec certains d’entre eux et les autres célébrités de passage. L’histoire qui semblait lui plaire le plus était celle de sa longue amitié avec Ti Frer qu’il a connu à la fois comme garde-chasse et comme ségatier. D’ailleurs, sans son implication personnelle l’unique CD enregistré par Alphonse Ravaton de son vivant n’aurait sans doute jamais existé.

Lors du lancement du CD de Tifrer rendu possible grâce à l’implication personnelle de Jacques Rivet

Les anecdotes accumulées durant sa longue et riche carrière de journaliste, il en avait mille à raconter à chaque rencontre. Dans la foulée, il poussait aussi de l’avant les multiples projets et plans qui lui trottaient en tête et qui revenaient dans les dernières conversations que nous avons eues avec lui. Visionnaire en avance sur son époque il avait sans doute encore d’autres idées à concrétiser…

Et dans la foulée, d’autres femmes/hommes à bâtir. Parce que travailler sous la direction de Jacques Rivet c’était aussi avoir l’immense opportunité de grandir, d’aller plus loin, plus haut. Au-delà d’être simplement de bon conseil il savait avant tout donner l’exemple, montrer la voie. Il offrait l’occasion à ses collaborateurs d’avancer en toute liberté vers de nouveaux horizons. L’essentiel étant de rester attaché aux valeurs du journalisme dans le respect du lectorat et de l’information. Ce sont, en effet, des générations entières de femmes et d’hommes qui ont été forgées à son école, parmi des flopées de jeunes qui ont grandi et muri entre les murs du Mauricien Ltd qui portera pendant longtemps encore son enseignement et sa vision.

Nos sympathies vont à son épouse, à ses enfants et à ses proches. Un grand homme s’en est allé nous léguant son optimisme et sa foi en la vie. Ainsi, pour l’édition 1000 de Scope il écrivait son espoir : « La différence viendra, demain, là où se réveillera cette petite étincelle, ce petit plus qui nous mènera au-delà de ce mur qu’on aura, tous, bien voulu construire ensemble pendant de longues et abrutissantes décennies, sans trop savoir qu’on s’en rapprochait inexorablement. Et qu’on découvre, soudain, planté devant nous. Presqu’insurmontable !

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -