Maison bretonne à la maison traditionnelle mauricienne : Thierry de Comarmond raconte notre architecture

A 77 ans, l’architecte et urbaniste Thierry de Comarmond lance son premier ouvrage le 20 octobre au Hennessy Park Hôtel à Ébène. De la Maison Bretonne à la maison traditionnelle mauricienne jette un coup de projecteur sur l’histoire de l’architecture résidentielle de Maurice entre 1715 et 1900. Populaire pour son engagement dans la sauvegarde et la valorisation du patrimoine mauricien, l’auteur nous invite à parcourir avec lui les esquisses ayant mené à cette réalisation. Le premier jet, d’une série de six livres, à paraitre dans son « Cahiers du Patrimoine ».

A sa résidence à Balaclava, Thierry de Comarmond parcourt les pages de ce premier projet d’écriture. Il est né de sa passion pour la sauvegarde et la valorisation du patrimoine. Les recherches entreprises par les étudiants de cet ancien chargé de cours en Histoire de l’Architecture entre 2012 à 2018 lui ont aussi été préciseuses. Un nouveau chapitre de sa vie que le septuagénaire aborde avec un sentiment de fierté “en espérant qu’il sera utile au patrimoine”.

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De la colonisation française, en 1715, jusqu’au début du 20e siècle, l’histoire de l’architecture résidentielle mauricienne se dévoile à travers des textes et des illustrations. “Les premiers bâtisseurs, qui étaient des colons bretons arrivés à Maurice au 16e siècle ont apporté  avec eux des maîtres d’œuvres et des artisans bretons pour réaliser leur constructions”. Ces derniers construisirent les premières maisons suivant l’architecture vernaculaire bretonne. Quelques-unes de leurs particularités sont une toiture à 2 ou 4 pentes en ardoise sur charpente en bois de chêne, des murs en pierre, des portes et des fenêtres sur les façades avant et arrière disposées symétriquement avec au centre la porte d’entrée. “Au fur et a mesure, ces mêmes bâtisseurs ont adapté leurs constructions au climat de l’île, ses micro-climats et ses matériaux locaux.  C’est ce qui a mené à notre architecture traditionnelle mauricienne”.

Tradition architecturale bretonne

La contribution des artisans tamouls vers du sud de l’Inde est aussi mise en exergue. “Si les maitres d’œuvres étaient les bretons, les artisans tamouls travaillaient, eux, comme tailleurs de pierre,  charpentiers, verriers et dans d’autres métiers du bâtiments”. Dans le même temps, les esclaves se sont aussi initiés au métier et “après l’abolition de l’esclavage, ils ont pris le relai en tant qu’ouvrier du bâtiment”.

Pourtant, ces métiers issus de la tradition architecturale bretonne ont failli disparaître au début du 20e siècle : “Lorsque, l’acier, le ciment portland et le béton armé sont venus cela à changer radicalement l’aspect et l’agencement de toutes les constructions”. Cependant, ces métiers de la construction traditionnelle ont été sauvés de justesse par l’industrie touristique. Principalement parce qu’on s’est rendu compte que les touristes de passage dans l’île, “en quête d’exotisme et d’histoire”, désiraient une architecture traditionnelle dans les hôtels. Les architectes introduisirent de nouveau des matériaux anciens comme la pierre naturelle, la charpente en bois, le chaume, le raphia, le fer forgé entre autres. Parce que “l’architecture c’est aussi un art visuel”, l’auteur prête un soin particulier à la présentation de son livre. Les185 ans d’histoire d’architecture résidentielle de Maurice se déclinent sous forme de textes et d’images. Ces derniers sont signées Alain Fausto Dalais, un passionné de photographie et ancien journaliste sportif de la région Océan indien.

La maison traditionnelle mauricienne

Feuilletant son ouvrage, Thierry de Comarmond raconte que ces maisons à l’architecture bretonne sont éparpillées dans l’île. Des gravures réalisées depuis la Citadelle montrent d’ailleurs une grande concentration de maisons bretonnes urbaines bourgeoises à Port-Louis.

La maison de Jean de Robillard à Mahébourg, aujourd’hui le Musée Naval, est considérée comme “la plus bretonne des maison mauriciennes”. Depuis sa construction en 1740, elle a beaucoup changé. Comme décrit dans le livre : “La basalte a été troquée pour le granite et qu’elle se pare de bois de natte, de bois de fer et de bois de rose à la place du chêne et que les ardoises se décline aujourd’hui en barreaux de teck, ça reste une architecture très bretonne”. D’autres constructions populaires sont : La Villebague, à Grande Rosalie, construite en 1743, Le Château Mon Plaisir (1738), à Pamplemousses (ancienne demeure de Mahé de Labourdonnais), mais encore le château de Réduit, l’ancienne résidence des gouverneurs bâti en 1750. C’est à cette époque, particulièrement avec la construction du château de Réduit, que la véranda, plus connu comme la varangue, fit son apparition. Un élément qui s’acclimate à notre climat tropical et “c’est ce qui marque l’ère de la maison traditionnelle mauricienne de la maison bretonne”.

Ainsi, a partir du Réduit, l’architecture résidentielle chemine aussi vers deux directions: les Châteaux et les Maisons traditionnelles mauriciennes. Nous apprenons que les châteaux sont généralement en pierre avec une large véranda selon l’architecture gréco-romaine ouverte sur 1, 2 ou 4 cotes. Alors que les maisons traditionnelles sont en bois et “seul leur soubassement est en pierres de taille et moellons de basalte”, comme décrit dans l’ouvrage. De souligner que le terme « Maisons traditionnelles » apparait pour la première fois en 1978 dans le livre de l’architecte français, Jean-Louis Pages. Ce dernier regroupe sous ce terme, à la fois les  « maisons coloniales » et « les maisons créoles ». Des constructions qui ont la même architecture, mais qui se différencient au niveau de la taille. Etant plus grande, la première est associée aux colons ainsi qu’à la haute bourgeoisie. Et la second à la moyenne et petite bourgeoisie.

Sensibiliser à la protection de notre patrimoine

Aussi, l’une des plus anciennes maisons traditionnelles à Maurice est Eureka à Moka, qui date de 1835. Les Aubineaux à Forest Side Curepipe (1872), La Clarisse House (1870) ou encore La Malmaison (1890) aujourd’hui l’hôtel de Ville de Curepipe, de même que l’Institut Cardinal Jean Margéot sont autant de maisons traditionnelles qui font partie de notre histoire architectural résidentielle. En ce qui concerne les châteaux, six ont été construits de 1750 à 1895. Notamment le Château du Réduit (1750), l’actuel Evêché́ de Port Louis (1816), le Château Saint Antoine, à Goodlands (1842), le Château de Labourdonnais, à Mapou  (1858), le Château Mallac, à Curepipe, devenu Park Hotel en 1952 et démoli en 1973, et, le Château de Bel Ombre (1890). Parallèlement, le château Mon Plaisir était à la base une maison bretonne, mais elle a été élevée au rang de château après l’ajout d’une galerie couverte sur 4 cotés.

A travers la collection de livres à paraitre dans son Cahiers du Patrimoine, le but de Thierry de Comarmond est de sensibiliser un large public à notre patrimoine et faire valoir le rôle des bâtisseurs au cours de 300 ans histoire du pays.

Les publications à venir sont: Les plus beaux édifices religieux de Maurice et Rodrigues, Architecture civile et militaire de Maurice et Rodrigues, Architecture industrielle commerciale de l’île Maurice, Le théâtre de Port-Louis (son architecture, son histoire) et 1920-1950 ART DECO tropical à Curepipe.


Thierry l’architecte

Thierry Comarmond est né à Madagascar d’un père mauricien et d’une mère française. Dès son enfance, il est fasciné par la riche architecture traditionnelle de Antananarivo aussi  bien que par les constructions rurales. Sa vocation était toute trouvée. Marié à Marie Strebelle, ils eurent quatre enfants, Laurent, Julie, Cécile et Alice.

Quand il obtint un poste d’urbaniste à la coopération française en 1984, Thierry de Comarmond est déployé dans plusieurs pays, entre autres Les Seychelles, Madagascar, Djibouti, Côte d’Ivoire avant de rentrer à Maurice en 2004 pour entamer d’autres projets. Mais auparavant, de 1970 à 80, cet ardent défenseur du patrimoine a été de tous les combats pour empêcher que l’Etat et les promoteurs privés ne démolissent les patrimoines importants de notre architecture. Une période sombre de notre histoire, avance l’ancien président de la Mauritius Association of Architects, ou fut détruit le marché de Curepipe, l’ancienne Boulangerie du Roy ou se dresse aujourd’hui la State Bank, et bien d’autres pan de notre patrimoine. “Nous avons manifesté pour empêcher cela, et éveiller les consciences aussi bien dans le secteur privé que public. On n’avait pas conscience de la valeur de ces patrimoines et qu’ils étaient important pour construire la nation mauricienne”.

La School à la rue Edith Cavell, l’ancien consulat de France à la Rue Saint Georges, le théâtre de Port-Louis et du Plaza, l’Hôtel de Ville de Curepipe sont autant de bâtiments historiques, parmi tant d’autres, qu’il a défendus.

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