Ses deux fils sont toxicomanes : A 25 et 26 ans ils volent leur mère pour se droguer

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Véronique est une femme apeurée et meurtrie. Son époux, décédé depuis cinq ans, était toxicomane. En grandissant dans la précarité et dans cet environnement, deux de ses six enfants sont à leur tour, tombés dans la toxicomanie très tôt. Ils ont été en situation de rue pendant leur enfance et une bonne partie de leur adolescence. Malgré les efforts de leurs proches et des travailleurs sociaux, Jérémie et Williams, âgés de 25 et 26 ans respectivement, provoquent un cauchemar sans fin pour la mère de famille qui mène un combat quotidien.

À Camp-le-Vieux, à peine passé le pas de sa porte, Véronique s’enferme à double tour. “On ne peut jamais savoir quand William et Jérémie peuvent débarquer et voler mes effets personnels”. Savates, assiettes, couteaux, draps, portables, tous les objets ou vêtements, tout peut disparaître. Ses deux enfants sont toxicomanes. Sous l’effet du manquent qu’ils deviennent violents quelques fois, “surtout quand ils n’arrivent pas à trouver la somme nécessaire pour leurs doses d’héroïne”. Les quelques meubles encore présents dans la maison – sofa, table, lits – sont, soit endommagés, ou dégradés par le temps.

Les six enfants de Véronique sont âgés entre 18 et 36 ans. Ces deux benjamins, âgés de moins de 20 ans, vivent avec elle, alors que les deux ainés qui sont mariés se sont installés ailleurs. En ce qui concerne les cadets, William et Jérémie, c’est dans une petite pièce de fortune dans son arrière-cour qu’elle a dû se résoudre à les installer. La pièce est en désordre, sale et malodorante. Un vieux canapé troué et un matelas en mauvais état sont les seuls meubles ici. Des amas de vêtements humides et sales sont visibles à travers cette pièce ouverte où, pour masquer le vis-à-vis, des draps font office de rideaux. C’est la seule solution qu’a trouvée la mère de famille pour ses cadets. “Je ne peux pas les laisser habiter dans la maison en raison de mes deux autres enfants. Mais je ne peux non plus les laisser à la rue.” Véronique leur donne à manger et les laisse rentrer uniquement quand elle est présente.

“La vie ne m’a jamais fait de cadeaux. Mes enfants ont été témoins et victimes de la toxicomanie et de la violence de leur père. Il se droguait et nous frappait souvent. Il ne donnait pas un sou pour les dépenses de la maison.” Quand ses enfants étaient petits, elle travaillait dans plusieurs endroits “dan lakour madam” pour être en mesure de subvenir à leurs besoins. Livrés à eux-mêmes, William et Jérémie ont été les plus affectés. Déscolarisés vers l’âge de douze ans, ils ont commencé à avoir de mauvaises fréquentations et avaient souvent des ennuis avec les autorités, “et c’est encore le cas aujourd’hui”, tient à rajouter cette dernière. “Tou zot letan ti fini lor sime, mo pa ti ena okenn kontrol lor zot et zot ti pe mem snif lakol.” Véronique est consciente qu’ils ont eu un mauvais départ dans la vie, mais aussi un mauvais encadrement. Quand ils étaient petits, elle les laissait souvent chez ses parents pour aller travailler. “Sauf que ces derniers ne les traitaient pas bien.” Quand ils faisaient des bêtises, “mon père les frappait et les mettait dehors, à la rue, sans leur donner à manger.” Un temps, Véronique a eu une lueur d’espoir, pensant que William et Jérémie pourraient s’en sortir à travers l’encadrement de l’ONG SAFIRE (Service d’Accompagnement, de Formation, d’Insertion et de Réhabilitation de l’Enfant).“William a même eu l’occasion d’aller au Brésil pour jouer au foot.” Malheureusement, leurs démons les ont vite rattrapés. En tant que mère, Véronique se sent perdue mais aussi coupable. Face aux expériences douloureuses qu’ils ont vécues, ils n’ont pu remonter la pente et “la rue les a menés à la drogue.”

Son quotidien est compliqué. William et Jérémie ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. “Ils arpentent les rues du quartier, dans des vêtements sales, pour demander l’aumône. C’est dur de voir ses enfants ainsi et je fais souvent semblant de ne pas les connaître quand je les croise dans la rue.” Des fois, en regardant son garçon affalé sur le canapé, son cœur de mère saigne jusqu’à demander à Dieu : “Pa ti a prefer ou ramas zot avan mwa.” Elle continue à prendre courage pour ses deux benjamins qui vont toujours à l’école, ont des ambitions et des rêves. Tout en espérant “un miracle de Dieu” pour William et Jérémie.

Enfants des rues

La Covid-19 a aggravé la situation

Ce 12 avril, nous observons la Journée internationale des enfants en situation de rue. Selon Edley Maurer, responsable de l’ONG Safire, le nombre d’enfants de rue à Maurice est difficile à chiffrer. Cependant, il souligne que le problème qui se pose actuellement, c’est que suite à la Covid-19 et la fermeture des écoles, beaucoup d’enfants hors du mainstream, n’ont pas eu accès à l’éducation, sans enseignant, n’ayant pas accès aux outils informatiques ou encore en l’absence de l’encadrement des parents, ils ont décroché. À la reprise, n’étant plus en mesure de suivre les classes en présentiel, ils ont abandonné. Dans ce contexte actuel, la situation des enfants en situation de rues s’est aggravée.” Le travailleur social note cette situation dans plusieurs régions prises en charge par l’ONG.

Aussi, pour marquer la journée internationale des enfants de rues, Safire a prévu de lancer un projet sur la participation de leurs bénéficiaires à la Coupe du Monde de Football des enfants de rue qui aura lieu au Qatar avant la coupe du monde de la Fifa.