FOOTBALL—APRÈS LE BREXIT: Les conséquences redoutées sur le football européen

Les Britanniques ont voté leur sortie de l’Union européenne (UE). Ce “Brexit” aura des conséquences sur le football de l’occident, qui vivra sans doute un véritable cataclysme. Les conditions d’accession au championnat anglais seront renforcées, ce qui compliquera la venue des joueurs européens, jusqu’ici autorisés à évoluer outre-Manche sans exigences particulières. Une centaine de joueurs étrangers actuellement en Premier League, seront contraints de quitter les terres britanniques. Parmi eux, plusieurs grands noms français. Ce scénario inquiète les dirigeants des clubs de Premier League.
Une Premier League sans N’Golo Kante ni Anthony Martial ? Non, ce ne sont pas les dernières rumeurs de transferts. Mais bien les conséquences possibles de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Avec le vote des Britanniques en faveur du “Brexit” cette nuit, le football européen, et plus particulièrement le championnat anglais, s’en verront chamboulés.
Vers un permis de travail obligatoire
Depuis 1995, l’arrêt Bosman autorise tout footballeur originaire d’un pays membre de l’Union européenne à rejoindre le championnat anglais sans condition particulière. Lorsque le Royaume-Uni quittera l’UE (au terme d’une procédure d’environ deux ans), l’intégration devrait se compliquer, sauf en cas d’accord particulier entre l’UE et le Royaume. Chaque joueur européen se verrait obligé, comme le sont déjà les joueurs extra-communautaires, de disposer d’un permis de travail pour espérer s’installer outre-Manche.
Et obtenir ce sésame n’est pas une mince affaire. Ses règles d’attribution ont été durcies l’an passé. Un joueur d’un pays qui pointe au-delà du 50ème rang mondial établi par la FIFA voit sa demande refusée par le Home Office, institution qui délivre les permis de travail. Et ce n’est pas tout. Un joueur dont le pays fait partie des 50 premières nations mondiales doit obligatoirement jouer en équipe nationale, et compter un certain nombre de sélections sur les 24 derniers mois pour obtenir son permis. Un footballeur dont le pays se situe entre la 31ème et la 50ème place doit avoir disputé au moins 75% des matchs de sa sélection. Pour une nation classée entre la 11ème et la 30ème place, 45% de sélections sont exigées. Enfin pour un joueur d’un pays du top 10, au moins 30% des matchs doivent avoir été joués. De quoi faire le ménage au Royaume-Uni si les Européens deviennent soumis à ces règles.
122 joueurs contraints de quitter l’Angleterre
D’après l’Observatoire du football du Centre International d’Étude du Sport (CIES), qui a analysé la présence de joueurs étrangers dans 37 championnats en début d’année, la Premier League compte 66,5% d’étrangers. Le « Brexit » aurait donc des «conséquences dévastatrices» selon la vice-présidente de West Ham. Une prédiction partagée par de nombreux dirigeants de clubs. Le patron de la Premier League, Richard Scudamore, a également donné son avis : « Il y a un processus d’ouverture de la Premier League, ce serait totalement incongru de prendre la direction inverse. »
D’après les calculs de la BBC et compte tenu des difficiles conditions d’obtention du permis de travail, ce ne sont pas moins de 122 joueurs européens qui seraient contraints de quitter la Premier League en cas de « Brexit », sur 168 joueurs européens actuellement sur place. Parmi les Français, N’Golo Kanté, Anthony Martial, Morgan Schneiderlin, Yohan Cabaye ou encore Eliaquim Mangala seraient concernés. Des exceptions légales pourraient toujours être mises en place pour faciliter l’intégration des footballeurs européens, comme c’est déjà le cas en Suisse et en Norvège. Mais ce genre d’initiative nécessite plusieurs années avant de prendre effet.
Conséquences économiques
Le « Brexit »aurait également un fort impact économique pour le football anglais. En réduisant le nombre de joueurs de haut niveau de son championnat, la Premier League perdrait en attractivité, notamment auprès du public étranger. Et ce ne serait pas bon pour les droits de retransmission télévisée, auxquels les Anglais tiennent beaucoup. Pour donner un ordre de grandeur, les différents clubs de Premier League se partagent près de 7 milliards d’euros entre 2016 et 2019, soit le montant le plus important du monde. À côté, les clubs français ne se partagent « que » 750 millions d’euros par ans, répartis entre la Ligue 1 et les divisons inférieures.
De plus, si le « Brexit » entraîne une chute de la livre sterling (ce qui a été le cas lors des ouvertures des bourses européennes avec une chute de 30 points de la bourse de Londres à son ouverture), les Anglais verraient leur pouvoir d’achat baisser considérablement. Les salaires proposés et le montant des transferts seraient donc en chute libre. Ce qui réduirait encore un peu plus l’attractivité de la Premier League.
Promouvoir les joueurs anglais
Cette sortie de l’Union européenne pourrait toutefois être bénéfique à certains. Le blocage de transferts et le renvoi aux frontières des joueurs européens mettraient en lumière les joueurs anglais, sous-représentés dans leur championnat. Le débat sur le nombre de joueurs étrangers avait déjà éclaté outre-Manche. Greg Dyke, ancien président de la Fédération Anglaise de Football, avait avancé l’idée d’instaurer des quotas de footballeurs étrangers dès 2014.
Avec cette nouvelle situation, la Fédération anglaise miserait sûrement davantage sur ses centres de formation. Les jeunes joueurs anglais auraient plus de chances d’être mis au premier rang national. Cette sortie de l’UE du Royaume Uni permettrait aussi aux championnats européens, championnat français en tête, de pouvoir conserver leurs jeunes prodiges, souvent attirés par l’Angleterre après seulement une ou deux saisons réalisées au sein de l’Hexagone. Mais ces avantages sont très légers en comparaison des inconvénients listés aussi bien pour les championnats britanniques que pour le football européen.
Les Allemands promettent de « reconnaître le but de Wembley » de 1966 si les Britanniques restent dans l’UE. Pour inciter les Britanniques à rester dans l’Union européenne, le quotidien allemand Bild avait rédigé une liste de promesses à leur égard en cas de rejet du Brexit. Le journal titrait : « Chers Britanniques, si vous restez dans l’UE, nous reconnaîtrons le but de Wembley », accompagné d’une photo du tir controversé de Geoffrey Hurst, qui avait permis aux Anglais de remporter la finale de Coupe du Monde 1966. Depuis cette défaite, les Allemands nient en bloc ce but, considérant qu’il n’est jamais rentré dans les cages. Cette confusion marque la rivalité sportive entre Allemands et Anglais depuis un demi-siècle. Cela n’a pas été entendu par la majorité des Britanniques, qui ont décidé de sortir de l’Union europénne.

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