INTERVIEW — CHARLES CARTIER: «L’explosion de la FMN était prévisible… elle a désormais besoin  d’un leadership solide»

Dans un entretien accordé à Week-End en fin de semaine, le président du Club Natation de Quatre-Bornes (CNQB) nous dresse une situation très peu luisante de cette discipline après explosion de la Fédération mauricienne de Natation (FMN). Pour Charles Cartier, la chute de l’ex-présidente de la FMN était prévisible dansle sens où ce sont des clubs qui ne représentent pas la majorité des nageurs qui étaient au pouvoir depuis 2008. «A mon avis, nos interlocuteurs, jusqu’à la chute de la FMN, n’avaient pas la légitimité requise pour prendre des décisions qui concernaient la natation dans son ensemble. Cette situation était si contradictoire que les prises de décisions difficiles souffraient de contestations parce qu’elles ne bénéficiaient pas de l’adhésion des clubs dont les nageurs étaient les plus concernés», avance notre interlocuteur qui pense aussi que désormais la FMN a besoin d’un leadership solide.
Charles Cartier, vous êtes le président du CNQB, club qui occupe les premiers plans dans la natation mauricienne, peut-on d’abord savoir comment votre club vit ce nouveau triste épisode qui  frappe  la natation mauricienne?
— Tout d’abord je tiens à vous dire que toute l’équipe dirigeante du CNQB est inquiète depuis longtemps et que nous considérons que la situation actuelle est un dénouement logique des choses que nous avons toujours considérés comme étant absurdes à plus d’un titre . Ce que je veux dire, c’est que nous avions une fédération constituée de représentants de sept ou huit clubs qui au total n’ont que 3 ou 4 nageurs d’élite et une trentaine de nageurs dans leurs écoles d’initiation.  A titre de comparaison, le CNQB comptabilise tout seul plus de 200 nageurs et une élite d’une quinzaine de nageurs. Aujourd’hui le CAMO, le CNQB et le CNS représentent 95% des licenciés de la fédération. Je ne passerai pas par quatre chemins pour vous dire qu’un comité sans ces clubs ne survivra pas longtemps.
Maintenant pour répondre de façon plus explicite à votre question, cela fait plus de 5 ans que nous attendons que soit résolu le problème d’allocation de couloirs où nous sommes les seuls pénalisés et en plus cela fait deux ans qu’à cause de la panne de la piscine de Quatre-Bornes, nous devons nous contenter d’utiliser des couloirs à des horaires où personne ne veut plus utiliser la piscine de Beau-Bassin. Le CNQB subit tellement d’injustices depuis plus de 5 ans que je serais tenté de vous dire que cela ne change rien à notre sort qu’il y ait un comité directeur ou pas. C’est pourquoi nous avons eu l’habitude et nous continuons à ne compter que sur le dévouement de notre équipe au lieu de  pleurnicher sur le manque de couloirs.
Mais malgré tout, ne pensez-vous pas que l’explosion de la FMN aux lendemains des 8es Jeux des Iles met, de façon singulière, ce sport en péril?
— Je vous le redis l’explosion de la FMN était prévisible. Pour être honnête avec vous je crois que c’est mieux ainsi. Pour le bien des nageurs, il valait mieux qu’il y ait une transition vers une nouvelle fédération au lieu du maintien d’une fédération instable où les protagonistes ne pouvaient s’entendre sur des décisions clés.
Pourtant, les compétitions auraient dû reprendre ses droits. Le CNQB trouve-t-il cela normal ce soudain coup d’arrêt?
— Ce n’est pas normal que les compétitions s’arrêtent et que nos nageurs ne soient pas inscrits à des compétitions internationales. A ma connaissance, nous avons encore un comité technique qui peut sélectionner des nageurs et des entraîneurs qui peuvent préparer nos nageurs aux échéances internationales et nationales. D’ailleurs, lors de la rencontre avec le Caretaker Committee, j’ai demandé si les championnats d’été allaient avoir lieu? Jacques Malié, le président de ce comité, m’a rassuré en me disant que le nouveau comité sera mis en place à temps pour organiser cette épreuve importante de notre calendrier. Néanmoins, je tiens à vous redire ce que je disais plus tôt, c’est-à-dire qu’au CNQB, nous avons pris l’habitude de ne pas compter sur les autorités fédérales et nous avons donc pris les devants en cotisant afin d’envoyer nos nageurs aux Océanides à La Réunion en décembre.
Comment cela se passe-t-il quand un club de natation n’a pas d’interlocuteur pour travailler?
— Le problème n’est pas réellement que nous n’avons pas d’interlocuteurs pour travailler maintenant puisque nous savons bien que nous sommes dans une phase de transition. Il convient de situer la problématique à long terme puisqu’on doit tout faire pour que ne se reproduisent pas les mêmes problèmes. Dans la réalité des choses, les interlocuteurs que nous avions ne représentaient pas les clubs ayant la grosse majorité des licenciés. A mon avis, nos interlocuteurs, jusqu’à la chute de la FMN, n’avaient pas la légitimité requise pour prendre des décisions qui concernaient la natation dans son ensemble. Cette situation était si contradictoire que les prises de décisions difficiles souffraient de contestations parce qu’elles ne bénéficiaient pas de l’adhésion des clubs dont les nageurs étaient les plus concernés. Revenons sur les causes de l’éclatement de la fédération, c’est-à-dire un désaccord sur le renouvellement du contrat du DTN. Si le CAMO, le CNQB et le CNS étaient partie prenante de la décision, cette dernière aurait bénéficié du soutien de tous les stakeholders puisqu’avec le CNP, ce sont les seuls clubs ayant des nageurs entraînés par le DTN.
Cette situation n’est pas une première pour la natation…??
— Cela ne devrait pas être le cas et ne doit surtout être plus le cas. Vous savez, en plus du fait que le comité directeur de la FMN avait des difficultés à justifier la légitimité de ses décisions, mon point de vue est que tel qu’il était constitué ce comité souffrait d’une instabilité chronique. Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse pour dire une chose: Lorsque le General de Gaulle avait constaté en 1958 que les gouvernements se reconstituaient au gré de la volonté de l’appareil des partis français et que les gouvernants par ce biais n’avaient aucune légitimité il a fait changer la constitution et la France est passée sous le régime de la  cinquième république avec une élection du président au suffrage universel. Avec ce changement, les gouvernements sont devenus plus stables et en plus devenaient légitimes parce que choisis directement par le peuple. L’éclatement du comité de la FMN était prévisible parce que ce comité ne représentait que 5% des nageurs. Je pense que l’éclatement de cette  fédération est une opportunité pour tous de réapprendre à travailler ensemble.
Charles Cartier, la natation a toujours prouvé le contraire…
— Je crois qu’il est temps de changer de mentalité et d’état d’esprit. C’est la seule issue pour trouver une stabilité.
C’est-à-dire confier la FMN aux mains de clubs dits grands?
— Ceux qui ont formé le dernier comité directeur ont systématiquement «éliminé» les dirigeants des clubs qui ont la majorité des nageurs. On voit aujourd’hui le résultat. Donc, moi je dis que tout le monde peut et doit travailler ensemble.
Vous avez assisté à la réunion des clubs avec le Caretaker Committee, comment  avez-vous trouvé cette réunion?
— Je pense que la réunion avec le Caretaker Committee était essentiellement informative. La conclusion que j’en retire c’est que tous les dirigeants de la natation sont unanimes sur le fait que les statuts  de la FMN sont caducs par rapport au Sports Act 2004 et que cela est source de problèmes. Néanmoins mon point de vue est qu’établir la conformité avec le Sports Act 2004 ne changera rien puisque rappelez-vous, nous avons appliqué à la lettre le Sports Act 2004 pour les élections de 2008 avec le dénouement et le désastre que nous constatons aujourd’hui. Pourquoi les choses seraient-elles meilleures après des élections en 2011 quand on appliquera les mêmes règles qu’en 2008.
En fait, le problème est dans le mode d’élection qui au travers des élections d’un comité régional,  ne prend pas en considération la représentativité des clubs. Nous nous retrouvons aujourd’hui dans une élection d’un comité régional ou un club ayant 300 nageurs a trois voix et qu’un autre club n’ayant que 3 nageurs a aussi 3 voix. Cela revient à donner 100 fois plus de poids à un nageur d’un club fictif qu’à celui d’un vrai club. Tout le monde dans le giron de la natation sait très bien que c’est ce qui se passe et que c’est cela qui fausse la règle du jeu. On pourra refaire des élections dix mille fois mais si rien ne change à ce niveau-là, les dirigeants ne seront jamais légitimes et la fédération sera toujours instable.
Quels doivent être selon vous, le rôle et la mission de la nouvelle FMN?
— Je pense qu’il est grand temps que toutes les fédérations définissent plus clairement leurs missions et au niveau de la natation, les principales missions sont :Premièrement la définition des objectifs sportifs de la discipline et la stratégie à mettre en place pour atteindre ces objectifs Ces objectifs devront être clairement énoncés et si possible chiffrés par exemple: (a) le nombre de nageurs  devant être initiés annuellement ou (b) Les objectifs de performances sportives : Nombre de médailles d’or aux JIOI entre autres.
Deuxièmement : L’organisation de compétitions nationales et internationales. Cette mission est très importante, par exemple dimanche dernier  avec la fédération de Triathlon nous avons organisé les championnats de Maurice de Duathlon et nous avons eu besoin de pratiquement trente officiels. Je pense sincèrement que nous devrons donner un statut différent aux officiels au sein des fédérations sportives. Pour l’instant, ce sont pour la plupart des bénévoles qui sont amis et parents des sportifs, cela doit changer.
En terme de stratégies, je pense que cela doit se faire dans le consensus. Je veux dire par là c’est qu’autant que je crois, la fédération devra donner les moyens aux grands clubs d’entraîner leur élite en fonction de leurs résultats, je suis convaincu que la fédération devra aussi identifier des créneaux spécifiques pour l’initiation des nageurs afin que les petits clubs aient les moyens pour initier de plus en plus de nageurs et de pouvoir grandir. Au niveau des initiations d’ailleurs, je pense que la fédération doit donner des moyens à toutes les régions de l’île sur une base égalitaire.
Le CNQB a-t-il un problème avec la mise en place de ce Caretaker Committee et allez-vous donner le coup de main pour remettre en place la FMN?
— Comme je vous l’ai dit plus haut la mise en place d’un Caretaker Committee était la seule voie pour résoudre l’instabilité chronique du précédent comité. Au niveau du CNQB, nous sommes tout à fait disposés à soutenir la remise en place de la fédération. Tout le monde connaît l’engagement de notre équipe pour la promotion de ce sport. Néanmoins, cela doit se faire dans le consensus avec une vision claire et un leadership fort.
Le CNQB –  comme le CAMO et le CNS qui sont aussi des clubs dit gros –  a été loin du sphère des décisions de la FMN depuis un certain nombre d’années, pensez-vous que cette fois le club quatrebornais doit jouer un rôle dans la nouvelle fédération?
— Comme je vous l’ai dit plus haut je ne crois pas que la FMN sera stable si ces trois clubs étaient représentés au sein de la fédération. D’ailleurs, je n’aurais pas aimé être à la place de celui qui arrivera à la tête de la fédération sans ces trois clubs. Maintenant, s’il y a un comité sans le CNQB, ce sera encore une fois une occasion gâchée pour la natation parce que je connais très peu de clubs ayant une équipe aussi dévouée que celle que nous avons. Mais comme vous le savez, tout ça ne dépend pas que de nous.
Pensez-vous qu’il y aura une solution au bout du tunnel?
— Franchement, je ne sais pas parce que l’issue de cette élection à venir est très incertaine, reposez-moi la question après cette élection fédérale et j’en aurai peut-être plus à dire.

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